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Notre perception n'est-elle pas notre hallucination ?

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Comme le montre notre analyse thématique, le problème d’une identification et d’une réduction de la perception à l’hallucination réside dans le fait que l’hallucination elle-même, pour être décrétée telle, exige l’existence de la perception à l’état normal comme principe de démarcation du pathologique (pathologique et norme sont toujours consubstantiels en tant que leurs définitions respectives sont, précisément, réciproques et exclusives (cf. les travaux de Canguilhem et Foucault)). Il faut donc déterminer les critères de validité de l’assimilation de la perception à de l’hallucination, les délimiter, et en évaluer les conséquences pour pouvoir à terme décider s’il est ou non légitime, voire même tout simplement possible, de l’affirmer.

« Incipit : Dénoncer la tromperie des sens s'inscrit dès avec la fondation polémique de la philosophie dans la pensée archaïque grecque opposant de front le mutation permanente et généralisée des apparences du monde, et donc de la perception des phénomènes par l'esprit humain (Héraclite) à la vérité immatérielle de l'Etre qui les transcende (Parménide).

C 'est là la leçon même de la dialectique platonicienne : la vérité du concept ne peut s'atteindre que par l'indépendance de l'ordre intellectuel alors extrait du corps sensible.

Est-ce à dire pour autant que notre perception relève de l'hallucination ? Thèmes : (i) La perception comme acte : La perception comme disposition du sujet à l'endroit des phénomènes du monde combine passivité et activité, réception et information ou mise en forme.

C 'est par les sens que l'accès de la pensée à la réalité extérieure est possible.

Les sens interviennent ici comme les médiateurs de la relation d'une subjectivité consciente à l'extériorité, mise au contact avec l'altérité matérielle et indéterminée du monde.

C ette relation est donc celle d'un rapport modal (possibilité d'accès) déterminé par un moyen (les sens) et ayant un objet, le monde.

Si l'articulation d'un tel rapport n'est pas réductible à une attitude de passivité sensorielle, c'est que les sens, dans l'activité même de la perception, participent à la structuration de l'altérité indéterminée de l'extériorité.

En ce sens, les sens sont le principe, ou la condition de possibilité de la connaissance ( cf.

le statut des formes pures de la sensibilité, temps et espace, dans l'esthétique transcendantale kantienne).

En ce sens également, si percevoir signifie ‘capturer au moyen de' (per-), à savoir au moyen des sens, la perception ouvre la voie à la conception proprement dit, qui elle consiste dans l'assimilation à soi (le cum comitatif) du perçu, son intériorisation intelligible.

(ii) L'hallucination comme hors-norme : L'hallucination est une déviance de la sensation.

Si la sensation, ou perception sensorielle, se définit comme le cas normal, l'hallucination en est la pathologie.

Il y a déficience dans l'ordre de la relation du sujet à son extériorité, compromission ou perturbation de l'accessibilité de la réalité du monde, et donc de l'authenticité référentielle.

Avec l'hallucination, c'est de l'instrument sensoriel lui-même que la validité est mise en cause.

L'important est ici la mise en cause de la validité de la restitution de la relation référentielle.

Deux choses sont à relever : d'une part, cela suppose l'existence d'une réalité objective et accessible à d'autres individus que soi (par la perception) relativement à laquelle il y a déviance, et par contrecoup, l'existence d'un critère épistémologique de vérification de la validité de la perception, autrement dit, son adéquation.

Pour qu'il puisse y avoir hallucination, il faut en conséquence qu'il y ait à la fois perception à l'état normal et évaluation épistémique de la validité.

C e n'est qu'à cette double condition que l'hallucination peut s e produire comme échec de la relation d'intentionnalité (cf.

la tradition phénoménologique, fondée par Husserl dans la filiation de Brentano), ou visée de la conscience en direction de la réalité objective : l'hallucination n'a ainsi pas d'objet, de corrélat mondain. Problème : C omme le montre notre analyse thématique, le problème d'une identification et d'une réduction de la perception à l'hallucination réside dans le fait que l'hallucination elle-même, pour être décrétée telle, exige l'existence de la perception à l'état normal comme principe de démarcation du pathologique (pathologique et norme sont toujours consubstantiels en tant que leurs définitions respectives sont, précisément, réciproques et exclusives (cf.

les travaux de C anguilhem et Foucault)).

Il faut donc déterminer les critères de validité de l'assimilation de la perception à de l'hallucination, les délimiter, et en évaluer les conséquences pour pouvoir à terme décider s'il est ou non légitime, voire même tout simplement possible, de l'affirmer. * I.

Les sens trompeurs Nous l'avons dit, l'argument des sens trompeurs fait tradition depuis l'aune de la philosophie.

L'argument et sa contradictoire se trouvent formulés de manière limpide dans le Protagoras de Platon, mais également dans le Théétète, dialogue dans lequel la définition en jeu est celle de la science.

P rotagoras y apparaît comme le sensualiste par excellence.

Décrétant de l'homme qu'il est la mesure de toute chose (ceci reprend le « notre » employé dans la formulation de l'énoncé), il se trouve conduit, par le biais de son porte-voix socratique, à radicaliser son relativisme cognitif à la subjectivité sensorielle : c'est l'individu qui, par la médiation de ses sens, est mesure de l'être et de la vérité des choses.

