Aide en Philo

Peut-on forcer quelqu'un à être libre ?

Publié le 02/10/2022

Extrait du document

« Peut-on forcer quelqu'un à être libre ? Il est surprenant de constater que beaucoup d'être humains font le choix de vivre sous une forme de soumission.

C'est par exemple le cas de tous ceux qui s'engagent dans des mouvements politiques fondés sur le culte du chef, et dans lesquels on doit obéir sans discussion aux ordres de ce dernier.

Si de tels comportements nous étonnent, c'est parce que nous croyons que tous les hommes, de par leur nature, aimeraient et chercheraient la liberté.

En se fondant sur cette hypothèse selon laquelle un homme qui s'asservit volontairement refuse en quelque sorte sa propre nature, alors nous pouvons juger être en droit de lui imposer la liberté.

Ce serait même un devoir de le forcer, contre son grès donc, à être libre.

Mais est-ce possible ? Est-il concevable d'exercer une coercition sur un individu en vue de l'émanciper de ce qui constitue (à nos yeux du moins) une soumission excessive, une oppression, une aliénation? Ou bien cette entreprise serait-elle une action paradoxale, contradictoire avec elle même, et donc impossible ? Pour traiter ce problème, nous envisagerons successivement trois questions.

Tout d'abord, nous tenterons d'identifier les causes du refus de la liberté, en nous demandant ce qui pourrait expliquer cette tendance à la soumission volontaire.

Dans un second temps, nous nous interrogerons sur la légitimité de cette entreprise : « forcer quelqu'un à être libre ».

En effet, sur quoi peut-on se fonder pour justifier un tel projet ? Et ces fondements sont-ils assez solides pour autoriser la contrainte ? Enfin, dans une dernière partie, nous nous interrogerons sur l'efficacité des moyens par lesquels on pourrait essayer de libérer, sans son consentement, un individu, aussi bien sur le plan politique que sur le plan intellectuel. On entend souvent dire que les êtres humains aiment et veulent la liberté.

Autrement dit, chacun d'entre nous voudrait faire ses propres choix, décider de sa façon de vivre, forger ses propres opinions, etc.

Vouloir les « forcer » à être libres n'aurait donc aucun sens. Mais alors, comment comprendre qu'autant d'individus suivent docilement les opinions de leur époque, de leur milieu social, de leur famille? Comment expliquer que nos comportements soient, par conséquent, aussi prévisibles ? On peut même citer des exemples encore plus frappants qui incitent à penser qu'en réalité les hommes n'aiment pas vraiment la liberté, et qu'ils pourraient donc la refuser. Pensons à tous ceux qui choisissent de s'engager dans des structures – professionnelles, partisanes, religieuses, voire militaires – où il n'ont qu'à appliquer des consignes et obéir à des ordres.

Citons aussi ces élections par lesquelles les citoyens de tel ou tel pays choisissent de porter au pouvoir un chef d’État autoritaire, voire un dictateur.

On a vu aussi des esclaves refuser d'être affranchis, ou des individus se faisant interner volontairement en Hôpital Psychiatriques.

Tous ces comportements relèvent de ce qu'un philosophe a appelé la « servitude volontaire ». Comment expliquer ces comportements ? On peut proposer une hypothèse.

Le fait de choisir, de décider, suppose d'assumer son choix, et les conséquences de ce dernier.

Souvent, cela suppose aussi de s'opposer à ceux qui pensent et veulent autrement.

Plus on a de liberté, donc, et plus on a de responsabilités.

Décider, c'est prendre des risques : le risque d'échouer, le risque aussi de ne pas maîtriser les conséquences de ses actes, le risque d'être critiqué, voire violenté.

L'homme libre affronte les angoisses liées à la question : était-ce le meilleur choix ? La liberté peut donc faire peur.

A l 'inverse, obéir est très confortable : si je ne fais qu’exécuter des ordres, je peux considérer que je ne suis responsable de rien.

Cette recherche du confort est probablement à l'origine de la « servitude volontaire ».

C'est aussi ce qui explique la soumission à l'autorité, sans laquelle les régimes dictatoriaux et totalitaires n'existeraient pas. Une autre tendance humaine peut expliquer ce plaisir pris dans le conformisme, voire dans la soumission.

Pour se forger sa propre opinion sur un sujet, il faut envisager tous les points de vue possibles, il faut s’instruire, s'informer, se cultiver.

Il faut mettre à l'épreuve ce que nous pensons spontanément – c'est à dire, le plus souvent, ce que pensent les gens qui nous entourent, et nous influencent.

Il faut être capable de dominer les passions – comme la peur, ou la haine – qui dictent souvent nos jugements.

Ce travail demande des efforts.

Or, la paresse intellectuelle est une réalité qu'on ne peut pas négliger.

S'il peut sembler nécessaire de « forcer quelqu'un à être libre », c'est à dire capable de produire des jugements et des actes autonomes et réfléchis, c'est bien parce qu'il est beaucoup plus facile de se complaire dans la soumission, que ce soit à une autorité extérieure, à nos préjugés, ou à nos passions. Identifier les motifs qui peuvent conduire quelqu'un à refuser sa propre liberté est important.

Mais il est encore plus essentiel de se demander au nom de quoi nous serions autorisés à user de la force pour le libérer « malgré lui ».

A cet égard, nous pouvons envisager plusieurs cas de figure. Considérons tout d'abord les personnes aliénées à une idéologie fanatique, qu'elle soit religieuse et/ou politique.

Est-il juste d'utiliser la force pour libérer un fanatique de son idéologie ? Tant qu'il ne nuit qu'à lui-même, on pourrait juger que nous n'avons pas à intervenir.

Mais l'histoire nous a montré que les individus sectaires et intolérants ont une tendance très nette à nuire aux autres.

Censure, crimes de masse, oppression, attentats, génocides : la plupart du temps, ces méfaits sont commis par des individus fanatisés, et sous l'emprise d'idées délirantes.

Au nom de la paix et de la sécurité collective, on peut juger qu'il est tout à fait légitime de tout mettre en oeuvre pour les en libérer, à l'instar des politiques de « déradicalisation » qui sont mises en place depuis la vague d'attentats islamistes. Dans un second temps, nous pouvons évoquer l'individu qui, volontairement, choisit de vivre en esclave.

Quelle valeur pourrait nous pousser à le sortir de cette servitude volontaire ? Pour répondre à cette question, il nous faut identifier les principes qui nous poussent à considérer l'esclavage en général comme une monstruosité.

Si nous ne tolérons pas qu'un individu soit acheté, vendu, et traité comme une chose, c'est avant tout au nom de la dignité humaine.

Il n'est pas tolérable qu'un individu soit réifié, et privé du droit fondamental à ne pas être considéré comme un pur moyen.

En tant qu'être doté de conscience, l'homme se distingue des choses.

Choisir d'être esclave, c'est donc d'une certaine façon cesser d'être un humain.

Par conséquent, c'est au nom de la dignité humaine qu'on se sentirait légitime à forcer un esclave à être libre. On peut citer d'autres exemples plus ambigus, comme par exemple le projet conçu par certains de « libérer » malgré eux des individus qui portent des signes religieux.

Aujourd'hui, le débat se porte sur le voile, mais à d'autres moments, il a concerné d'autres types de signes ou de vêtements.

Ainsi le député Charles Chabert, au tout.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles