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Peut-on distinguer, et comment, la force de la violence ?

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« Force et violence sont-ils deux termes synonymes ? L'un comme l'autre implique la réalisation d'une puissance, l'exercice d'un pouvoir, quelque chose est soumis dans la violence autant que vaincu par la force.

Pourtant il apparaît que la force n'est pas la violence.

La seconde a un rayon d'existence limité à la sphère des actions et comportements humains, la nature est violente aux yeux de l'homme, en réalité elle n'exerce qu'une force neutre en elle-même à l'égard des maux qu'elle nous afflige.

On pourrait dire que la violence est un usage particulier de la force, une utilisation à dessein du principe a priori neutre car naturel de la force.

Or nous verrons que force et violence impliquent peut-être deux positions radicalement opposées, deux régimes antagonistes : celui, économique et dissuasif, de la force, et l'autre, dépensier et réactif, de la violence. I-La violence est un usage coercitif de la force. La notion de violence implique l'idée d'une contrainte exercée sur une volonté, la notion de force peut, elle, demeurer neutre comme c'est le cas en physique.

La force exercée par une planète sur une autre (attraction) n'est pas caractérisée comme violence, une force est avant tout un principe physique, la violence est l'utilisation de la force par l'homme contre d'autres hommes. Ce peut être un végétal qui se plie à la force du vent ou un atome qui laisse s'échapper des électrons comme il est « fragmenté » par la force d'un laser dirigé sur lui, mais c'est toujours un corps, une conscience, qui est contraint par la violence.

Un acte violent est une production volontaire de force pour faire plier une autre conscience. Or, user de la violence pour soumettre l'autre, n'est-ce pas là le signe d'une incapacité fondamentale à prendre une autre voie ? La violence est en ce sens l'indice d'une position de faiblesse. II-La force et la violence : économie et dépense. L'usage de la violence témoigne donc d'un défaut d'autorité, la violence est l'aveu par le sujet de sa propre fragilité.

Toutefois on peut imaginer un « bon usage de la violence » ainsi que le propose Machiavel dans Le Prince, la violence vise a asseoir une autorité sur la crainte inspiré par le Prince au peuple.

Or si la violence est exercée en public (un châtiment par exemple) le Prince n'en tire aucun respect durable, simplement un effet spectaculaire qui le fait craindre mais non respecter.

En revanche on peut mettre en scène la violence, justement en ne la montrant pas, par exemple en exécutant le condamné en privé sans prévenir et sans rien dire, le lendemain, exposer sa dépouille.

Selon Machiavel le Prince, par cette mise en scène, obtient le respect du peuple.

En effet, l'ombre de la menace est plus efficace pour asseoir une domination plutôt que le spectacle d'une violence barbare. Dans cet exemple daté et radical c'est l'idée de force qui s'illustre : la force (non la force de la physique) repose sur une économie de violence, la force est un pouvoir en équilibre qui se maintient en ne dépensant pas, son outil est ici la menace.

En général, on peut dire que la force se distingue de la violence en ce que son pouvoir, elle le tire d'une inaction, simplement sa réputation suffit à la faire craindre et respecter, à lui faire obtenir la fin qu'elle souhaite.

La force nucléaire n'est pas tant force de frappe (exception faite de la tragédie d'Hiroshima et Nagasaki) que force dissuasive. A l'inverse la violence est engagement dans une mécanique de dépense, la violence est toujours en acte, effective.

L'être de la violence se confond avec son apparaître, elle n'est jamais en retrait sur elle-même.

La violence consiste en une dépense de force, tandis que la force, entendue comme force politique ou morale, non comme force de la physique, consiste en l'économie de la force physique.

La police avant que de réprimer est, dans son existence même, dissuasion, menace avant d'être répression.

La force peut être efficace sans avoir à agir. III-La force n'implique pas nécessairement un rapport à autrui, et la violence un rapport archaïque. L'homme peut exercer sa force sans viser autrui, par exemple dans le sport.

On évalue sa force par comparaison avec les performances d'autrui, il y a une confrontation indirecte, médiatisée par la comparaison.

En revanche dans la violence le rapport est direct, charnel, et parfois force et violence se mêlent comme dans la boxe. La violence est toutefois généralement sans règles et consiste en un rapport magique car archaïque à autrui.

En effet, la violence c'est rabattre l'autre sur sa seule existence physique, c'est lui refuser sa dimension de personne, d'altérité, le réduire à un corps sentant.

L'acte de frapper implique l'archaïsme selon lequel il est possible de changer, de modifier, l'autre, en modifiant son corps par des coups.

Ne pouvant dominer l'autre par la force, morale, psychologique, légale,… on use de violence. Dans La généalogie de la morale Nietzsche présente l'invention du châtiment comme la seule réponse des faibles face aux forts (le partage n'étant pas aussi évident que nous pouvons ici le laisser paraître, se reporter à la première partie de l'ouvrage cité), la violence comme seul moyen de réparation.

Comme il l'écrit, la douleur a, de tout temps, été la plus ancienne monnaie d'échange, bref en conclusion la violence est toujours un acte de réaction, synonyme d'une position de faiblesse, non de force. Conclusion : C'est donc en les confrontant du point de vue de leur mode d'effection que l'on peut distinguer force et violence.

La seconde est engagée dans une lutte simpliste, résumée à la domination d'autrui, la première, au sens politique ou moral et non seulement physique (laquelle est en soi neutre), est plus complexe, elle ne se confond pas, comme la violence avec un simple usage de la force physique.

Avoir la loi pour soi est une force, non une violence, la force exclue le recourt à la violence et c'est justement pourquoi il est difficile et contradictoire de défendre l'idée. »

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