Le problème dénoncé ici par Platon tient précisément dans ce que l'adoption de la posture du relativisme sensoriel radical comme principe de la connaissance, parce que les sensations varient en général et en particulier, rend justement impossible de fonder la science (d'où la justification de la pertinence d'une théorie des Idées, dont l'accès est garanti par l'art noétique de la dialectique, comme principe de fondation de la possibilité d'un savoir sur l'être).

Ce même geste de condamnation des sens au nom de leur relativité et de leur impuissance à fonder une connaissance certaine et indubitable – autrement dit par le fait qu'on ne peut s'y fier, qu'ils sont eux-mêmes trompeurs, ou encore qu'ils ne se laissent pas distinguer de l'hallucination en tant que tous deux se fondent sur la relativité sensorielle de l'individu –, ce même geste de condamnation, donc, est réitéré par le rejet cartésien de toute information de provenance sensorielle (Médiations, I) : pour fonder, il faut exclure, et la fait d'avoir tromper, ne serait-ce qu'une fois implique de ne pas pouvoir fonder la vérité.

A insi en est-il du développement de l'idéalisme cartésien, cette épistémologie digitalisée dans son rapport au monde (par opposition à l'empirisme analogique d'A ristote), substitue à la perception l'introspection.

C'est de soi-même comme sujet, par la saisie immédiate et intuitive de l'ordre des idées, que procède tout savoir (la première de ces idées étant évidemment la certitude d'exister (sum, existo)).

Plus encore qu'avec l'idéalisme ‘réaliste' de P laton, réalisme pour lequel les Idées ont une réalité ontologique, l'idéalisme cartésien conduit à la rupture de toute immédiateté référentielle dans la relation du sujet au monde ( cf.

le problème de l'union de l'âme et du corps) : le référent mondain ne saurait être dérivé d'un calcul des i d é e s – c e que nous appelons ‘digitalisation'.

Et c'est précisément ce qu'indique la chose en soi kantienne : il n'y a pas d'accès immédiat à la réalité en soi du monde.

V oilà la conséquence du fait d'identifier perception et hallucination, d'en dénoncer l'illusion, et de refuser de fonder le savoir sur le trompeur. II.

La vérité de l'hallucination A ceci s'oppose le matérialiste empiriste développé dans le cadre des doctrines antiques (stoïcisme, épicurisme).

C e n'est pour eux pas des sens que procède la tromperie dont ils peuvent être le vecteur, mais du jugement porté sur la perception.

A utrement dit, la perception ne se trompe jamais, simplement parce qu'elle ne ressort pas de l'ordre de la connaissance, qui quant à elle est conçue comme judicative.

C ependant, on n'évacue pas par là le risque de les voir assimilés à de l'hallucination.

Pour les sceptiques pyrrhoniens, la perception sensorielle, en tant que seule modalité d'accès au monde, implique par sa relativité même (le fait de pouvoir être contradictoires (nb.

le principe de non-contradiction est respecté !)) l'impossibilité de toute connaissance.

Dès lors, il faut suspendre tout jugement théorique porté sur le monde.

Reconnaître à la perception le fait de ne pas être erreur (puisque l'erreur ressort du jugement), et donc de ne pas être hallucination, conduit à un sensualisme radical rejetant par principe toute possibilité de connaître le monde, sa réalité.

On n'a dès lors uniquement accès à un ‘savoir' restreint au ‘vraisentiment' de la perception individuelle interne (Montaigne).

Et c'est le doute que l'on retrouve à nouveau comme seule certitude (le « que sais-je ? » montagnien), mais celui-ci n'est pas dépassé, ni d'ailleurs n'est dépassable. C 'est sur ce point que Pascal s'oppose à la pertinence épistémologique de la puissance corrosive des ‘raisons' sceptique.

Ne pas faire de la perception quelque chose d'incertain, hallucination donc sinon en fait du moins en droit, implique l'impossibilité de fonder la connaissance, et partant la science.

Il apparaît que la condamnation de la perception comme hallucination est nécessaire à la pensée en quête de vérité autre que sentimentale (nb.

la perception ne doit pas ici être confondue avec la notion d'observation, quant à elle constitutive de l'expérience scientifique, de la possibilité même de la vérification théorique de la science, et pouvant faire intervenir une instrumentation technique complexe en vue de maîtrise l'ordre de l'observable). * Conclusion Notre analyse révèle que les deux branches de l'alternative conduisent à des apories en termes épistémologiques (l'idéalisme incapable d'accéder au monde ; le sensualisme incapable d'en juger).

A ceci, il faudrait opposée l'empirisme aristotélicien (en particulier, De l'âme), pour lequel sans être hallucination, la perception est au principe de la possibilité de connaître.

Mais surtout, cela supposerait de développer la voie phénoménologique qui, par la suspension de toute jugement sur le phénomène perçu par les sens et une méthode (la variation dite eidétique), prétend accéder à la vérité des choses (le fameux ‘retour aux choses mêmes' de Husserl) : c'est donc en tant que science de la conscience pure que la perception paraît être la contradictoire de toute condamnation sous prétexte d'hallucination.. »

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