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Peut-on croire en la science?

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« Termes du sujet: SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.

Corps de connaissances constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience. CROIRE / CROYANCE: 1) Attitude de l'esprit qui affirme quelque chose sans pouvoir en donner une preuve (Synonyme d'opinion). 2) Adhésion de l'esprit à des vérités qui ne sont pas connues par la raison (synonyme de foi). Pour démarrer Est-ce aller à l'encontre de l'opinion communément admise que d'accorder sa confiance aux connaissances discursives, établissant des relations ou des lois entre les phénomènes étudiés ? La confiance en la science est-elle étrange et énigmatique ? Conseils pratiques Interrogez-vous sur les projets et intentions de la science et des savants en notre époque contemporaine.

Attention ! Croire en la science, ce n'est pas verser dans le scientisme, dans l'idolâtrie de la seule démarche scientifique. Bibliographie HEIDEGGER, Essais et conférences, NRF-Gallimard. HUSSERL, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, NRF-Gallimard.

[ difficile, lire les premières pages 1 C.

CHRÉTIEN, La science à l'oeuvre, Hatier. Introduction & Problématique: D'Epicure à Lucrèce jusqu'au positivisme de Comte en passant par le rationalisme de Descartes, la science a souvent été un instrument de critique des religions traditionnelles et de la superstition; mais le besoin de croyance religieuse, profondément ancré dans la conscience humaine, ne se reporte-t-il pas alors sur la science elle-même ? Les analyses de Nietzsche, Marx et Freud, dénonçant respectivement la religion comme nécrose, narcose et névrose, n'ont-elle pas versé dans le scientisme plat et l'idéologie la plus échevelée ? Chassée par la porte, la religion ne rentre-t-elle pas par la fenêtre ? La science positive n'est-elle pas, mutatis mutandis, cette religion de l'homme (post-) moderne ? Son fétiche, son espérance...

sa justification...

La confiance que nous lui accordons pour faire notre bonheur ne relève-t-elle pas souvent de la foi religieuse, voire de la superstition et de la bigoterie ? Bien plus, comme nous le rappelle Kierkegaard et l'existentialisme, toute existence ne se fonde-t-elle pas, a priori, sur un choix, injustifiable logiquement ? Un saut qualitatif en dehors et au-delà de toute intelligibilité rationnelle ? C'est la question que nous nous poserons après avoir vu en quoi la croyance en la science semble tout d'abord s'opposer à l'idée de religion; nous verrons enfin que, plutôt que de "croire en la science", il est peut être moins naïf et plus fécond de "croire en la raison". I.

Une croyance athée • Le savoir s'oppose à la superstition. Croire en la science, c'est d'abord croire en la rationalité, en la force universelle des démonstrations et des preuves rationnelles.

Or les religions comportent la plupart du temps des éléments irrationnels et une référence au surnaturel (par exemple, les miracles) que le rationaliste désigne souvent comme de la superstition.

La science peut-elle être un objet de superstition? • Contre la peur de l'au-delà. Dans la Lettre à Ménécée, Epicure propose une explication de l'univers qui rend superflue la représentation de l'au-delà et du Jugement dernier, qui sont à l'origine de la peur de la mort. Une des premières cause d'angoisse chez les humains est, selon Epicure, l'inquiétude religieuse et la superstition.

Bien des hommes vivent dans la crainte des dieux.

Ils ont peur que leur conduite, leurs désirs ne plaisent pas aux dieux, que ceux-ci jugent leurs actes immoraux ou offensants envers leurs lois et ne se décident à punir sévèrement les pauvres fauteurs, en les écrasant de malheur dès cette vie ou en les châtiant après cette vie.

Ils pensent aussi qu'il faut rendre un culte scrupuleux à ces divinités, leur adresser des prières, des suppliques, leur faire des offrandes afin de se concilier leurs bonnes grâces.

Car les dieux sont susceptibles, se vexent pour un rien, et sont parfois même jaloux du bonheur des simples mortels, qu'ils se plaisent alors à ruiner.

Toutes ces croyances qui empoisonnent la vie des hommes ne sont que des superstitions et des fariboles pour Epicure. Pour s'en convaincre, il faut rechercher quels sont les fondements réels des choses, il faut une connaissance métaphysique, cad une science de la totalité du monde.

