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Peut-on nous reprocher ce que nous sommes ?

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« PREMIÈRE CORRECTION Lorsque quelqu'un nous reproche ce que nous sommes, cela suppose au moins deux choses.

Premièrement, que ce que nous sommes est lisible, i.e qu'il existe quelque chose en nous d'assez stable, d'assez identique dans la continuité pour que cela puisse être montré du doigt.

Deuxièmement, qu'autrui est dans la capacité d'atteindre ce que nous sommes pour le remettre en cause, qu'il a le pouvoir de cerner cette identité personnelle qui nous caractérise.

On saisit donc que ce sujet nous renvoie à deux notions, celle d'identité, bien évidemment, mais également, celle de l'accès possible à autrui.

Ce second point est tout aussi important puisqu'il nous pousse à nourrir une certaine suspicion quant à la possibilité de véritablement pouvoir connaître autrui.

D'autre part, il est possible de penser que ces deux points sont en vérité liés: suis-je assez le même pour supporter le jugement d'autrui, sachant que ce jugement s'appuie précisément sur une potentielle identité de ma personne? I.

Le problème de l'identité Qu'est-ce que l'identité? C'est quelque chose qui dure, tout en restant toujours le même.

En effet, rester identique, c'est déjà durer.

Pour que je puisse reconnaître ma soeur, elle doit durer dans le temps comme personne particulière.

Si certains de ces caractères ne persévéraient pas dans le temps, des caractères qui me permettent de la reconnaître, je passerais devant elle comme s'il s'agissait d'une inconnue, ou encore, je découvrirais à chaque instant avoir une soeur.

C'est bien ici que la mémoire entre en jeu, puisque c'est cette faculté qui va me permettre de soutenir une certaine continuité dans les faits.

Qu'est-ce à dire? Si je prends l'exemple de ma propre personne, si je me reconnais sur cette photo d'école, dans cette vidéo d'une soirée que j'aurais gagné à éviter, c'est parce que je m'en souviens.

Ma conscience me permet de faire retour sur tel ou tel événement de ma vie et de me ressaisir de cet instant comme faisant partie de ma biographie.

On remarque d'ailleurs que dans le cas de certaines pathologies affectant la mémoire (Alzheimer...), les patients ne se reconnaissent même plus dans une glace.

Mon identité semble donc s'appuyer sur ma mémoire. Mais on doit rappeler que notre mémoire est également construite.

En effet, tout d'abord elle n'est pas forcément conforme au fait; certains trous de mémoire sont comblés, certains vécus réinterprétés, certains souvenirs douloureux refoulés.

Deuxièmement, les autres peuvent parfois m'en apprendre sur moi: par exemple, lors d'une soirée dont l'attribut essentielle est l'alcool, mes amis peuvent me faire le récit de certains moments dont je ne me souviens plus, me permettant ainsi de les réintégrer à mon histoire.

L'identité s'appuie donc également sur l'imagination qui me permet de combler les trous, sachant que cette activité peut s'effectuer d'une manière plus ou moins fidèle à la réalité.

De ce développement, nous retenons pour l'instant qu'une identité semble pouvoir être le socle des jugements qui s'effectuent sur notre personne.

Et il faut ici spécifier l'usage d'un terme, à savoir celui précisément de personne.

La personne, ou le soi comme le nomme Locke dans son Traité concernant l'entendement humain, c'est précisément cette identité que me permet d'assumer ma mémoire.

Ce dont je me souviens de moi (ou ce dont les autres m'aident à me souvenir, ou encore ce que je créé parfois de toute pièce ou arrange selon mon goût) permet la construction du soi, de la personne. Cependant, il est possible de s'interroger sur la pertinence de cette notion d'identité.

En effet, n'est-ce pas tout simplement une fiction ou un terme purement psychologique? Rappelons-nous ici l'exemple de Hume: ce bateau dont j'ai, au fil du temps, réagencer intégralement en changeant presque toutes ces pièces, est-il encore le même bateau.

Je le considère comme étant le même, malgré le fait qu'il a été quasiment reconstruit.

Je projette en somme une identité sur ce bateau, mais la réalité est-elle conforme à ce jugement psychologique? De toute évidence, dans notre monde, tout est en mouvement, tout change sans cesse: n'est-ce point pour nous rassurer que nous attribuons une identité aux choses, que nous introduisons des îlots statiques au coeur d'un réel en mouvement, que nous « chosifions » le réel. Nietzsche, dans La volonté de puissance, insiste sur cette invention proprement humaine qu'est celle de chose.

La chose, toujours identique à elle même, représente deux trahisons envers le réel.

Tout d'abord, par son aspect statique, elle nie un réel toujours en mouvement, toujours en procès.

Mais également, elle hypostase la réalité, i.e qu'elle invente de l'unité là où il n'y en a pas.

Ainsi je choisi par exemple de voir sur ce bord de chemin un arbre, mais cela n'est qu'une unité nominale, je suis victime de mon langage qui se projette ainsi sur le monde.

En disant le mot arbre, je vois un arbre, mais en réalité, cette entité est créée: il n'y a pas véritablement un arbre,mais un tronc, des branches, des feuilles.

Et, pour ne prendre que la feuille, cette dernière est une composition d'épiderme verdoyant, de nervures, de veinules et tout ce qui en constitue la limbe. Nous unifions pour nous rassurer un réel multiple.

En ce sens, reprocher quoique ce soit à l'autre quant à sa personne, c'est toujours effectuer un jugement qui simplifie une réalité plus complexe, moins unifier et plus en mouvement. II.

La crise d'identité pascalienne et le procès existentialiste. »

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