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On parle beaucoup actuellement de littérature « engagée », c'est-à-dire de cette littérature qui prend parti, soit pour les défendre, soit pour les attaquer, pour ou contre certaines tendances politiques, sociales ou religieuses de l'époque. Certains pen

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  • Introduction. — Le temps du dilettantisme semble bien passé. L'homme moderne ne peut guère se contenter d'assister en spectateur indifférent ou amusé aux luttes qui se livrent autour de lui. On le somme de prendre parti et d'entrer dans la bataille. Le littérateur ne fait pas exception. Il se voit refuser le droit de se consacrer au service exclusif de l'art et du beau. Son art doit être utile à la cause pour laquelle on veut l'enrôler.

 Que penser de cette conception de l'œuvre littéraire ? La littérature peut-elle s'engager à fond pour la réalisation d'un certain, ordre politique, social ou religieux ?  

  • I. La notion d'engagement. — Avant de répondre à cette question, il convient de préciser ce qu'il faut entendre par « engagement » et par « littérature engagée ».

 Les mots « engagée » et « engagement » dérivent de « gage ». Le gage, nous dit Littré, est le « dépôt qu'on fait de quelque objet entre les mains d'autrui, pour sûreté d'une dette, d'un emprunt ». Par extension, ce mot désigne aussi « tout ce qui est assimilé à un gage comme garantie »; « donner des gages » ne consiste pas nécessairement à déposer entre les mains d'un autre quelque objet de valeur, mais à poser des actes qui « engagent » l'avenir, c'est-à-dire rendent difficile sinon impossible une reprise de sa liberté.

« On parle beaucoup actuellement de littérature « engagée », c'est-à-dire de cette littérature qui prend parti, soit pour les défendre, soit pour les attaquer, pour ou contre certaines tendances politiques, sociales ou religieuses de l'époque.

Certains pensent que la littérature ne peut que gagner à rester complètement étrangère à ces divers courants.

Que vous en semble? Une telle attitude est-elle d'ailleurs possible pour ceux qui écrivent? Ou bien, comme l'assurait A.

France, «une littérature est-elle l'œuvre du public aussi bien que des auteurs » ? Introduction.

— Le temps du dilettantisme semble bien passé.

L'homme · moderne ne peut guère se contenter d'assister en spectateur indifférent ou amusé aux luttes qui se livrent autour de lui.

On le somme de prendre parti et d'entrer dans la bataille.

Le littérateur ne fait pas exception.

Il se voit refuser le droit de se consacrer au service exclusif de l'art et du beau.

Son art doit être utile à la cause pour laquelle on veut l'enrôler. Que penser de cette conception de l'œuvre littéraire ? La littérature peut-elle s'engager à fond pour la réalisation d'un certain, ordre politique, social ou religieux ? I.

La notion d'engagement.

— Avant de répondre à cette question, il convient de préciser ce qu'il faut entendre par « engagement » et par « littérature engagée ». Les mots « engagée » et « engagement » dérivent de « gage ».

Le gage, nous dit Littré, est le « dépôt qu'on fait de quelque objet entre les mains d'autrui, pour sûreté d'une dette, d'un emprunt ».

Par extension, ce mot désigne aussi « tout ce qui est assimilé à un gage comme garantie »; « donner des gages » ne consiste pas nécessairement à déposer entre les mains d'un autre quelque objet de valeur, mais à poser des actes qui « engagent » l'avenir, c'està-dire rendent difficile sinon impossible une reprise de sa liberté. La notion d'engagement semble donc bien claire : l'engagement est l'acte par lequel on contracte une obligation ou encore l'obligation contractée par une détermination personnelle.

C'est bien la signification de ce mot dans des cas fort nombreux : nous parlons de contracter un engagement .le trois ou de cinq ans — sous-entendu : à l'armée —; un industriel enrage à l'essai ou définitivement un ingénieur qui, de son côté, s'engage au service de l'entreprise de son patron; le mariage, lui aussi, constitue un engagement à l'égard du conjoint. Mais, à côté de cette sorte d'engagement, qu'on peut appeler l'engagement actif, il y a un engagement passif : on se trouve engagé sans l'avoir voulu.

