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Peut-on mieux connaître autrui que soi-même ?

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L'homme a une conscience immédiate du monde et de lui-même. Notre intériorité n'est pas distincte de nous (c'est pourquoi il serait même délicat de dire que nous la comprenons ou que nous y avons accès). Or, cette conscience peut donner l'impression d'être une connaissance : qui peut mieux me connaître que moi, qui ressens ce que je ressens et pense ce que je pense ? Pourtant, cette immédiateté implique également un manque de recul qui peut faire obstacle à la connaissance : la connaissance ne suppose-t-elle pas au contraire une distance, ne faut-il pas pouvoir considérer une personne comme un objet d'étude pour pouvoir la connaître ? Dans ce cas, ne serait-il pas plus correcte de dire qu'autrui seul pourra être un objet de connaissance, et que nous demeurons à tout jamais un mystère à nos propres yeux ? Pourtant, cette réponse n'est pas non plus satisfaisante : prétendre que l'on connait autrui, n'est-ce pas en fin de compte le figer dans une posture qui est celle qu'il occupe actuellement, mais qui n'est pas la seule possible, n'est-ce pas méconnaitre sa liberté de changer, de devenir autre qu'il n'était ? Tout le problème est de savoir si l'on peut mettre la connaissance de soi et la connaissance d'autrui sur un même plan afin de déterminer laquelle est la plus parfaite.

« Introduction L'homme a une conscience immédiate du monde et de lui-même.

Notre intériorité n'est pas distincte de nous (c'est pourquoi il serait même délicat de dire que nous la comprenons ou que nous y avons accès).

Or, cette conscience peut donner l'impression d'être une connaissance : qui peut mieux me connaître que moi, qui ressens ce que je ressens et pense ce que je pense ? Pourtant, cette immédiateté implique également un manque de recul qui peut faire obstacle à la connaissance : la connaissance ne suppose-t-elle pas au contraire une distance, ne faut-il pas pouvoir considérer une personne comme un objet d'étude pour pouvoir la connaître ? Dans ce cas, ne serait-il pas plus correcte de dire qu'autrui seul pourra être un objet de connaissance, et que nous demeurons à tout jamais un mystère à nos propres yeux ? Pourtant, cette réponse n'est pas non plus satisfaisante : prétendre que l'on connait autrui, n'est-ce pas en fin de compte le figer dans une posture qui est celle qu'il occupe actuellement, mais qui n'est pas la seule possible, n'est-ce pas méconnaitre sa liberté de changer, de devenir autre qu'il n'était ? Tout le problème est de savoir si l'on peut mettre la connaissance de soi et la connaissance d'autrui sur un même plan afin de déterminer laquelle est la plus parfaite. I. Autrui, cet autre moi-même : la connaissance d'autrui n'est possible que par analogie. A. Descartes est le premier philosophe à s'être intéressé au sujet, qu'il définit dans les Méditations métaphysiques comme une « substance pensante ».

Le sujet est découvert et assuré par le cogito, il représente ce point fixe et certain qui permet de sortir du doute.

En effet, Descartes montre que toutes les informations fournies par nos sens peuvent paraitre douteuses, puisque nos sens nous ont déjà trompés. Tout ce que nous voyons et pensons peut être remis en question par l'hypothèse du « malin génie », qui pourrait utiliser sa puissance pour nous faire croire n'importe quoi.

Tout ce qui nous semblait jusque là aller de soi est donc remis en question ; une seule chose résiste : tant que je doute, je suis.

Pour que ce mauvais génie puisse me tromper, encore faut-il que je sois.

Le sujet est donc découvert par la seule force de la pensée, puisqu'on ne saurait penser quoique ce soit, même l'erreur, le doute et la fausseté de toutes nos autres idées sans penser que l'on est.

Le cogito pose le sujet comme point de départ de la réflexion métaphysique : c'est la seule chose que je ne puisse pas ne pas penser sans me contredire. B. Dans cette perspective, autrui est toujours secondaire.

Il est ce que je puis penser parce que je pense déjà le « moi ».

Autrui, c'est un autre sujet qui peut dire moi, sans être moi.

Il est donc défini par rapport à moi, son altérité n'est que seconde.

Aussi l'existence d'autrui est-elle moins assurée que la mienne, comme le montre Descartes en disant qu'en regardant par la fenêtre, on prétend voir d'autres personnes, là où l'on ne voit en réalité que des chapeaux et des manteaux.

Qu'est-ce qui me garantit que ce sont bien des hommes ? je vois des manteaux ou des chapeaux, et je juge que ce sont des hommes, comme moi.

Le sujet est donc autosuffisant et ce n'est que par une analogie que je peux connaitre autrui. C. On peut donc pour le moment répondre que l'on se connait toujours soi-même avant (primauté chronologique) et mieux (primauté qualitative) que l'on ne connait autrui.

Nous avons en effet l'impression que « connaître » une personne, c'est connaître ses pensées, ses émotions, comprendre ses réactions.

La connaissance d'un sujet, c'est la connaissance de son for intérieur, de tout ce qui ne se voit pas nécessairement dans son comportement, mais permet de l'expliquer.

Or, de ce point de vue, nous avons bien souvent l'impression que nous ne connaissons réellement que nous-mêmes, et que ce que nous pouvons connaître d'autrui, c'est uniquement ce qu'il a de commun avec nous.

La seule connaissance possible de l'autre est alors la connaissance analogique. II. La connaissance spontanée d'autrui A. Mais l'hypothèse analogique comporte une limite certaine : celle du solipsisme, qui est une doctrine selon laquelle il n'existe pas d'autre réalité que moi-même en tant que sujet pensant.

Husserl, dans les Méditations cartésiennes, reprend le point de départ de Descartes, à savoir l'épreuve du doute.

Il s'accorde avec Descartes pour dire que jamais les vécus psychiques d'autrui ne pourront m'être accessibles en tant que tels. Il n'est cependant pas question pour lui de penser l'ego, le sujet, comme un atome isolé.

Le je est ouvert à autrui, tout d'abord sous la forme de l'association passive de mon corps à celui de l'autre.

J'ai en effet une expérience immédiate de l'appariement de mon schéma corporel avec celui de l'autre, je perçois les ressemblances entre mes postures, mes attitudes et les siennes.

Deuxièmement, je peux me transposer activement, en imagination, dans les vécus d'autrui.

Je m'efforce alors, de manière volontaire, d'accéder à sa conscience.

Ceci est possible en vertu de la spatialisation de l'imagination par laquelle je peux faire « comme si » j'étais « là-bas » alors même que je suis « ici ».

Par conséquent, il faut affirmer que nous habitons un monde commun, monde intersubjectif. B. Mais c'est Merleau-Ponty qui montrera le plus clairement l'insuffisance de l'analogie comme paradigme du rapport à autrui.

Pour penser autrui, je ne pars pas de moi-même pour construire une analogie, reconnaitre et comprendre autrui ; cette analogie entre mes attitudes et celles d'autrui n'est au contraire possible que parce que je vois primitivement en autrui un autre moi.

Dans Sens et non sens, il montre que les sentiments tels que la haine, l'amour, la crainte ne sont pas des sentiments enfermés dans notre intériorité, qui seraient cachés (c'est ce que sous-entend Descartes lorsqu'il dit : je vois des manteaux, je juge que ce sont des hommes), mais ce sont au contraire des attitudes visibles.

« Il faut dire qu'autrui m'est donné avec évidence comme comportement ». »

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