Celle-ci nous révélera que le principe de toutes choses est la matière, que tout ce qui existe est matériel.

Ainsi, la science peut expliquer tous les événements du monde, tous les phénomènes de la Nature, même ceux qui étonnent et terrorisent le plus les hommes, comme procédant de mécanismes matériels dépourvus de toute intention de nuire, et nullement d'esprits divins aux volontés variables.

Par exemple, les intempéries qui dévastent vos biens et vous ruinent ne sont nullement l'expression d'une vengeance divine pour punir vos fautes passées, mais seulement la résultante de forces naturelles aveugles et indifférentes à votre devenir.

C'est ce qu'établira de façon complète Lucrèce, en donnant même le luxe de plusieurs explications possibles des mêmes phénomènes, arguant du fait que l'essentiel n'est pas de connaître la vraie cause du phénomène, mais de savoir qu'il possède une cause matérielle non intentionnelle.

C'est en effet cela seul qui importe à notre bonheur, puisque ce savoir nous délivre des angoisses religieuses. • Contre l'autorité de l'Église. Galilée et après lui Descartes insistent sur le fait que la raison, en matière de science, doit être son propre juge et doit être libre de toute censure ou limitation extérieure.

Il importe de chasser l'erreur et les préjugés, mais aucune autorité ne doit imposer un objectif, un résultat ou une limite à la science.

C'est ainsi que Galilée pourra formuler l'héliocentrisme et permettra de fonder les bases de la science moderne. Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, et l'homme auquel l'Inquisition intenta un procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autour du soleil. Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase : « La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tient ouvert devant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Or il est écrit en langage mathématique et ses caractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels il est absolument impossible d'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans un labyrinthe obscur .

» Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.

Mais l'alphabet qui permettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.

Faire de la physique, saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.

Galilée est le premier à pratiquer la physique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous forme d'équations mathématiques, et où les paramètres se mesurent. Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme il semble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.

Pourtant, c'est une véritable révolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.

La tradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.

Pour comprendre la portée de cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposer la vision du monde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée. Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI ième et le XVII ième : on passe du « monde clos à l'univers infini ». Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile au centre du monde, et la circonférence les étoiles fixes.

L'espace est non seulement fini, clos, achevé, mais parfaitement ordonné. De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et le sublunaire (au-dessous de la Lune).

Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car on observe à l'oeil nu que le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucun accident, aucun changement à la surface des étoiles.

Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifie constamment : les choses apparaissent, se transforment et meurent.

Tout est dans un perpétuel changement.

Notre monde était considéré comme celui de la génération et de la corruption, par opposition à celui des astres. C'est ainsi qu'on en arrivait à penser une hiérarchie et une imitation d'un monde à un autre.

Notre monde imparfait et changeant tentait d'imiter le caractère incorruptible et parfait du monde des étoiles.

Par exemple, si l'individu doit mourir, en se reproduisant il perpétue l'espèce.

L'individu meurt mais l'espèce est immortelle.

Se reproduire revient à tenter d'imiter, autant qu'il se possible, l'immortalité du monde supralunaire. On a donc un monde orienté de façon absolue.

Non seulement la Terre est le centre du monde, mais chaque chose a sa place naturelle, chaque élément son lieu naturel.

Ainsi la pierre est attirée par la terre, et y retombera toujours si on la lance, ainsi le feu « monte » vers son lieu naturel, l'éther.

Cette vision du mode est celle d'un cosmos, clos, achevé, hiérarchisé.

Chaque chose, dont l'homme, y a sa place et sa fonction. Enfin, cette vision, qui est celle que les contemporains de Galilée reçoivent d'Aristote, interdit que l'on fasse de la physique mathématique.

La physique s'occupe des corps concrets & naturels.

La mathématique s'occupe d'objets abstraits.

On ne trouve pas sur Terre d'objets parfaitement sphériques comme ceux qu'étudient les mathématiques, on ne trouve pas dans la nature où tout est en trois dimensions de cercle censé se situer dans un espace à deux dimensions, puisque le cercle mathématique n'a pas d'épaisseur. Avec les découvertes de Galilée, tout change.

Galilée est le premier à avoir l'idée de pointer la lunette récemment découverte sur le ciel.

