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Peut-on définir la pensée par la seule conscience ?

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« Il est difficile de réduire la pensée à la conscience, la pensée ne réduit pas à la présence de celle-ci à l'esprit, elle comporte aussi des opérations parfois assimilables à un calcul à une procédure qui a une finalité.

Aussi, la multiplicité des objets, des visées auxquelles peut s'appliquer la pensée peut difficilement nous permettre de réduire la pensée à la seule conscience. Mais peut-on dissocier réellement la pensée de la conscience ? 1) La définition de la pensée. Le verbe « penser » et le substantif correspondant « pensée » recouvrent une grande variété d'activités, d'événements, de phénomènes ou d'états mentaux.

On peut cependant distinguer deux sens principaux de ces termes.

Au sens le plus large, une pensée est un certain état mental, dont le contenu représente un certain état de choses.

« Il est tombé par terre parce qu'il pensait qu'il y avait une chaise derrière lui.

» « J'ai tout de suite pensé que vous étiez Livingstone.

» Dans ces contextes, on pourrait remplacer « penser » par « croire », « juger » ou « reconnaître ».

« Penser » appartient à la catégorie des verbes que les philosophes appellent, à la suite de Russell, « attitudes propositionnelles » tels que « douter que », « vouloir que », « souhaiter que », par lesquels nous rapportons les contenus (exprimés par les propositions complétives introduites par « que ») des attitudes que nous attribuons à des individus, en particulier quand nous cherchons à expliquer leur comportement.

Une pensée est un acte réfléchi, conscient et délibéré dans lequel on s'engage volontairement : le joueur d'échecs pense qu'il doit avancer sa tour, le cuisinier pense à son menu, le philosophe pense que le néant n'a pas de propriétés.

Une pensée est, en ce sens, rarement un acte mental isolé : elle fait partie intégrante d'un raisonnement, d'un calcul ou d'une suite d'autres pensées.

Elle est alors un processus discursif, actif et intentionnel, qui dure un certain temps, et dont le résultat peut être un certain nombre de jugements ou un certain nombre d'actions accomplies délibérément. 2) La pensée se définit par la conscience. Même si une pensée n'est pas seulement un acte mental, il est raisonnable de supposer qu'elle repose sur des actes mentaux, dont les contenus sont constitués par certaines représentations dans l'esprit.

On appelle couramment « cartésienne » la conception de la pensée associée aux deux thèses suivantes :1.

La connaissance que nous avons de nos propres états mentaux est certaine et infaillible ; 2 Il n'y a rien dans notre esprit dont nous ne soyons en quelque manière conscients.

La première thèse assimile la pensée ( cogitatio) à l'esprit (mens) et sert à établir le dualisme : nos pensées ne peuvent pas être identiques à des états de notre corps, parce que nous ne pouvons pas concevoir clairement et distinctement qu'elles le soient.

L'esprit est donc une chose (une substance) essentiellement distincte du corps, dont la pensée est l'attribut principal et dont les diverses pensées sont des modes.

La seconde thèse assimile la pensée à la conscience – ou tout au moins à tout ce qui est susceptible d'être conscient – et donne à la notion de pensée son extension maximale : celle-ci recouvre non seulement les « attitudes propositionnelles », mais également les sensations (cf.

Principes de la philosophie, I, 9).

La marque distinctive de la conception cartésienne est donc que, d'une part, elle étend à l'ensemble de ce que nous avons appelé les pensées les caractéristiques des sensations et des expériences et, d'autre part, elle tend à assimiler les contenus d'attitudes propositionnelles à des pensées potentiellement réflexives : penser, ce n'est pas nécessairement penser qu'on pense, mais c'est au moins être en mesure de le faire. On dit souvent que les pensées sont, selon cette conception, essentiellement « privées » : leur existence et leur nature dépendent du sujet qui les pense (les cogitationes reposent sur le cogito).

Nul autre que moi ne peut accéder au contenu de mes propres pensées et le vérifier (c'est pourquoi l'âme, ou l'esprit, est toujours plus « facile » à connaître que le corps, et les contenus des autres esprits moins accessibles que les contenus de notre esprit).

Il s'ensuit que j'ai toujours une autorité ou un « accès privilégié » à ces pensées, qui les rend à la fois transparentes et indubitables, et susceptibles d'être l'objet d'une attention et d'une réflexion particulières. 3) L'intrication de la pensée et de la conscience ? Quand on se demande ce qu'est la pensée et si on peut l'attribuer à des créatures autres que les humains, comme les animaux et les ordinateurs, on ne pose donc pas nécessairement la même question, selon qu'il s'agit de la pensée au sens large d'une « attitude propositionnelle » ou de la pensée au sens étroit d'une activité consciente et réfléchie, et la réponse varie : nous sommes en général plus disposés à attribuer aux humains la seconde, et peut- être à attribuer aux animaux et aux ordinateurs seulement la première.

De même quand nous nous demandons si une pensée peut être inconsciente, la réponse n'est pas la même selon qu'il s'agit des pensées au sens étroit (qui semblent par définition conscientes) ou des pensées au sens large (la plupart sont accessibles à la conscience bien qu'elles ne soient pas l'objet d'une conscience actuelle, alors que d'autres pourraient – selon la conception freudienne par exemple – demeurer à jamais inconscientes).

Aussi, un être capable de pensée sera un être conscient et un être conscient aura des pensées.

On comprend de ce fait que si la pensée et la conscience sont intimement liées, la pensée ne se réduit pas à la conscience, qu'elle se définit par d'autres éléments.

De nombreux philosophes considèrent que la capacité à avoir des pensées réfléchies ou conscientes est constitutive de la capacité de penser en général. Conclusion. Descartes assimile la pensée à la conscience car il retient de celle-ci, que tout ce qui se passe dans notre esprit, on ne peut l'ignorer.

Mais les progrès dans les sciences cognitives, la philosophie de l'esprit ne peuvent nous permettre de réduire l'ensemble de la pensée à la seule conscience.

En d'autres termes, la conscience est un élément nécessaire mais non suffisant pour définir la pensée, qui réclame en propre une explicitation de ses modes de fonctionnement, notamment à l'aide de la logique ou de la psychologie.. »

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