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Peut-on perdre son temps ?

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« AIDE DE L'ELEVE: Le plus simple est peut-être de partir de l'usage de l'expression : nous disons que nous perdons notre temps lorsque nous ne faisons rien de bien utile ou que nous passons notre temps à faire quelque chose alors que nous avons des choses beaucoup plus importantes à faire.

L'expression semble donc relative à chacun : là où une personne estime perdre son temps, une autre pourra considérer que ce même moment est très utile.

C'est sans doute pourquoi on ne dit pas perdre le temps, mais perdre son temps, perdre un temps qui nous est propre à chacun.

Lorsque je dis : »je n'ai pas de temps à perdre », cela signifie que j'ai des choses beaucoup plus utiles à faire.

Or, vous pouvez remarquer que si nous avons parfois le sentiment de perdre notre temps, ce temps s'écoule toujours objectivement de la même manière.

Le temps s'écoule, le passé fuit et nous perdons en ce sens toujours notre temps. Perdre quelque chose c'est ne plus avoir, posséder, ce que nous avions.

C 'est aussi ne plus le trouver.

Lorsque je dis que j'ai perdu mes clefs, cela signifie que je ne sais pas où elles sont ; mais lorsque je dis que j'ai perdu la mémoire, cela signifie que je n'ai plus cette faculté de me souvenir ou que je n'ai plus le souvenir d'un événement précis.

Que peut alors signifier perdre son temps ? En ce sens, perdre son temps consisterait à ne plus avoir son temps à disposition, mais dans un sens bien particulier car lorsque nous sommes très occupés, nous n'avons plus de temps à nous mais nous ne perdons pas pour autant notre temps.

C 'est donc bien au regard d'une fin précise que nous perdrions notre temps.

Le temps serait perdu lorsqu'il est mal utilisé.

Mais alors comment juger que nous perdons notre temps ? Là où j'ai le sentiment de le perdre, quelque chose d'utile ne peut-il pas avoir lieu ? P ar ailleurs, est-ce vraiment alors le temps que nous perdons lorsque nous disons que nous perdons notre temps ? [«Perdre son temps» a une signification assez claire. J'ai perdu mon temps quand, malgré mes efforts ou mes précautions, je ne suis pas arrivé au but que je m'étais fixé.] Je peux gagner du temps, je peux aussi en perdre La durée est subjective.

De même qu'une heure ennuyeuse semble plus longue qu'une heure joyeuse (bien qu'elles aient toutes deux soixante minutes), de même une heure mal employée est dite «perdue», et, si elle est bien remplie, on la dit «gagnée».

Nous savons également qu'on peut, grâce à la mémoire, partir «à la recherche du temps perdu».

Nous pensons enfin que l'on peut réparer une perte de temps en prenant sur ses loisirs ou en «mettant les bouchées doubles». Le temps perdu ne se rattrape jamais Si j'échoue à un examen, je vais dire: «J'ai perdu un an».

Et, effectivement, il me faudra recommencer la même préparation: mon diplôme m'aura coûté deux ans de ma vie alors qu'il n'en a coûté qu'un à mes condisciples. Certaines «activités» me font perdre du temps Lorsque je dois travailler au-delà des heures normales parce que je n'ai pas été suffisamment rapide et efficace, je considère que j'ai perdu du temps. Et il est vrai que du temps a été perdu, puisque je dois consacrer au travail le temps normalement prévu pour le repos et les loisirs. [On ne perd jamais son temps, même quand on croit en perdre.

Le temps est toujours utilisé à faire quelque chose.

Même si ce n'est pas l'utilisation que j'avais prévue ou le rendement que j'espérais.] Aucune portion du temps ne se perd Quand on se plaint d'avoir perdu trois heures, deux jours ou un an, on sait très bien que cette durée n'a pas été soustraite à notre vie.

C e laps de temps a bien été à notre disposition, mais nous l'avons mal employé, gâché, «perdu».

C e qui a été perdu, ce n'est donc pas telle portion du temps (elle n'a été ni écourtée, ni supprimée), mais son utilisation, son fruit, son rendement. Ce que l'on perd d'un côté, on le perd de l'autre Une perte à court terme peut être suivie d'un gain à long terme.

Une maladie qui a fait perdre dix mois d'études peut être l'occasion d'un approfondissement spirituel.

Interrompre ses activités pour rendre un service, c'est perdre du temps au niveau de la rentabilité.

M ais ce n'est pas du temps perdu, puisque celui-ci a servi à quelque chose. Le temps n'est pas un bien On ne peut perdre son temps que dans une société libérale qui a fait sienne l'adage «Le temps, c'est de l'argent».

Mais le temps n'est de l'argent que s'il est considéré comme une marchandise.

Or, le temps n'est pas une chose.

Il ne saurait donc être «perdu», ni d'ailleurs «gagné». C 'est parce que nous sommes des êtres temporels, donc mortels, que nous pouvons «perdre notre temps».

(Bien sûr, nous ne perdons pas le temps, mais simplement la rentabilité de la durée concrète.) C ependant, il ne faut pas oublier que cette faiblesse n'est que le revers de notre puissance dans le temps: nous pouvons utiliser notre temps, nous pouvons même, quelquefois, «gagner du temps».

Nous sommes dans le temps et, grâce à celui-ci, nous pouvons progresser, projeter, créer.

Ce n'est que parce que nous voulons faire quelque chose du temps qu'il peut sembler parfois que nous en perdons un peu quand nous l'utilisons mal.

Mais il peut être bon de «perdre son temps» pour mener une vie plus humaine, pour ne pas penser qu'en termes d'efficacité, pour «prendre le temps de vivre», pour «ne pas perdre sa vie à la gagner».

En effet, en toute rigueur, celui qui «perd son temps», c'est celui qui, en sacrifiant tout à la rentabilité, abîme sa santé et abrège sa vie.. »

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