Mes pensées n'engagent-elles que moi?
Extrait du document
«
[Mes pensées sont miennes.
Dès lors, elles n'engagent que moi et moi seul.]
La source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver réside strictement dans notre propre
volonté.
Nul autre que soi n'est maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier
des choses sur lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les maîtres.
Les obstacles ou les
contraintes que nous rencontrons sont hors de nous, tandis qu'en nous résident certaines choses, qui nous
sont absolument propres, libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul ne peut agir.
Il
s'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant à
soi-même, ce que nul ne peut nous empêcher de faire.
Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur,
chacun est aussi l'artisan de son propre malheur en s'échappant de soi-même et en abandonnant son bien
propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui.
Le malheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous
recevons de l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.
Nul ne nous oblige à croire ce
que l'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons dépendants de la versatilité du
jugement d'autrui, dans l'autre nous finissons par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.
Enfin, à
l'égard des opinions communes comme des théories des philosophes, ou même de nos propres opinions, il faut
savoir garder une distance identique à celle qui est requise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir
cesser de jouer en temps voulu.
Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige en effet que
notre propre volonté.
[Mes pensées engagent l'humanité.]
Nos pensées témoignent de notre être.
On peut dire que les pensées nous engagent autant que les actes parce qu'elles sont la traduction la plus
directe de nos intentions, de nos états de conscience.
Il n'est pas nécessaire de faire des promesses pour
être engagé : pour Sartre, l'engagement est le propre de l'existence en général ; nos pensées nous engagent
au sens où elles participent au processus général par lequel nous construisons notre existence.
Pour le stoïcisme, l'esclave peut être beaucoup plus libre que le maître ; certes, il ne fait rien de ce qu'il veut,
mais il connaît la plénitude de la liberté intérieure ; il est maître des choses par le jugement qu'il pose sur
elles.
Or ce n'est pas ainsi que Sartre pose le problème ; d'abord, il refuse à l'existence humaine tout
fondement métaphysique (Dieu, les Idées, l'Inconditionné) ; il se place d'emblée au niveau de la conscience
dans sa réalité subjective.
Mais il considère que la conscience n'existe pas en soi : « Toute conscience est
conscience de quelque chose » et « l'existence pour l'homme précède l'essence » ; le terme même d'existence
révélant ce mouvement de sortie de soi (de l'intériorité).
Il n'y a pas d'âme, pas d'essence qui tantôt imagine, tantôt veut, tantôt agit, tantôt perçoit : l'homme n'est
pas son âme (sa pensée), il n'est que ce qu'il fait.
Ce n'est pas dans le rapport de l'être et de la volonté que
se situe la liberté humaine, puisque l'être peut se définir comme projet.
Si l'on n'est que ce que l'on veut, ce
que l'on projette d'être, comment ne pas faire ce que l'on veut?
L'esclave, pour Sartre, est libre mais pas du tout au sens où l'entendent les Stoïciens, car il est absurde
d'opposer la liberté intérieure et la liberté de l'action.
L'esclave a dans l'action même, un choix à effectuer : il
peut se lancer dans la révolte, il peut choisir de se donner la mort, tenter l'évasion.
Il peut aussi choisir la
servitude.
Pourtant, l'objection paraît évidente ; l'esclave ne choisit pas sa condition d'esclave.
«On ne fait pas ce que
l'on veut».
C'est-à-dire que nous sommes contingents ou que la vie est absurde.
Nous sommes en effet.
»
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