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Oublier, est-ce seulement une faiblesse ?

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« Problématique: De prime abord, on considère l'oubli dans une perspective essentiellement négative.

L'oubli ne serait que le contraire de la mémoire.

Sa figure la plus évidente est le "trou de mémoire" ou, de façon plus grave, l'amnésie.

La mémoire représenterait une force, une puissance de l'esprit, car elle est capable de faire subsister ce qui a déjà disparu.

Elle permet à l'homme d'accéder à une identité personnelle car elle lui fait se souvenir de ses promesses, de ses décisions et de ce qu'il a été.

Elle préserve aussi ses connaissances et son éducation.

L'oubli serait alors un obstacle à l'exercice de cette puissance qui, par son étendue, nous distingue des animaux. Mais le sujet nous incite à dépasser cette vision réductrice de l'oubli et à lui chercher une fonction utile pour notre équilibre psychique.

Que l'on songe, dans le traitement de ce sujet, à la maladie d' "hypermnésie" dont souffre un héros de Borgès, Funès, dans son ouvrage "Fiction", pour comprendre que l'oubli, lui aussi, peut nous aider la vivre. Les analyses de Nietzsche de l'oubli comme gardien de l'ordre psychique pourront être utiles. Introduction. On a tendance à voir dans l'oubli une défaillance ou une déficience de la mémoire.

Ne peut-on pas dépasser cette conception négative de l'oubli ? L'oubli ne serait-il pas, au même titre que la mémoire, nécessaire à la vie ? Bref, peut-on vivre sans oublier ? L'oubli, condition de l'action. Distinguer deux mémoires. Procédons tout d'abord à une analyse de l'oubli, et par conséquent à une analyse de la mémoire, dont il est indissociable.

Il convient de distinguer avec Bergson (Matière et Mémoire, rééd., PUF, 1985) deux sortes de mémoires, et par conséquent deux sortes d'oublis. - La mémoire-habitude : c'est une mémoire qui, fixée dans l'organisme, dans le corps, naît de la répétition d'un même effort, par décomposition et recomposition d'actions mentales en mécanismes moteurs (par exemple, lorsque j'apprends par coeur un poème en le répétant et en en scandant les vers).

L'oubli, dans ce cas, est une déficience de la mémoire: il est le moment où s'enraye le mécanisme de cette mémoire-habitude.

Cependant, cette mémoire n'est qu'une fausse mémoire. - La mémoire vraie, ou mémoire pure, qui « retient et aligne à la suite les uns des autres tous nos états au fur et à mesure qu'ils se produisent » (Matière et mémoire, p.

168).

Cette mémoire pure est «coextensive à la conscience », la conscience ne pouvant à la limite qu'être conscience du passé, car la perception, « si instantanée soit-elle, consiste en une incalculable multitude d'éléments remémorés, et à vrai dire, toute perception est déjà mémoire.

Nous ne percevons pratiquement que le passé, le présent pur étant l'insaisissable progrès du passé rongeant l'avenir» (ibid., p.

167). Nécessité de l'oubli pour agir. Ainsi, selon Bergson, la conscience étant mémoire, notre passé nous accompagne intégralement et « se penche sur le présent ».

Dans ces conditions, le problème n'est plus d'expliquer la conservation du passé, mais au contraire d'expliquer l'oubli.

Car si la conscience est mémoire, si le passé se conserve automatiquement en nous, pourquoi n'avons-nous pas toujours conscience de ce dernier, pourquoi l'oublions-nous? C'est que l'oubli est en fait une condition de l'action.

Car si l'homme avait constamment présent tout son passé, il se perdrait dans une rêverie sans fin et sans prise sur le réel.

C'est à l'attention que revient ce rôle de choisir dans les souvenirs.

L'oubli ne se réduit pas à une déficience de la mémoire, mais il existe un oubli qui est une sélection des souvenirs au service de l'action. Cependant, nous pouvons nous demander si la fonction de l'oubli se limite à favoriser l'action, ou si l'oubli n'est pas une fonction vitale, dont dépend le bonheur même de l'homme. L'oubli, condition d'une vie heureuse. S'absorber dans le présent. L'homme, observe Nietzsche, jalouse le bonheur de l'animal.

Il voit dans « le troupeau au pâturage » l'image d'un bonheur perdu, celui de l'Éden, du Jardin de Paradis.

Or si l'animal goûte un tel bonheur, c'est qu'il n'a pas de passé parce qu'il n'a pas de mémoire.

Seul l'homme, en effet, dit « je me souviens », et c'est parce qu'il se souvient qu'il lui est impossible de vivre heureux, de vivre pleinement. C'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert la conscience du temps et donc celle de la fugitivité de toute chose, notamment de sa vie.

Il sait que ce qui a été n'est plus, et que ce qui est est destiné à avoir été, à n'être plus.

Cette présence du passé l'empêche ainsi de goûter l'instant pur et, par conséquent, le vrai bonheur.

Car « l'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les événements passés, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant debout comme une victoire ne saura jamais. »

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