Aide en Philo

Peut on ne pas vouloir etre soi-même ?

Extrait du document

« Analyse du sujet Le terme soi-même est le plus important car c'est lui qui nous indique la notion principale interroger, à savoir l'identité.

Le même n'exprime pas autre chose que l'identité, soi-même c'est l'identité plus la conscience : la conscience réflexive. Il faut faire attention au fait que l'énoncé ne dit pas « peut-on ne pas vouloir être soi-même », mais « vouloir être autre chose que soimême ».

Il faut interroger l'individu dans sa quête d'identité (affects et représentation) mais aussi la conscience en tant que principe d'ipséité. I. Spécificités de l'identité moderne. L'énoncé a ceci de surprenant qu'il est en contradiction avec les représentations modernes de l'individu.

Etre soi-même ne recouvre pas seulement la signification d'exister (Aristote, dans la Métaphysique, fait ressortir que l'identité c'est l'existence), il ne s'agit pas d'exhiber son identité (Locke, dans L'Essais concernant l'entendement humain), il s'agit d'être reconnu comme tel.

C'est donc au niveau intersubjectif (pour la réflexion métaphysique) et au niveau politique (par la réflexion pratique), que ce situe le véritable enjeu du fait d'être soi-même.

Et cet enjeu est considérable de nos jours. Alain Renaut et Sylvie Mesure (Alter Ego, Les paradoxes de l'identité démocratique) reprennent le constat tocquevillien sur la démocratie (l'irrésistible dynamique égalitaire) et l'analyse phénoménologique qu'en fait Robert Legros (L'Avènement de la démocratie) : la dynamique égalitaire s'accompagne d'une transformation de la représentation de l'essence humaine, de l'altérité à l'ipséité.

De la société de castes où la différence de l'autre m'apparaît comme qualité essentielle (Aristote, Ethique à Nicomaque) à la société démocratique où l'autre m'apparaît avant tout comme semblable (universalité des Droits de l'Homme).

Alain Renaut et Sylvie Mesure identifient époque comme le premier humanisme. Or aujourd'hui, il ne suffit plus à l'individu d'être reconnu comme semblable : la rencontre des cultures dans un même espace politique, la mise en présence sur les mêmes plans de l'existence des hommes et des femmes, la modernisation du statut de l'enfant appellent une nouvelle représentation de l'identité.

Il s'agit de reconnaître l'autre à la fois dans ce qu'il a de commun avec moi (c'est un homme et nous avons les mêmes droits) et à la fois dans ce qui fait sa singularité.

C'est concept d'identité différenciée qui désigne proprement l'individu comme alter-ego.

Notre époque est celle de l'individu, à la recherche de singularité et d'authenticité.

Au point qu'être soi-même est parfois un slogan assené autoritairement à l'individu qui prétend accéder à la reconnaissance. II. Spécificités de la conscience réflexive. Le fait même pour l'individu de vouloir être soi-même nous renseigne sur la spécificité des activités de la conscience.

Revendiquer son identité personnelle suppose de s'appréhender soi-même : nous rencontrons la définition proprement apodictique de la conscience telle que mise en évidence par Descartes : la conscience réflexive, le cogito.

Or ce retour sur moi-même n'est possible qu'après une prise de distance critique.

Celle-ci peut tout autant déboucher sur l'acceptation de ce que l'on est, que sur le refus, voire le dégout de ce que l'on est.

Précisons : refus de qui l'on est (en tant que personne) ou de ce que l'on est (une être humain, une partie de l'humanité, une conscience…).

Il est donc tout à fait possible de vouloir être autre chose que soi-même.

Cette faculté de prendre conscience de soi et de se choisir a été analysée de façon plus ou moins radicale par les différentes traditions philosophiques.

Pour Charles Taylor, c'est le propre de l'individu que de se constituer une identité en référence au contexte dans lequel nous sommes situés.

Mais Charles Taylor est un communautarien, donc le refus ou l'acceptation signe le refus ou l'acceptation du contexte tout entier.

Je me situe ou non dans la tradition religieuse qui me précède, si je ne me reconnais pas dans certains de ses aspects, je suis en situation de rupture.

Pour Yaël Tamir (Liberal Nationalism), je suis libre d'accepter ou de refuser certains aspects de mon contexte culturel, ce qui a toujours pour effet de constituer positivement mon identité.

On peut analyser cela comme une négociation existentialiste.

Le choix radical d'un soi que soimême pourrait être le transsexualisme. III. Peut-on vraiment s'échapper à soi-même ? Si la conscience nous permet de prendre une distance critique par rapport à nous même, elle ne nous permet pas de sortir de nous même.

Vouloir être autre chose que ce que l'on, est n'est ce pas une sorte d'hybris ? Parce que Freud a mis en évidence le rôle de l'inconscient, nous savons que ce que nous cherchons à faire sortir par la porte de notre conscience revient sous la forme du refoulé. Anna Arendt a par exemple montré que le mensonge à soi-même, phénomène très complexe de mise à distance de nos représentations était possible.

Mais la réalité reste ce qu'elle est.

Le retour du refoulé est parfois plus violent que la réalité elle-même. On peut, par exemple, voir dans la Métamorphose kafkaïenne un récit métaphorique de cette violence du retour du refoulé. La psychanalyse nous apprend que lorsqu'un problème identitaire survient, vouloir y échapper peut mener à la pathologie (névroses dissociatives, schizophrénie…), tandis que l'exploration de soi-même (l'analyse proprement dite), permet de s'accepter soi-même et de modifier, de rectifier ses conduites anxiogènes ou pathogènes.

Une école de psychothérapie s'est constituée autour d'une de ses conduites d'acceptation et de dépassement de soi-même et de sa propre histoire parfois traumatique : celle de Boris Cyrulnik, le dernier théoricien de la résilience. Il apparaît donc non seulement vain, mais dangereux de vouloir être autre que soi-même (risque de conduites de dénégation de la réalité, telle que la fuite dans les psychotropes).

Mais l'on peut tout de même s'interroger sur cette incroyable capacité que l'homme a de dépasser son propre donné, de s'arracher à sa condition (les champions handisports, les enfants soldats conditionnés et déconditionnés).

Comprendre d'où vient notre désir d'être autre chose que nous mêmes, c'est peut-être ce qui permet d'en faire une force positive et productrice (principe spinoziste de la connaissance des mécaniques passionnelles).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles