MARC AURELE et le mal
Extrait du document
Marcus Aurelius Antoninus est né à Rome dans une riche et prestigieuse famille d'ascendance espagnole. Orphelin de père à l'âge de trois ans, il fut élevé par son grand-père. Dans l'Historia Augusta, on raconte qu'il développa très jeune un intérêt pour la philosophie, et fut félicité à six ans par l'empereur HadrienP129, qu'il avait sans doute rencontré par les relations de sa famille. A douze ans, l'enfant doté d'une solide culture rhétorique et stoïcienne, décida de se vêtir désormais d'une robe de bure grecque. Le successeur d'HadrienP129, l'empereur Antonin, son oncle par alliance, l'adopta ainsi que le fils d'HadrienP129, Commodus. Mais Marc Aurèle se révéla bientôt comme le préféré des deux ; il reçut le titre de césar en 139, devint consul l'année suivante, et épousa Faustine, la fille d'Antonin. Toutefois, à la mort de l'empereur, Marc Aurèle fit en sorte que lui et son frère adoptif règnent conjointement. Peut-être pensait-il qu'un trône partagé lui laisserait le loisir d'étudier la philosophie, mais la réalité du pouvoir ne lui permit guère de consacrer de temps à la méditation. Le règne s'égrena en une série de catastrophes, parmi lesquelles le déluge, la famine, les guerres frontalières, la peste et un coup d'état. Marc Aurèle débuta ses Pensées lors de la campagne militaire contre les Germains et les acheva à la fin de sa vie. Elles présentent le dernier grand témoignage de la philosophie stoïcienne antique, dominé par des réflexions sur la mort et la nature transitoire de l'expérience humaine. Il supporta la maladie et l'agonie de la fin de sa vie (probablement dues à un cancer) avec une attitude toute stoïque. Au seuil de la mort, il murmura encore : “ pourquoi pleurez-vous sur moi, au lieu de songer à la peste et à la mort, qui sont le lot commun de tous. ”
«
Commentaire de Marc Aurèle, Pensées pour moi-même
1.
Marc Aurèle fait partie du courant de pensée appelé stoïcisme duquel fait partie aussi Epictète et Sénèque.
Il reprend dans ce texte une doctrine courante
de cette école, à savoir que le bonheur est moins à chercher dans le monde extérieur qui ne dépend de nous qu'à l'intérieur de nous-mêmes et dans
l'ordonnance de nos passions.
- Marc Aurèle commence par mettre en évidence la pratique commune des hommes qui cherchent toujours les meilleurs endroits pour habiter et se mettre à
l'abri.
Il s'adresse directement aux lecteurs en le tutoyant, cherchant à lui faire prendre conscience qu'il agit comme la majorité des gens et qu'il se trompe.
Il explique en effet que le désir de trouver retraite à l'extérieur est une erreur.
C e n'est pas dans le monde extérieur qui est soumis sans cesse aux
changements que nous ne contrôlons pas que nous pouvons trouver le calme et le bonheur nécessaire à la vie mais en nous-mêmes.
- En effet, le seul endroit où l'homme peut être sûr de trouver le calme, c'est en lui-même puisqu'il a le contrôle total sur ses pensées et sur sa conduite.
Il
s'agit de trouver l'harmonie et pour cela, il faut ordonner son âme, c'est-à-dire discipliner ses passions et ses désirs.
- Dans un troisième temps, il cherche à mettre au jour l'une des raisons qui fait courir les hommes et les agiter dans le monde.
Il s'agit de la gloire et
l'auteur s'emploie à nous montrer que ce désir est ridicule et ne représente rien vis-à-vis de l'univers.
Il s'appuie pour prouver son dire a) sur la rapidité des
changements dans le monde, la rapidité de l'oubli.
Tant d'efforts pour finalement être oublié en peu de temps, b) sur l'inconstance et l'ignorance des
personnes auprès de qui la gloire s'acquière et c) sur la « petitesse » de la région où mon nom est connu.
En effet, l'un des principaux arguments des
stoïciens, c'est qu'il faut toujours comparer sa vie avec l'univers et comprendre que notre existence, nos douleurs ne sont rien comparées à l'immensité du
monde.
A insi, l'endroit où mon nom sera connu par la gloire est minuscule, infinitésimal et pour finir ne représente rien du tout.
- L'auteur conclue alors sur la nécessité de revenir en soi-même, qui est à l'abri des mouvements incessants du monde extérieur et de regarder les choses
en ayant conscience de la mort, c'est-à-dire de l'éphémère de mon existence et de ma finitude.
2.
a) Le stoïcisme est d'abord une doctrine morale qui propose des règles de vie propres à atteindre le bonheur.
C omme nous l'avons déjà dit, les stoïciens
considèrent que les gens qui arrivent doivent nécessaire arriver et que l'ordre des choses ne dépend pas de nous.
Des lors, le véritable bonheur ne peut se
trouver qu'en nous, dans notre âme et dans nos pensées qui dépendent de nous et que nous pouvons contrôler.
Par suite, le véritable calme ne peut être
trouvé qu'en nous, dans notre âme et en se retirant du monde et des passions qui vont de pair, nous accédons à la paix.
On retrouve aussi le thème de la contemplation qui avait été développé par Platon puis par Aristote.
L'homme trouve son bonheur s'il a des choses en lui qui
sont assez intéressantes pour être réfléchies et contemplées.
b) La liberté pour les stoïciens n'est pas celle de faire ce que l'on veut, mais consiste à connaître l'ordre de la nature et de l'accepter.
Il ne faut point
essayer de changer les choses, le monde mais changer nos désirs pour les faire coïncider avec l'ordre du monde.
C 'est pourquoi l'auteur exhorte à
abandonner toute obstination, toute opiniâtreté.( A llez voir l'exemple du chien attaché à la charrette dans Manuel d'Epictète) Et pour cela, avoir tous les
jours à l'esprit que nous sommes des êtres destinés à la mort peut nous apprendre à ne pas donner trop de valeurs aux choses qui n'en ont pas, aux biens
terrestres,… La pensée sur la mort peut ainsi nous permettre de vivre l'instant sans s'abîmer dans des désirs impossibles et inutiles
arc-Aurèle: Ils se cherchent des retraites, maisons de campagne, plages ou montagne ; et toi aussi, tu prends l'habitude de désirer fortement des
choses de ce genre.
V oilà qui est absolument vulgaire, puisqu'il t'est loisible de faire retraite en toi-même à l'heure que tu voudras.
Il n'est pas pour
l'homme de retraite plus tranquille ni plus débarrassée d'affaires que dans sa propre âme, et surtout quand on possède en soi-même tout ce qu'il faut pour
arriver, à condition d'y porter attention, à cette aisance facile, qui n'est qu'un autre nom de l'ordre.
A ccorde-toi continuellement cette retraite ; renouvelle-toi ; aie des formules brèves, élémentaires qui, dès qu'elles se présentent, suffiront à écarter tout
chagrin et à te renvoyer sans irritation aux affaires quand tu y reviens.
Contre quoi te fâcher ? C ontre la méchanceté des hommes ?
Reprends ce raisonnement : « Les vivants raisonnables sont nés les uns pour les autres ; la justice consiste, pour une part, à les supporter ; c'est malgré
eux qu'ils pèchent ; combien de gens ennemis, soupçonneux, haineux, combatifs sont étendus à jamais ou réduits en cendre ? » [...] - Contre la part qui t'est
réservée dans l'univers ? Répète-toi l'alternative : ou bien providence ou bien atomes ; et tout ce qui démontre que le monde est comme une cité.
- Mais tu
es encore en contact avec le corps ? Réfléchis : la pensée n'est plus mélangée à ce souffle vital dont les mouvements sont aisés ou violents, dès que tu te
reprends et que tu connais la liberté qui t'est propre [..
]
Reste à songer à la retraite dans ce petit champ bien à toi ; avant tout, ne te tourmente pas, ne fais pas d'effort ; sois libre ; vois les choses virilement, en
homme, en citoyen, en animal mortel.
A ie toujours à ta disposition et sous ton regard ces deux principes : d'abord les choses ne touchent pas l'âme, elles
restent dehors, immobiles, et les troubles ne viennent que de l'opinion intérieure.
Ensuite, tous les êtres que tu vois, à peine changent-ils, ne seront bientôt
plus, pense aussi à tous ceux que tu as vu toi-même se transformer.
« Le monde est changement, la vie est opinion.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Pourquoi peut-on parler ici de liberté « intérieure ?
2 En quoi consiste l'expérience stoïcienne de la liberté ?
3 Quelle est l'erreur à ne pas commettre ?
Réponses:
1 - Il s'agit, pour être libre, de trouver sa retraite, son refuge dans la paix de l'âme, la sérénité, donc en soi-même et en tout ce qui dépend de soi.
2 - La liberté s'expérimente à travers le pouvoir de l'âme sur elle-même par l'intermédiaire de la volonté.
3 - Chercher à maîtriser des choses qui ne dépendent pas de nous et sur lesquelles nous n'avons pas d'emprise totale, et accorder de l'importance aux
choses qui n'en ont pas..
»
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