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Peut-on considérer que l'Etat a toujours raison ?

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« L'État est une société organisée ayant une administration politique et juridique.

Il incarne u n e autorité souveraine s'exerçant sur l'ensemble d'un peuple et d'un territoire déterminés. Lorsque quelqu'un a raison, cela signifie qu'il est dans le vrai, qu'il ne commet aucune erreur.

Mais allant plus loin, la situation de celui qui a raison implique chez les autres une attitude d'acquiescement et de subordination : parce que l'autre a raison, nous lui obéissons.

Avoir raison signifie donc exercer une autorité sur autrui, que cette raison soit à proprement celle de la « raison », ou celle du « plus fort ». La formulation du sujet nous invite à nous interroger sur la capacité, la possibilité pour l'Etat d'avoir raison n o n pas dans certaines circonstances, mais dans absolument toutes.

Nous nous demanderons donc si l'action de l'Etat peut être jugée en fonction des critères de « torts » et de « raisons », ou si la raison de l'Etat est au-delà de celle des particuliers. I. L'Etat n'est pas toujours dans le vrai 1.

Des exemples historiques d'erreurs de l'Etat A première vue, la réponse à la question qui nous est posée n'est pas difficile à donner.

Le tribunal de l'Histoire a souvent montré que tel ou tel Etat s'était égaré, que ses membres ont pris des décisions néfastes à l'intérêt de l'Etat, de la société que celui-ci dirigeait, sinon à l'honneur d e l'Etat lui-même.

Pensons par exemple à la décision d e l'Etat Français d e collaborer avec l'occupant allemand durant la seconde guerre mondiale.

Cette décision était contraire à la raison, aux intérêts de l'Etat et à l'honneur de la France : la sagesse que nous donne le regard rétrospectif de l'histoire nous permet de dire que l'Etat Français n'avait pas raison d'agir ainsi. 2.

Il n'existe pas d'infaillibilité de l'Etat Il serait aisé de multiplier les exemples de ce type.

L'essentiel est néanmoins exprimé : l'Etat n'a pas toujours raison, en tant qu'il est susceptible de faire des choix qui s'avèrent rétrospectivement opposés à la sagesse ou à son propre intérêt.

Nous ne pouvons donc parler dans le cas de l'Etat d'une infaillibilité comme il en existe une dans le cas des décisions du Pape (la fameuse « infaillibilité pontificale »). La cause est aisée à trouver : l'Etat, puissance abstraite, s'incarne toujours d a n s d e s êtres humains particuliers qui sont susceptibles d'égarements.

Cependant, il est possible de se demander si nous n'avons pas intérêt à soutenir que l'Etat a toujours raison, y compris lorsqu'il a manifestement torts… II. L'Etat a des raisons que la raison ne connaît point a.

La raison d'Etat : une raison distincte de celle des particuliers Effectivement, l'Etat ne doit pas être considéré et jugé c o m m e le sont d e simples particuliers : il existe une raison q u e l'on n o m m e précisément la « raison d'Etat », raison distincte de celle des particuliers.

Il devient juste, légitime et raisonnable pour l'Etat d e faire certains choix que l'on reprocherait à des individus : par exemple, de sacrifier les intérêts particuliers à l'intérêt général ou à la survie de l'Etat.

La raison d'Etat peut donc avoir raison lorsqu'un comportement similaire chez un particulier serait une erreur. b.

L'Etat a toujours raison car son infaillibilité est nécessaire à son autorité Allant plus loin, si l'Etat est bien ce corps qui détient le monopole de la violence légitime aux yeux de Max Weber, en faveur duquel tous les individus abdiquent leur faculté d e nuire pour q u e chacun soit protégé par lui, il est dans l'intérêt d e l'Etat, et dans ceux des particuliers, de considérer que l'Etat a toujours raison.

En effet, un Etat considéré comme infaillible aura une autorité supérieure à un Etat dont n o u s p e n s o n s qu'il est susceptible de se tromper.

Et dans la mesure où l'autorité de l'Etat sert aux particuliers, en assurant leur protection, il est dans l'intérêt de ces derniers de penser que l'Etat a toujours raison. III. Un critère permettant de distinguer les torts et les raisons de l'Etat ? a.

L'Etat a toujours raison quand ses actes répondent à la fin qui lui est propre A ce stade de notre réflexion, nous devons établir un critère permettant de distinguer les torts et les raisons de l'Etat.

Celui-ci ne peut être infaillible, et croire en son infaillibilité peut être plus nuisible que profitable aux particuliers : il se peut en effet que la puissance de l'Etat cesse d e les protéger pour, au contraire, les asservir (c'est le cas d e l'Etat totalitaire décrit par Hannah Arendt dans « Le système totalitaire »).

Le critère des torts et des raisons de l'Etat est peut être la conformité de ses actions avec la fin qui lui est propre : l'Etat aura raison toutes les fois que ses choix répondront à sa propre nature.

Quelle est cette nature ? Pour Hobbes, l'Etat est la puissance qui met fin à la guerre de chacun contre tous en recueillant le pouvoir de destruction de tous les individus.

Nous pourrons dire que l'Etat a raison lorsque ce dernier s'efforce de protéger les personnes placées sous sa protection et obéissant a son autorité. b.

Les particuliers doivent pouvoir prouver les erreurs de l'Etat En définitive, si tel est le critère des raisons et des torts de l'Etat, les particuliers doivent avoir la puissance de prouver les erreurs de l'Etat et d'obtenir réparation de lui le cas échéant.

Cette possibilité peut même être considérée comme un critère de démocratie et de justice de l'Etat.

L'Etat français, notamment, a déjà pu par le passé être condamné suite à des actions intentées par des particuliers contre lui.

Tel est par exemple le cas dans cette affaire rapportée par le journal Le Monde : (Article publié le 30 Novembre 2007) « La cour d'appel d e Douai a reconnu que le cancer broncho-pulmonaire qui a provoqué la mort du militaire en 1997 était lié à son exposition aux tirs nucléaires au cours de son service militaire dans le Pacifique en 1979 et 1980.

L'Etat français a été condamné, lundi 26 novembre, par la cour d'appel de Douai (Nord) à indemniser la veuve d'un militaire français.

Jean-Luc Norberciak, qui avait participé à des essais nucléaires souterrains en 1979 et 1980, est mort en 1997 d'un cancer broncho-pulmonaire, à l'âge de 49 ans.

La cour d'appel de Douai a reconnu que la maladie de ce militaire était liée à son service dans le Pacifique, a-t-on appris vendredi 30 novembre auprès de l'avocat de la veuve ». Nous ne pouvons donc considérer que l'Etat a toujours raison : et c'est même pour autant qu'un Etat reconnaît ses torts et en assume les conséquences qu'il peut être dit démocratique. Conclusion : A première vue, l'Etat ne peut avoir toujours raison : l'Histoire nous montre nombre de cas où il a c o m m i s des erreurs.

Mais la raison d'Etat, et l'intérêt de l'Etat et des particuliers, peuvent nous conduire à croire que l'Etat doit être considéré comme infaillible.

Cependant, l'Etat n'a raison que pour autant qu'il obéit à la fin qui lui est propre, et n'est démocratique qu'à la condition de reconnaître et réparer ses torts.. »

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