Il découvre des tâches solaires, des volcans et des cratères lunaires, et montre que la voie lactée est faite de milliers d'étoiles.

C'est donc que le monde supralunaire n'est pas parfait, immuable, incorruptible.

Ces cratères et ces tâches sont le signe qu'il y a changement, génération & corruption partout dans l'univers. Galilée est le premier à formuler correctement la loi de la chute des corps, à calculer le rapport de la distance parcourue par un objet qui tombe, le temps de la chute et sa vitesse.

Il montre alors deux choses : Ø Ø Il n'y a pas de lieu naturel des corps, la notion de mouvement est relative à la place et au mouvement de celui qui observe.

Par exemple si un marin en haut d'un mât laisse tomber une pierre sur le bateau, il verra la pierre tomber en ligne droite.

Mais un observateur sur un pont verra la pierre tomber suivant une parabole.

Ou encore si je suis dans un train, j'ai l'impression d'être immobile et que les objets hors du train se meuvent ; On peut exprimer le mouvement des corps et prévoir leur chute grâce à une formulation mathématique.

Les mathématiques peuvent servir de « langage » pour décrire la réalité concrète des corps physiques. Enfin, Galilée en vient à soutenir que Copernic avait raison : la Terre n'est pas au centre du monde ; elle n'est pas immobile.

C'est le soleil qui est au centre du monde, et la Terre tourne autour de lui et sur elle-même.

De plus, le monde n'est certainement pas fini, mais infini. Avec toutes ces découvertes, c'en est terminé du monde tel que l'Antiquité puis le Moyen-Age se le représentaient.

Galilée ouvre une crise extrêmement grave : toute une vision du monde s'écroule.

L'homme perd sa place au centre du monde.

Il n'a plus de fonction définie au sein du monde hiérarchisé et fini : il est sur une planète comme une autre, perdu dans une infinité.

Il n'a plus de monde à imiter : la nature n'est plus qu'un livre froid, désenchanté, accessible à l'abstraction mathématique. Pour les anciens, le monde était « plein de dieux » ( Héraclite), pour les chrétiens médiéval, il chantait la gloire de Dieu par sa beauté, son ordre, sa perfection.

Pour les savants de XVII ième siècle, il est « écrit en langage mathématique », dans la froide abstraction des figures géométriques.

Il ne parle plus au coeur de l'homme, il ne l'entretient plus de la gloire de Dieu, il faut, au contraire, péniblement le déchiffrer grâce à la langue la plus rationnelle et la plus glacée qui soit : les mathématiques.

Un accusateur de Galilée le dira ; si celui-ci a raison, nous ne sommes plus le centre du monde mais « comme des fourmis attachées à un ballon » : des êtres insignifiants sur une planète comme les autres. Ce sont Descartes & Pascal qui tireront les conséquences philosophiques et théologiques de cette révolution dans les sciences.

Ce sont eux qui comprendront qu'il faut absolument redéfinir la place de l'homme dans ce monde infini et glacé où rien ne lui indique ni son lieu ni sa fonction. II.

Une nouvelle religion? Si la référence à la science a pu étayer une critique efficace de la religion, le besoin de croire n'a pas pour autant disparu des consciences et la science elle-même a pu devenir objet d'idolâtrie. • La science porteuse de salut L'accumulation des connaissances scientifiques et la prolifération des applications techniques possibles incitent à voir dans la science la source de tous les espoirs humains pour vaincre la misère, la maladie, la guerre et les limitations de notre condition - quitte à oublier que la science peut aussi bien aboutir à des applications inhumaines ou criminelles. • La science, nouvel absolu? Cette confiance absolue est renforcée par la représentation de « la science » comme une quasi-divinité, servie par des hommes mais ayant une vie et des projets autonomes.

On prête alors à la science une toute-puissance devant laquelle l'homme n'a qu'à s'incliner.

Paradoxalement cette « religion de la science » rejoint les cultes archaïques dans lesquels on vénère un dieu capable aussi bien de détruire que de créer et d'aimer. • Le culte des profanes La croyance en la science peut prendre la forme d'une religion d'autant plus qu'elle reproduit souvent la coupure traditionnelle entre le clergé et les profanes.

Malgré les efforts d'initiation ou de vulgarisation scientifiques, la. »

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