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PEUT-ON DIRE QUE, SI LES SAVANTS VISENT À DÉFINIR LES LOIS DU RÉEL, L'ARTISTE, LUI, IGNORE TOUTE LOI ?

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« Comparer art et science est assez banal.

On est cette fois invité à comparer, pour souligner une éventuelle différence, entre deux pratiques: celle, d'une part, des savants, dont tout le travail paraît lié au «réel» et aux lois qui le déterminent, celle, d'autre part, de l'artiste (on pourra se demander pourquoi il est ainsi au singulier) qui serait «ignorant» de toute loi.

Mais qu'est-ce qu'ignorer? Ne pas connaître, ou connaître et passer outre? Et peut-on admettre que la pratique artistique s'effectue de manière tout à fait anarchique et vagabonde, sans être soumise, sinon à une stricte loi, du moins à quelque(s) règle(s)? L'activité scientifique a pour but de découvrir les lois auxquelles obéissent les phénomènes (on peut au passage contester que ces lois soient bien celles du « réel», plutôt admis généralement comme impossible à connaître en luimême). Cela signifie que ces lois préexistent au travail du scientifique (et non «savant»: là aussi, une critique est possible). S'il est vrai que la science participe d'un projet global de « maîtrise et possession de la nature » (Descartes), il l'est aussi qu'« on ne commande à la nature qu'en lui obéissant — ce qui signifie au moins que les lois qu'on appliquera pour transformer le « réel» ou la nature sont celles auxquelles il ou elle est ordinairement soumis(e). « ...

s'il se trouve un mortel qui n'ait d'autre ambition que celle d'étendre l'empire et la puissance du genre humain tout entier sur l'immensité des choses, cette ambition (si toutefois on doit lui donner ce nom), on conviendra qu'elle est plus pure, plus noble et plus auguste que toutes les autres ; or, l'empire de l'homme sur les choses n'a d'autre base que les arts et les sciences, car on ne commande à la nature qu'en lui obéissant.

[...] La science et la puissance humaine se correspondent dans tous les points et vont au même but ; c'est l'ignorance où nous sommes de la cause qui nous prive de l'effet ; car on ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant ; et ce qui était principe, effet ou cause dans la théorie, devient règle, but ou moyen dans la pratique.

» Francis Bacon. Ainsi le savant est-il «inventeur» au sens archéologique: il révèle un déjà-là, en posant à la nature des questions précises, en procédant à des expériences, en vérifiant ses hypothèses pour les transformer en lois véritables.

Dans cette optique, on ne saurait le qualifier de «créateur» au même sens que l'artiste — et même si cette appellation est en tout cas discutable.

Quant aux lois ainsi découvertes, on sait qu'elles se caractérisent, par définition, par leur universalité, tant « objective» que «subjective»: elles expliquent tous les phénomènes de même nature et sont admises par l'ensemble de la communauté scientifique. Il n'en va pas de même pour l'artiste.

Pour lui, rien n'est donné, tout est à faire.

Même s'il entretient avec la nature certaines relations (cas de l'art figuratif), c'est, comme le remarquait déjà Hegel, avec ses seules apparences, et sans se préoccuper des lois qui en organisent les manifestations.

Le regard du peintre n'est pas celui du naturaliste: le premier s'intéresse à la forme du végétal, à sa couleur, à ce qu'il peut éventuellement symboliser ou à la place qu'il occupera dans sa composition, le second s'interroge sur la structure des cellules végétales, la poussée chlorophylienne, la relation avec l'écosystème, etc.

L'un cherche des affects ou des effets là où l'autre entrevoit des lois physico-chimiques. L'artiste ignore donc les lois du réel parce qu'elles ne lui seraient d'aucune utilité.

Est-ce à dire que, dans son travail, il ignore toute loi?. »

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