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On n'est jamais trompé, on se trompe

Extrait du document

« INTRODUCTION.

— L'erreur étant d'une expérience courante, nous ne nous en étonnons plus, mais le philosophe s'en scandalise : comment l'esprit, que l'évidence de la vérité devrait seule convaincre, peut-il admettre le faux ? Pour le disculper, on allègue les apparences trompeuses d'après lesquelles il juge et on croit par là avoir déplacé la responsabilité de l'erreur : on le trompe; il ne se trompe pas.

GOETHE n'admet pas cette apologie : « On n'est jamais trompé », déclare-t-il, « on se trompe ».

Tâchons de bien comprendre le jugement du grand penseur; puis, précisant comment on se trompe, nous déterminerons le rôle de la volonté dans la croyance. I.

— EXPLICATION DE LA PENSÉE DE GOETHE. A.

On n'est jamais trompé.

— a) Sans doute, il est des circonstances qui favorisent l'erreur : nous connaissons nombre d'illusions spontanées — non seulement sensorielles, mais encore intellectuelles — dont on rie parvient à se défendre qu'après avoir fait plusieurs fois l'expérience de l'erreur. Mais l'illusion nous reste imputable, car elle résulte d'un manque d'esprit critique ou d'attention : les sens ne nous trompent pas, c'est nous qui interprétons faussement leurs données; si le sophisme, qui, lui, est destiné à nous tromper, parvient à son but, c'est que nous nous laissons tromper, et il ne tromperait pas un esprit entraîné à la discussion. b) Sans doute, en nous plaignant d'avoir été trompé, nous songeons le plus souvent aux mensonges destinés à nous induire en erreur.

Dans ce cas, si quelqu'un nous a trompé, il peut sembler difficile de nier que nous avons été trompé.

Mais il ne faut pas se fier aux mots : on ne nous trompe pas comme on écrase une noisette d'un coup de marteau; dans l'erreur, notre passivité n'est jamais totale; si le mensonge réussit, c'est que nous nous laissons tromper. B.

On se trompe.

— Si l'erreur n'est jamais complètement passive, nous pouvons y collaborer plus ou moins activement et le verbe réfléchi « se tromper » désigne diverses sortes d'erreurs. a) Le verbe réfléchi a souvent un sens neutre, comme lorsque je dis : « Je m'ennuie, je m'endors.

» Dans ce cas, je n'ai pas l'initiative de l'action : « Chacun de nous est immergé », dit G.

MARCEL (p.

163).

Cependant, l'action reste bien mienne; elle résulte de ce que je suis et j'aurais pu échapper à l'immersion.

Beaucoup de nos erreurs s'expliquent ainsi : nous nous laissons entraîner par nos habitudes, nos préjugés, notre milieu. b) Mais au sens fort, le verbe réfléchi est pris au sens actif et exprime une action que l'agent fait sur lui-même : on se regarde dans la glace.

Dans cette acception, «se tromper» signifie : se mentir à soi-même ou du moins s'induire soi-même en erreur.

L'erreur alors semble volontaire.

Mais cela est-il possible et pouvons-nous croire ce que nous voulons ? II.

LE RÔLE DE LA VOLONTÉ DANS LA CROYANCE. A.

Notions.

— a) Au sens large du mot, on rattache à la volonté toute impulsion spontanée à l'action; dans ce cas, le désir et la passion sont une forme de la volonté.

— Mais au sens strict, la volonté, qui s'oppose au désir et à la passion, consiste dans la faculté de se déterminer d'après les données de la seule raison. b) La croyance n'est souvent qu'une attitude pratique (c'est le cas des « croyances » religieuses de nombre de pratiquants, comme des croyances antireligieuses de la masse de non-pratiquants) ou l'objectivation d'un désir, mais sans véritable assentiment intellectuel ou du moins avec un assentiment imparfait.

C'est de cette espèce de croyance qu'il est vrai de dire : « Savoir qu'on croit, c'est ne plus croire...

parce que cela n'est que croire » (SARTRE, L'être et le néant, p.

110).

— Mais au sens fort le mot croyance désigne aussi un assentiment sans réserve à ce qu'on reconnaît vrai.. »

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