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Notre pensée est-elle prisonnière de la langue que nous parlons?

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« Introduction : Pour Hegel, « vouloir penser sans les mots est une tentative insensée ».

Le langage est une invention de signes qui semble indissociable de la pensée.

Si la pensée a besoin de la langue pour se développer, cette dépendance la rendt-elle prisonnière de la langue que l'on parle ? Ne peut-il exister une pensée libre de la contrainte du langage, un « au-delà des mot », un ineffable supérieur et indépendant du discours ? Pour répondre à ce problème, il faut chercher à savoir quand commence le langage et où se trouve la limite de la pensée.

Est-ce la langue qui forme la pensée, ou la pensée est-elle déjà là avant ? Dans ce cas, la langue influence-t-elle la pensée, la transforme-telle ? 1ère partie : la langue est un carcan à notre pensée. « Nous pensons un univers que notre langue a d'abord modelé », affirme Benveniste (Benveniste, Problèmes de linguistiques générale).

Il signifie par là qu'en fonction de la langue que nous parlons, nous ne « découpons » pas la réalité de la même manière.

(ex : la vision des couleurs est très différente chez un européen, qui découpe l'arc-enciel en six couleurs, et un individu issu d'une tribu du Libéria, qui parle le bassa, langue dans laquelle on ne distingue que deux couleurs). -Les mots constitués en langage organisent notre vision du monde.

Chaque langue est un découpage particulier de la réalité.

(ex : en anglais il n'y a que le pronom personnel « you », et non pas « tu » et « vous » comme en français : cela reflète une certaine façon de penser). -La langue que nous parlons peut trahir notre pensée.

Le langage est un outil qui nous permet de nous exprimer et de communiquer avec autrui, mais tout le monde n'en n'est pas doté de la même façon.

Si une personne possède un vocabulaire pauvre, elle aura plus de difficulté à exprimer toutes les subtilités de sa pensée, elle sera brimée, et réduite à ne dévoiler qu'une partie de sa pensée, qu'une intuition qui reste confuse pour autrui.

(Ex : dans une même langue, l'emploi de certains mots peut trahir une appartenance sociale, professionnelle, ou à une classe d'âge).

Toutefois, si l'expression de la pensée semble alors prisonnière de la langue que nous parlons, cela ne signifie pas que la pensée est empêchée.

Il s'agit là d'un problème de communication. -Pour Bergson, le langage rigidifie la pensée et la simplifie.

Les mots masquent et déforment la réalité et sont incapables de l'exprimer dans toutes ses nuances.

En effet, le découpage que la langue fait de la réalité est très arbitraire (et diffère selon la langue), car tout est gradué, divisé, classé par les mots alors que le réel n'est pas ainsi.

La nécessité de s'extérioriser par les voies du langage constitue alors pour la pensée une sorte de handicap, car la pensée est structurée et influencée par les découpages de la langue.

Pour Bergson, les mots d'une langue figent abusivement les idées et déforment ou affaiblissent le sens premier de la pensée. Le langage sert à chaque individu pour trouver son rôle et sa place dans la société.

Les signes du langage sont à la fois généraux et mobiles.

Ils permettent aux objets de passer de l'ombre à la lumière, ils les font devenir choses.

Mais pratiquant le langage, l'intelligence applique des formes qui sont celles-mêmes de la matière inorganisée.

Le langage pétrifie le monde, le durcit en le découpant en fonction de nos besoins et de nos habitudes.

De par sa généralité, il use des mêmes vocables, pour ce qui, chez chacun, est pourtant un état psychologique ou un sentiment unique.

Chacun de nous a sa manière propre d'aimer et de haïr, et pourtant, nous sommes obligés de parler tous le même langage.

Il ne peut donc que fixer l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, ou de tout sentiment qui nous traverse.

La pensée authentique demeure donc incommensurable au langage, dans lequel nous associons nos idées en les juxtaposant les unes aux autres, sans pouvoir exprimer leur compénétration ni leur lien intime.

Alors que les idées s'engendrent les unes des autres de manière vivante, le langage ne peut faire autrement que les accoler les unes derrière les autres.

A l'égard du monde, les mots sont comme des étiquettes que l'on collerait sur les objets, et qui tout en les nommant, les dissimulent.

Tous les mots, à l'exception des noms propres désignent des genres, soit des généralités. 2ème partie : la pensée peut se déployer en-dehors de la langue. -Si la pensée est captive dans le langage, toutefois, on peut penser qu'elle a les moyens de s'en libérer.

On ne peut prétendre en effet qu'une personne qui ne parlerait pas n'aurait pas de pensée.

D'ailleurs, il a été scientifiquement prouvé que les nourrissons développent déjà une pensée avant même d'apprendre à parler.

De plus, dans notre vie courante, on n'exprime pas toutes nos pensées en passant par l'intermédiaire de la langue (ex : il y a des pensées qui « traversent » notre esprit sans que nous ayons le temps de la traduire en mots).

On peut également penser sous forme imagée, olfactive, tactile, etc.

(c'est ce qui à lieu dans les souvenirs ou les rêves). -La psychanalyse (Freud) en découvrant l'existence de l'inconscient, affirme que l'individu a des pensées qu'il ne connaît pas lui-même consciemment, donc qu'il ne peut formuler dans sa langue. -La langue n'est peut-être pas la condition nécessaire à la pensée, car les arts semblent êtres d'autres vecteurs de la pensée.

Il existerait une pensée ineffable qui n'a pas besoin de la langue pour se développer.

« Sur l'ineffable, il y a de quoi parler et chanter jusqu'à la consommation des siècles », déclare Jankélévich (La musique et l'ineffable).. »

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