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Peut-on dire que la science manipule les choses et renonce à les habiter ?

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« Peut-on dire que "la science manipule les choses et renonce à les habiter"? La notion de science est une notion très large, on peut en effet parle de science expérimentale, de science formelle ou de science humaine.

L'étymologie même du mot n'éclaire pas énormément puisque science dérive de scienta, découlant du verbe scire "savoir". La science est donc un savoir, mais un savoir particulier.

Il se caractérise par l'universalité et par une méthode d'élaboration reposant sur des critères précis de vérification permettant une objectivité des résultats.

Il s'agit ici de savoir les rapports que la science entretient avec les objets qu'elle étudie.

Comment procède la science pour les étudier? Le terme "manipuler" du sujet suppose une extériorité alors que "habiter" suppose une intériorité.

Mais il semble a priori normal pour la science d'étudier son objet de l'extérieur par souci d'objectivité.

Mais peut-elle prétendre à une objectivité pure? Est-il possible de concevoir une science qui tenterait de décrire les objets de l'intérieur? La science travaille avec des concepts et vise l'objectivité Le but de toute science est de passer d'une opinion, d'une connaissance non fondée rationnellement à une connaissance, qui entraîne l'accord de tous.

Pour ce faire, la science tend à se dépouiller de tout côté subjectif de l'expérience.

Par exemple, nous n'étudions pas l'effet que cela fait d'avoir chaud, mais qu'est ce que la chaleur, à savoir l'énergie cinétique moyenne des molécules.

Il s'agit d'expliquer de l'extérieur comment fonctionner ce dont on fait l'expérience quotidiennement. Ainsi, Heidegger distingue deux modes de savoir différents : un théorique qui vise l'objet et s'interroge sur lui et l'autre utilitaire qui ne s'interroge pas sur la nature de l'objet mais l'utilise dans la vie. Descartes de même, dans Méditations métaphysiques, la nécessité pour la science de ne pas se fier au vécu et à la perception sensible.

Pour étudier un objet, il ne suffit pas de le sentir, de le voir mais de le concevoir.

La science, ainsi travaille avec des outils bien particuliers, à savoir les concepts.

Un concept scientifique ne colle pas concrètement à la réalité qu'il est censé représenter, en fait, il en isole les faits généraux.

Le concept, dans la tradition philosophique, serait dû à l'entendement qui s'oppose à la sensibilité, qui est contact direct avec les choses. La science donc pour satisfaire son critère d'objectivité et d'universalité est obligée de dépouiller les objets de toutes données particulières, subjectives.

Pourtant, la science ne se fonde-t-elle pas sur une expérience subjective? Le réel est muet et son appréhension première reste subjective Réduite à elle-même, pourtant, la nature et ses objets sont en quelque sorte muets : seule la curiosité humaine la pousse à parler.

Cela suppose de poser les bonnes questions, dès lors pour forcer la nature à parler, il faut préjuger au moins en partie, de ses réponses.

Autrement dit, un fait reste éternellement brut et n'a aucune signification si l'on s'en tient à la simple constatation objective.

Comme l'écrit Bachelard : "une marche vers l'objet n'est pas initialement objective". Dans la même direction, Kant affirme "que la raison ne voit que ce qu'elle produit elle-même." Ainsi, si la science tend à se débarrasser du donné subjectif, Merleau-Ponty tend à mettre au jour que la science se fonde obligatoirement sur une expérience première, qui elle est intérieure aux choses.

Les vérités de la science sont construites, élaborées, elles résultent d'un travail qui supposent une vérité première, plus profonde. Et cette vérité est à chercher dans la conscience de chacun.

En effet, chaque individu fait expérience du monde extérieur que par l'intermédiaire de la conscience.

Celle-ci est première et fondatrice et c'est elle qui donne sens à tous les faits. Il faut donc bien voir que les concepts et théories scientifiques ne viennent pas de nulle part, mais s'appuient sur une expérience et un vécu conscient.

Mais toutefois la connaissance en matière scientifique n'est pas le donné mais ce que l'on doit construire.

Est-il possible de concevoir une science qui habite les choses, qui interroge du dedans les expériences vécues? La phénoménologie comme science descriptive des états vécus Merleau-Ponty ne dit pas que la science est fausse ou qu'elle ment, mais qu'elle est partielle et qu'il faut qu'elle soit compléter par une autre vue.

"Retourner aux choses mêmes" dit Husserl, c'est-àdire qu'il ne faut pas chercher à extraire des choses leur essence, ce qui ce cache derrière, mais plutôt de respecter ce qui se manifeste.

Or, comme nous l'avons pour étudier ce qu'il se manifeste, il faut étudier ce qui se présente dans la conscience, mais non pas de l'extérieur, chez d'autres hommes mais bien en soi-même.

Il s'agit alors de concevoir une science qui prenne en compte le vécu de la conscience.

Si l'univers de la vie, du perçu est toujours plus large, plus riche que les concepts et les idées dans lesquels on cherche à les résumer, Merleau-Ponty assigne à la phénoménologie la tâche infinie de décrire comment les choses se donnent à la conscience. De même dans la philosophie contemporaine des sciences, beaucoup de philosophes dénoncent le fait que la science ne peut prendre en compte le caractère subjectif de l'expérience.

Elle nous dira par exemple, ce qu'est le rouge( une longueur d'onde particulière) mais pas l'effet que cela fait pour quelqu'un de voir du rouge.

Pour analyser ce phénomène, il faut le faire par introspection, c'est-à-dire un retour sur soi-même et tenter de les décrire au plus près du vécu. Ainsi, la science ne peut qu'approcher les choses de l'extérieur, par souci d'objectivité.

Elle dépouille les choses de tous leurs aspects qualitatifs pour ne fixer dans les concepts que leurs traits généraux.

Pourtant il faut bien voir que la science pour avancer des hypothèses et les vérifier est obligée de se fonder sur une expérience originaire, le vécu subjectif de tout scientifique, mais tout en masquant cette origine.

Il faut dès lors concevoir une discipline qui revienne à l'expérience première des choses, qui est le vécu direct de la conscience.

Habiter les choses, c'est les vivre de l'intérieur, rester dans ce donné immédiat qu'est la vie.

Il faut donc retourner au plus près de la vie.. »

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