Nous ne sommes pour rien dans notre naissance, qui nous a fait venir au monde au XXe siècle, dans une famille de paysan ou dans une famille d'avocats.

Du fait de notre naissance, nous avons des intérêts, une éducation, une conception de la vie qui nous distingue et nous situe vis-à-vis des autres : nous sommes engagés sans nous être jamais engagés.

L'engagement ne peut donc pas être défini comme l'acte par lequel on contracte une obligation; on peut se trouver engagé sans aucun acte personnel. Sans doute, le fait d'être nés dans une classe sociale déterminée ne nous contraint pas d'adopter toutes les idées de cette classe.

Nous pouvons, réfléchissant sur l'éducation reçue et soumettant à la critique les opinions de notre milieu, parvenir à des conceptions personnelles à la défense desquelles nous nous engageons alors par un acte personnel.

Nous passons alors de la catégorie de ceux qui se trouvent engagés sans l'avoir voulu à celle de ceux qui se sont engagés volontairement.

Il y a donc bien deux sortes d'engagement. De là l'ambiguïté du terme de « littérature engagée » et des termes analogues. Dans un certain sens — au sens de l'engagement passif — est engagée toute activité littéraire au service d'une cause : littérature engagée, les campagnes de pamphlets ayant pour but de déconsidérer un ennemi personnel; littérature engagée, la production d'un journaliste qui vend sa plume au plus offrant. Mais en parlant de « littérature engagée », on songe ordinairement à la forme active de l'engagement.

On se représente un écrivain qui, ayant pris conscience de la noblesse et de l'importance d'une cause, décide de lui vouer sa vie, non par intérêt ou par impulsion aveugle, mais par amour réfléchi du bien. Après ces distinctions préliminaires, nous pouvons revenir à la question et nous demander ce qu'il faut penser de la littérature engagée.

Pour y répondre, nous la subdiviserons en nous plaçant successivement au point de vue du littérateur ou de l'écrivain et au point de vue de la littérature. II.

L'engagement du littérateur.

— La production littéraire est l'œuvre de l'écrivain.

Par suite, se demander s'il est bon oui mauvais que la littérature soit engagée, c'est poser la question de rengagement de l'homme de lettres. Celui-ci doit-il planer au-dessus de la mêlée dans laquelle se débattent ses contemporains ou, au contraire, mettre sa plume au service d'un parti ou d'une cause ? Pour faire à cette question une réponse de principe, il suffira de rappeler que l'écrivain, lui aussi, est un homme, et comme tel soumis aux obligations de tout être doué de réflexion et de liberté.

II n'a pas le droit, au nom de l'art ou de la littérature, de rester à l'écart des préoccupations de ses contemporains et de refuser son concours aux causes qu'il estime justes et bonnes.

Mais pour porter un jugement qui ne soit pas commandé par ses préjugés et ses passions, il lui faudra d'abord se dégager, prendre un certain recul, faire abstraction de ses préférences spontanées et de ses intérêts personnels, pour ne voir que le bien général.

Alors seulement il pourra ou même devra s'engager, mais il ne le devra que dans la mesure où, par son engagement, il compte pouvoir contribuer au progrès humain. Il ne saurait donc être question, pour tout écrivain, de militer pour une conception politique, sociale ou religieuse. Tout d'abord, pas plus qu'un autre, l'écrivain ne peut se mentir à lui-même et aller au-delà de ses certitudes.

Pour s'inscrire à un parti politique, il faut être convaincu que là se trouve la vérité et l'avenir Bu pays.

La conviction doit être plus ferme encore quand il s'agit de faire partager ses idées aux autres, et la loyauté interdit de se constituer le propagandiste de doctrines dont on n'est pas certain. Ensuite, il y a d'autres manières que l'engagement dans un parti de s'intéresser au progrès de l'humanité.

Tout le monde admettra que le chirurgien qui fait avancer son art et le chimiste qui travaille à la découverte de nouveaux procédés de synthèse rendent service aux hommes.

Ne peut-on pas en dire autant du romancier, qui, en marge des. »

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