Nature et société ?
Extrait du document
«
Rapprocher ces deux termes peut paraître bizarre.
Il est vrai qu'aujourd'hui la société est plus reliée à la culture, terme qui
semble s'opposer au terme de nature.
En effet le sens premier que l'on donne dans la vie quotidienne pour la nature est
ce qui existe en dehors du monde humanisé, transformé par l'homme.
La nature dans ce contexte est ce qui existe
spontanément.
Le monde naturel est donc ce qui existe indépendamment des intentions et des efforts de l'homme.
De la
même manière, ce qui est naturel chez l'homme est ce qui est inné, l'étymologie du mot renvoie d'ailleurs à la naissance,
du latin nascor, naître.
Il s'agit alors de se demander si la société est chose naturelle ou si elle s'oppose justement à la
nature.
Dans un premier temps, on remarque qu'il existe aussi des sociétés animales et la sociabilité semble donc
naturelle.
Pourtant, la sociabilité de l'homme est-il naturelle ? La société humaine n'est-elle pas différente, basée sur
l'échange, sur l'économie ? Comment distinguer ce qui vient de la nature dans la société et ce qui n'en vient pas ? Nature
et société humaine sont-elles opposées ?
La société est naturelle
- Comme le rappelle Aristote dans la Politique, il existe d'autres animaux grégaires qui vivent en groupe, troupeau et
fourmilière.
Certaines espèces animales vivent en groupes hiérarchisés et organisés en fonction des capacités
physiologiques de leur membre : penser aux sociétés des abeilles.
- Pour Aristote, l'homme est un "animal politique", c'est-à-dire qu'il est poussé naturellement et de manière innée à être
sociable.
Le rassemblement des hommes dans le cadre d'une communauté politique s'inscrirait dans une logique naturelle
: la première des sociétés est bien sûr la famille et elle répond à une nécessité d'ordre vital : se reproduire et subsister( «
la communauté constituée par la nature pour la satisfaction des besoins de chaque jour »), le village comme
rassemblement de plusieurs foyers, puis la bourgade, puis la cité.
Pour le penseur antique, la loi de concentration et de
rassemblement ressemble de près à la croissance organique.
- Pour Kant, les hommes ont une tendance naturelle à s'associer parce que la réunion des hommes permet à chacun de se
compléter et de se perfectionner.
- Le lien entre les hommes est d'abord celui que tissent les besoins naturels et c'est en fonction de la complexification de
ces besoins que se comprend l'édification des cités.
L'homme est par nature insociable
- Pourtant, partout où s'élève une communauté humaine, existent des tensions, des affrontements.
Kant parle ainsi d'une
insociable sociabilité.
L'homme a besoin des autres, mais dans un même temps, chacun tend à son bonheur aux dépens de
celui des autres.
- Certains penseurs vont beaucoup plus loin.
Rousseau affirme que la sociabilité se constitue historiquement, sous la
pression des conditions extérieures.
Pour l'auteur, tout individu dispose à sa naissance d'une indépendance naturelle et
peut très bien survivre en utilisant les dons de la nature.
- Pour Hobbes, dans l'état de nature, chaque individu possède les mêmes forces, les mêmes besoins et en résulte une
"guerre de chacun contre chacun" pour "dominer l'autre".
Cet état est la conséquence des passions naturelles des
hommes.
Seul un artifice qui est le contrat permet d'en sortir.
Les sociétés sont donc des artifices.
- Ce qui est premier dans la nature, ce ne sont pas les sociétés, mais les affirmations individuelles de puissance.
L'homme entend rétablir, par la société, une justice qui n'existe pas dans la nature
- Depuis le début de l'humanité, les hommes cherchent à rompre avec la nature.
Comme le dit par exemple, Hegel, l'histoire
est strictement humaine : elle est le processus par lequel les individus se regroupent en société, et par lequel ils se
démarquent de la nature.
C'est que, en effet, dans la nature, règne la loi du plus fort.
La société humaine s'élève contre ce
principe et tend à déclarer l'égalité des droits de tous les individus, justement en opposition aux lois de la nature.
- Ce qui fait la spécificité des sociétés humaines pour Adam Smith, ce sont les actes d'échanges qui se produisent.
De fait,
il n'y a jamais dans le monde animal de réel échange, avec la mise en marché d'un bien, ni de dialogue.
L'animal ne connaît
pour obtenir une chose détenue par un autre que la force ou la plainte.
- Pourtant, la société pour Adam Smith ne se base absolument pas sur un altruisme mais sur la logique conjuguée des
égoïsmes.
Il n'est pas sûr que les sociétés donc rétablissent véritablement une justice, une entre-aide mais plutôt
reproduise une autre variante de la loi du plus forte.
- D'ailleurs, on peut se demander si dans les sociétés animales, naturelles, l'individu n'agit pas que pour le bien commun
alors que c'est l'inverse dans les sociétés humaines ?
Ainsi, la société est une forme naturelle de rapprochement qui existe au même titre chez les humains et chez les animaux.
Elle est ce qui assure la survie et la conservation de l'espèce.
Pourtant, l'homme manifeste une insociabilité indéniable et
on en vient à se demander si à la base, l'homme n'est pas vivre pour vivre seul.
Ce qui semble avoir cours dans la nature,
c'est l'affirmation de la puissance de soi et la société tend donc à rétablir une justice absente dans l ‘état de nature.
Pourtant, dans nos sociétés chacun continue à vivre dans son égoïsme et ne voit pas le bien commun.
En définitive, il n'est
pas sûr que ce soit possible de démêler ce qui est naturel ou non dans les sociétés.
C'est pour cela que Edgar Morin
élabore une pensée complexe concernant l'homme.
Il le conçoit de manière trinitaire : biologique( comme produit d'une
évolution de l'espèce), individuelle( l'homme en tant qu'il est pensée personnelle) et sociologique( en tant que déterminé
par la société).
Mais loin d'être déterminée et délimitée, ses trois aspects inter-agissent entre eux et se mélangent..
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