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Peut-on réduire la définition de la technique a la production de ce qui est utile ?

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« La technique, d'après Canguilhem, se distingue de la science en ce que son évolution n'est pas linéaire mais plus brutale, la technique progresse par àcoups.

C'est que, ce que vise la technique ce n'est pas tant la connaissance des objets auxquels elle s'articule, mais une efficacité pratique.

La technique est corrélative d'un rapport directement pratique au monde, ce n'est pas la vérité de l'objet (la vie, l'atome, l'univers) que vise la technique mais une plus grande maîtrise de l'homme sur son environnement, la technique sert à faciliter nos actions. Toutefois il ne faut pas confondre technique et technologie, la première existe peut-être en dehors de toute finalité pratique : l'art ne témoigne t-il pas de ce que la technique n'est pas nécessairement liée à l'utile ? Définir la technique exigerait alors de se détourner d'une réflexion sur ses effets et de la prendre comme un indice du rapport de l'homme à la nature. I- La technique est définie par son utilité. Dans Protagoras ou les sophistes Platon met en scène le mythe d'Epiméthée, ce dernier doit s'occuper de conférer des propriétés à chaque animal de la création, de sorte qu'ils soient suffisamment adaptés à la vie terrestre.

Or Epiméthée oublie de pourvoir l'homme de qualités suffisantes pour subsister dans un monde hostile.

L'homme est donc un animal nu, n'étant pas adapté à la vie sauvage son seul pouvoir sera d'inventer des moyens pour résister aux forces de la nature.

La technique fera donc fonction d'organe de substitution par lequel l'homme pourra s'adapter à la nature. La genèse de la technique renvoie à l'identification d'un manque, le même constat est dressé par Bergson lorsque dans L'évolution créatrice il distingue l'animal, qui, grâce à l'instinct, est directement adapté à la vie naturelle, et l'homme qui, pris en défaut par les exigences de la nature, doit à son intelligence la confection d'outils qui lui permettent de subsiter.

La technique est le signe d'un effort fournit par l'homme pour perpétuer son espèce en dépit de dispositions physiques adéquates pour une vie à l'état de nature.

Il est intéressant à cet égard de se reporter aux descriptions physiologiques de l'homme données par Rousseau dans Le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , qui apparaissent comme autant de désavantages pour la conduite d'une vie sauvage. L'idéal directeur du progrès technique est l'efficacité, la technique est la production d'outils utilitaires facilitant la vie humaine.

L'objet de la technique n'est plus tant d'accommoder l'homme à la nature, celle-ci a été soumise depuis bien longtemps au règne de l'humanité, au point qu'elle n'en constitue plus qu'une région, comme le souligne Heidegger. Désormais c'est au confort de la vie sociale que sert l'évolution technique.

Un procédé technique en chasse un autre dès lors qu'il apparaît plus efficace, témoignant d'une plus grande utilité.

Une technique inutile se discrédite d'elle-même, elle est un contresens, à ranger au musée des prototypes du concours Lépine. II- La technique n'est pas uniquement la production de ce qui est utile. Comme nous l'avions annoncé il faut distinguer technique et technologie.

La seconde est liée à un impératif pratique, la première peut-être l'outil d'une science purement spéculative, c'est-à-dire ne visant aucune application pratique.

La science s'appuie sur la technique pour progresser dans sa connaissance de phénomènes chimiques, physiques ou biologiques, ce n'est pas une possible action de l'homme sur le monde mais plutôt la connaissance de ce dernier qui est visé.

C ertes, il faut se rappeler la maxime positiviste de Comte « savoir pour prévoir, prévoir pour agir » : la connaissance, même si elle est parfois seulement spéculative, c'est-à-dire théorique, contribuera un jour, par les résultats obtenus, à une application concrète dans la vie de l'homme.

Les recherches menées aujourd'hui sur les propriétés thérapeutiques des cellules souches descendent directement des travaux des biologistes du début du XXe siècle qui s'étonnaient des qualités des tissus embryonnaires, ceux-ci pouvant se développer normalement malgré, parmi d'autres exemples, l'interversion artificielle de certaines ébauches qui le constituent (patte gauche et droite).

C es travaux ne témoignaient que d'une volonté de connaissance et non d'une volonté d'action sur la nature. La technique, en tant qu'elle sert la science spéculative peut n'avoir aucune utilité, la volonté de savoir engage l'homme dans un rapport avec la vérité, non avec l'utile.

Les techniques d'astronomie lorsque cette science n'en était qu'à ses balbutiements ne pouvait être définie par son utilité, elle était bien plutôt le signe d'une curiosité de l'homme.

La technique peut parfois être désintéressée par rapport à toute finalité pratique.

C'est probablement l'art qui est ici le meilleur exemple. En effet, les divers procédés techniques employés par les peintres, s'ils sont motivés par des intentions de style, servent une inspiration mais c'est pour leurs propriétés esthétiques et non pour leur utilité qu'ils sont élus par l'artiste.

La technique en art correspond à la recherche d'un certain effet, le critère de l'utile n'est pas ici pertinent pour la comprendre.

Le pointillisme, le cubisme ou l'art abstrait ne sont pas des productions utilitaires mais des procédés esthétiques, qui incarnent la recherche d'un sens. III- La technique comme production de l'esprit. On ne peut définir la technique que par l'un de ses effets : la production de ce qui est utile, il faut également prendre en compte le fait qu'elle est la trace de l'esprit humain dans la nature.

Elle est le signe du règne de l'homme, de la distance qu'il met entre lui et la nature.

A cet égard la technique humaine diffère de la technique animale, celle-ci, qui consiste par exemple en l'utilisation de bâtons chez les singes, ou en l'usage de plantes pour se soigner, elle demeure circonstancielle, limitée aux seuls moyens offerts par la nature.

La technique animale est mimétique, instinctive mais jamais réellement organisée ni réfléchie comme chez l'homme. Dans La philosophie de l'histoire Hegel rappelle que les grecs étaient éminemment conscients du fait que la technique témoignait d'une prise d'autonomie par rapport à la nature.

Il rappelle les descriptions d'Homère, qui fourmillent dans son œuvre, d'objets techniques dont on s'émerveillait de l'ingéniosité et de l'avantage qu'ils présentaient.

L'homme y lisait la trace de son action dans le monde.

L'invention technique est le reflet de l'esprit humain, ce n'est pas un hasard si le héros homérique, Ulysse, est dit intelligent en fonction de sa capacité à utiliser des techniques pour tromper l'ennemi (par exemple le cheval de Troie). La définition de la technique ne saurait être philosophique si elle n'ouvre pas à une réflexion sur les rapports de l'homme à son milieu.

Tandis que la technique animale ne correspond qu'à une meilleure adaptation à leur environnement, la technique humaine coïncide avec la création d'un environnement propre.

En deçà de la production d'objets utiles, la technique c'est l'aptitude de l'homme à construire un monde humain au sein du monde naturel. Conclusion : Il est significatif que la technique passionne l'homme même lorsqu'elle est inapplicable, il faut voir tout les dessins, les plans, laissés par De Vinci, présentant des objets techniques inutiles puisque irréalisables.

Ceux-ci fascinent néanmoins car ils renvoient l'homme à son propre pouvoir : celui d'inventer, de créer au-delà de ce que la nature lui donne.

Il ne s'agit pas, avec la technique, de simplement détourner un objet naturel pour s'en servir (le chimpanzé « voit » le bâton dans une branche d'arbre un peu cassée), mais de construire un autre monde.. »

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