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Peut-on se délivrer d'une illusion comme on rejette une erreur ?

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« L'illusion semble faire davantage problème que l'erreur.

Notons, dans le libellé du sujet, l'importance du « comme on » et de la notion de délivrance.

C'est sur cette difficulté particulière à l'illusion qu'il conviendra de centrer le travail de la dissertation.

Rappelons la distinction faite par Freud (L'Avenir d'une illusion, 1927) à propos de la religion l'erreur est de l'ordre de la logique, alors que l'illusion relève de l'affectivité.

L'erreur (contrairement à l'illusion) ne suppose pas de rupture d'avec le réel, elle peut être rectifiée.

L'illusion (comme le fait d'ailleurs le rêve réalisant un désir inconscient) demeure indifférente à la réalité.

Aussi n'est-elle jamais démentie. Freud: L'erreur n'est-elle due qu'à l'ignorance ? Une illusion n'est pas la même chose qu'une erreur, elle n'est pas non plus nécessairement une erreur.

L'opinion d'Aristote selon laquelle la vermine se développerait à partir des déchets opinion à laquelle le peuple dans son ignorance reste aujourd'hui encore attaché - était une erreur, tout comme celle d'une génération antérieure de médecins qui voulait que le tabes dorsalis (affection neurologique due à la syphilis de la moelle épinière) soit la conséquence d'une débauche sexuelle.

Il serait abusif d'appeler ces erreurs illusions.

En revanche, ce fut une illusion de Christophe Colomb d'avoir cru découvrir une nouvelle voie maritime vers les Indes.

La part que prend son souhait à cette erreur est très nette.

On peut qualifier d'illusion l'affirmation de certains nationalistes selon laquelle les Indo-Germains seraient la seule race humaine capable de culture, ou bien la croyance selon laquelle l'enfant serait un être sans sexualité, croyance qui n'a finalement été détruite que par la psychanalyse.

Il reste caractéristique de l'illusion qu'elle dérive de souhaits humains ; elle se rapproche à cet égard de l'idée délirante en psychiatrie, mais elle s'en distingue par ailleurs, indépendamment de la construction plus compliquée de l'idée délirante.

Dans l'idée délirante, nous soulignons comme essentielle la contradiction avec la réalité effective ; l'illusion, elle, n'est pas nécessairement fausse, c'est-à-dire irréalisable ou en contradiction avec la réalité.

Une jeune fille de la bourgeoisie peut, par exemple, se créer l'illusion qu'un prince viendra la chercher.

C'est possible, quelques cas de ce genre se sont produits.

Qu'un jour le Messie vienne et fonde un âge d'or, c'est bien moins vraisemblable ; selon sa position personnelle, celui qui jugera de cette croyance la classera comme illusion ou comme l'analogue d'une idée délirante.

Il n'est d'ailleurs pas facile de trouver des exemples d'illusions qui se soient révélées vraies.

Telle pourrait bien être néanmoins l'illusion des alchimistes de pouvoir transformer tous les métaux en or.

Le souhait d'avoir énormément d'or, d'avoir tout l'or possible, est très émoussé par la compréhension que nous avons aujourd'hui des conditions de la richesse, et cependant la chimie ne tient plus la transmutation des métaux en or pour impossible.

Nous appelons donc une croyance illusion lorsque, dans sa motivation, l'accomplissement de souhait vient au premier plan, et nous faisons là abstraction de son rapport à la réalité effective, tout comme l'illusion elle-même renonce à être accréditée. La notion d'erreur est liée à la question de la vérité.

Et la philosophie presque tout entière peut se définir comme « recherche de la vérité ».

La philosophie dénonce les erreurs liées à la confusion entre apparence et réalité, en opposant opinion et savoir (Cf.

Platon, mythe de la Caverne, La République, Livre VII, 514a-517c).

Elle en recherche les causes (Cf.

Descartes, Méditation Quatrième, où l'erreur est définie non comme une pure négation, mais comme « une privation de quelque connaissance qu'il semble que je devrais avoir ».

L'erreur naît de l'écart entre la volonté et l'entendement.

La volonté « beaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais je l'étends aussi aux choses que je n'entends pas »). La volonté ne connaît pas de limite. «Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande que je ne conçois pas l'idée d'aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je porte l'image et la ressemblance de Dieu.» Descartes, Méditations métaphysiques (1641). • Pour Descartes, notre volonté est infinie: elle est ce qu'il y a de divin en l'homme.

C'est ce que l'on appelle le libre-arbitre: la faculté de décider d'agir, que chacun peut ressentir en soi-même au moment où il décide de faire ou de ne pas faire un geste par exemple. • Cela ne signifie pas que l'homme soit toujours entièrement libre.

Car la volonté est une faculté de l'âme, mais celle-ci, pour Descartes, est située dans le corps, et peut être déterminée par lui: c'est ce que Descartes appelle les «passions», où l'âme subit les effets du corps.

Mon corps et ses moyens limités limitent donc ma volonté, de même que mon entendement, lui aussi limité, peut m'amener à prendre de mauvaises décisions.

Même si ma volonté ne surmonte pas toujours ces contraintes, elle peut, en principe, le faire. « En quoi on connaît la force ou la faiblesse des âmes, et quel est le mal des plus faibles. Or, c'est par le succès de ces combats que chacun peut connaître la force ou la faiblesse de son âme.

Car ceux en qui naturellement la volonté peut le plus aisément vaincre les passions et arrêter les mouvements du corps qui les accompagnent ont sans doute les âmes les plus fortes.

Mais il y en a qui ne peuvent éprouver leur force, parce qu'ils ne font jamais combattre leur volonté avec ses propres armes, mais seulement avec celles que lui fournissent quelques passions pour résister à quelques autres. Ce que je nomme ses propres armes sont des jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et du mal, suivant lesquels elle a résolu de conduire les actions de sa vie.

Et les âmes les plus faibles de toutes sont celles dont la volonté ne se détermine point ainsi à suivre certains jugements, mais se laisse continuellement emporter aux passions présentes, lesquelles, étant souvent contraires les unes aux autres, la tirent tour à tour à leur parti et, l'employant à combattre contre elle-même, mettent l'âme au plus déplorable état qu'elle puisse être.

Ainsi, lorsque la peur représente la mort comme un mal extrême et qui ne peut être évité que par la fuite, si l'ambition, d'autre côté, représente l'infamie de cette fuite comme un mal pire que la mort, ces deux passions agitent diversement la volonté, laquelle obéissant tantôt à l'une, tantôt à l'autre, s'oppose continuellement à soi-même, et ainsi rend l'âme esclave et malheureuse.

» Descartes.. »

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