Parler de désirs inconscients, cela a-t-il du sens ?
Extrait du document
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Définition des termes du sujet
Le désir, en philosophie, est compris comme une aspiration à un objet dont on pense pouvoir tirer satisfaction ;
cette aspiration est souvent associée au manque de l'objet recherché, et elle est également souvent considérée
comme passionnelle, irrationnelle, et jamais susceptible d'un assouvissement réel.
Dans cette définition traditionnelle, le sujet a conscience de ce qu'il désire, même s'il ne se maîtrise pas
nécessairement.
Un désir inconscient serait pourtant un désir dont on aurait pas connaissance, un désir qui ne
s'exprimerait pas dans la conscience : cette idée est une des bases conceptuelles principales de la doctrine
psychanalytique.
Ce sujet semble donc inviter à interroger une des notions de base de la psychanalyse, mais aussi,
plus généralement, la nature même du rapport du désir à la conscience, sans se limiter à la psychanalyse.
Avoir du sens, c'est ne pas être absurde – l'expression « désirs inconscients » pourrait en effet apparaître comme
contradictoire ou vide de sens.
Il faudra donc examiner les différents aspects du rapport du désir à la conscience,
afin de déterminer quel sens, si ce sens existe, peut avoir l'expression « désirs inconscients », et de voir ce que ce
sens peut apporter à la compréhension philosophique du désir.
Proposition de plan
I.
Comment un désir peut-il être inconscient ?
Cette première partie pourra partir de la conception freudienne, qui se trouve présupposée par la formulation du
sujet.
Si l'on admet l'existence d'un inconscient, d'une partie du psychisme qui nous demeurerait cachée et
s'exprimerait par d'autres voies que celles de la conscience, on peut envisager l'existence de désirs dans cette
partie du psychisme, de désirs dont nous ne serions pas conscients, parce qu'ils seraient refoulés par différentes
instances (normes sociales, névroses...).
Freud
Justification de l'inconscient.
On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique inconscient et de travailler scientifiquement avec
cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, et que
nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient.
Elle est nécessaire, parce que les données de la
conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, il se produit
fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient
pas du témoignage de la conscience.
Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez
l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre
expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en
connaissions l'origine, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est demeurée cachée.
Tous ces actes
conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir
par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques ; mais ils s'ordonnent dans un ensemble
dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés.
Or, nous trouvons dans ce
gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de l'expérience immédiate.
Et s'il
s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par
laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis,
avec ce succès, une preuve incontestable de l'existence de ce dont nous avons fait l'hypothèse.
L'on doit donc se
ranger à l'avis que ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans
le domaine psychique doive aussi être connu d la conscience.
On peut aller plus loin et avancer, pour étayer la thèse d'un état psychique inconscient, que la conscience ne
comporte à chaque moment qu'un contenu minime si bien que, mis à part celui-ci, la plus grande partie de ce que
nous nommons connaissance consciente se trouve nécessairement, pendant les plus longues périodes, en état de
latence, donc dans un état d'inconscience psychique Si l'on tenait compte de l'existence de tous nos souvenirs
latents, il deviendrait parfaitement inconcevable de contester l'inconscient.
II.
La compatibilité entre l'idée d'une existence de l'inconscient et la compréhension du désir comme
nécessairement conscient
Si le concept de désir inconscient peut être valide, il peut cependant apparaître comme réducteur quand au rapport
de l'homme à ses désirs.
On pourrait peut-être préférer l'idée que le désir se réalise comme désir uniquement lorsqu'il
passe à la conscience : il garde alors une part d'inconscient, parce que l'on ne sait pas forcément ce qui peut l'avoir
produit, mais notre rapport avec lui en tant que désir se passe dans la sphère de la conscience, qui nous permet
d'en faire un objet de pensée et d'action..
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