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Peut-on penser sans images ? l'image est-elle toute l'idée ?

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« DÉVELOPPEMENT Le problème de la généralisation soulève la question des rapports de l'idée et de l'image.

Les empiriques à ce propos ont fait une remarque qui ne manque pas d'une certaine justesse, c'est qu'on ne pense pas sans image.

Avant Berkeley et Hume, Bossuet l'avait déjà reconnu.

« L'entendement ne se forme point l'idée du triangle ou du cercle que l'imagination ne s'en figure un.

Il se mêle des images sensibles dans la considération des choses les plus spirituelles, par exemple de Dieu et des âmes ». On peut remarquer aussi que les mots eux-mêmes sont des images plus commodes et plus précises que l'on peut substituer aux images proprement dites. Il est certain que la pensée est le plus souvent contrainte de revêtir une forme sensible.

Nous essayons d'imaginer l'abstrait.

Cette tendance à penser avec des images et avec des mots produit souvent ce « psittacisme » dont parle Leibniz.

"La plupart du temps, en parlant des choses, nous ne pensons pas à la chose exprimée, mais seulement aux mots". Toutefois il y a lieu de faire certaines réserves.

Pour ce qui est des mots, est-ce que souvent il ne nous arrive pas de chercher un terme pour traduire notre pensée et d'éliminer plusieurs termes qui ne nous satisfont pas ?Preuve que la pensée préexiste au langage.

« Même quand nous trouvons les mots, remarque Roustan, ne sentons-nous pas combien la pensée réelle déborde la pensée exprimée, quelle grosse part de nos idées et de nos sentiments nous laissons tomber pour les communiquer aux hommes ». Si le mot ne rend pas toute la richesse de l'idée, celle-ci dépasse aussi infiniment l'image.

L'idée de couleur en général n'est ni bleue, ni rouge, ni verte, etc.

; c'est une notion intellectuelle, un concept abstrait. L'image, résidu d'une sensation, reste toujours invinciblement engagée dans le concret, le sensible, le particulier; l'idée, suivant l'expression de Hamilton, a un caractère d'universalité potentielle. L'image peut être confuse, tandis que l'idée correspondante peut être parfaitement claire.

Ex.: Je conçois très bien un myriagone, je ne puis pas l'imaginer. Il y a des idées auxquelles ne correspond aucune image réelle, par exemple les idées de justice, de venin, de conscience, etc.

qui représentent des objets qui ne tombent pas sous les sens. Les empiriques contemporains ont parlé, il est vrai, d'images génériques ou composites qui, résultant de la fusion de plusieurs images particulières, pourraient être considérées comme l'équivalent de l'idée générale.

Par exemple après avoir vu un certain nombre d'arbres il me reste dans l'esprit une image schématique, qui consiste en une représentation plus ou moins nette d'un tronc, de branches et de feuilles ; telle est la représentation que j'ai dans l'esprit quand j'emploie le mot arbre. L'empirisme assimile ainsi l'esprit à une sorte de plaque sensible sur laquelle s'obtient une photographie qui est la moyenne de divers portraits.

Mais on ne voit pas bien quelle fusion d'images particulières a pu donner naissance à l'idée de beau, à l'idée de rapport, etc. C'est que penser, c'est autre chose qu'imaginer.

L'idée est une notion de rapport, qui implique au fond un jugement. Or le rapport ne participe pas de la nature des objets sensibles.

L'image et l'idée sont hétérogènes.

Imaginer un homme, c'est s'en représenter un qui soit grand ou petit, blanc ou noir, etc.

Concevoir l'homme, c'est affirmer qu'il existe un animal doué de raison.

Dans le premier cas, représentation sensible ; dans le second, système de rapports intelligibles. L'empirisme, en considérant l'esprit comme un appareil enregistreur, méconnaît l'activité de l'intelligence et ce travail original par lequel elle tire du particulier l'universel.

« La pensée, dit M.

Brochard, contrainte de revêtir une forme sensible, apparaît un moment comme étant tel objet, tel exemple particulier ; elle s'y repose en quelque sorte, mais elle ne s'y enferme ni ne s'y absorbe ; elle dépasse les images qui l'expriment, et elle est capable de s'incarner plus tard dans d'autres images plus ou moins différentes. Les empiriques eux-mêmes n'ont pu s'empêcher d'apercevoir que l'idée est plus qu'un mot ou qu'une image.

Hume et S.

Mill reconnaissent dans la pensée une « habitude » qui subsiste après la représentation actuelle et fait passer l'esprit d'image en image.

Taine emploie le mot tendance.

Preuve que les empiriques n'ont pu rester entièrement fidèles à l'esprit de leur doctrine. En résumé, un mot a une signification et correspond à quelque chose qui est dans l'esprit ; c'est la réfutation du nominalisme, qui est la forme radicale de l'empirisme.

Ce qui est dans l'esprit quand nous prononçons un mot, c'est une image ou une idée.

Penser par images, ce n'est pas vraiment penser; c'est voir en artiste ou en poète, c'est apercevoir les aspects particuliers des choses.

Penser véritablement, c'est concevoir des idées qui peuvent bien s'appuyer sur des images, mais qui dépassent infiniment la sphère des sens et de l'imagination ; c'est penser par concepts, c'est envelopper la multiplicité dans l'unité ; et c'est dans ce sens supérieur du mot qu'Aristote a osé dire que l'on pense sans image.. »

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