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Manier l'ironie est-ce toujours philosopher ?

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« Introduction : Dans son dictionnaire philosophique, Voltaire écrit à l'article « torture » : «Cela fait toujours passer une heure ou deux», disant par là le contraire de ce qu'il pense, c'est à dire que la torture n'est pas un simple passe temps mais une pratique inhumaine et inacceptable. Cela nous montre le mécanisme de l'ironie qui consiste à dire le contraire de ce qu'on pense pour éveiller l'esprit de l'interlocuteur, qu'il ne s'endorme pas dans un discours tout fait mais qu'il réagisse et critique celui-ci. L'ironie manifeste une contradiction entre ce qu'on pense et ce qu'on fait, entre ce qu'on croit et ce qu'on dit, par là, elle permet de remettre en question les opinions.

Elle libère des discours dogmatiques des pratiques habituelles ou considérées comme « normales » en les mettant à l'épreuve de ce qui les contredit, cela en fait une redoutable arme philosophique.

La philosophie est en effet la discipline qui met les opinions, les croyances, les théories et les pratiques en question, quelle meilleure façon de critiquer quelque chose que de créer la réaction de l'interlocuteur contre celle-ci ? Manier l'ironie est donc une véritable méthode philosophique cependant, l'ironie n'est pas l'apanage de la philosophie, elle n'est pas exclusivement philosophique et peut même devenir anti philosophique lorsqu'elle empêche tout discours d'émerger.

Les sarcasmes sont les ennemis d'une pensée constructive, l'ironie permet de rire de tout et par là de saper les fondements de tout questionnement et de toute toute compréhension possible.

Le problème de l'ironie est sa trop grande puissance : elle peut tout critiquer et ne peut que critiquer.

Celui qui ne cesse de faire usage de l'ironie s'enferme dans un cercle vicieux, il finit par ironiser sur sa propre ironie et à se déprécier soi même. Problématique : L'ironie est une arme de critique, par là elle ouvre la porte au questionnement philosophique, mais si elle est appliquée rigoureusement, elle lui ferme la porte en empêchant à priori toute réponse possible. I : L'ironie comme méthode 1) L'ironie socratique : Socrate applique l'ironie comme méthode philosophique pour montrer que l'opinion de son interlocuteur est contradictoire, infondée ou déraisonnable.

On peut parler d'ironie « dialectique » par ce qu'elle suscite ensuite un dialogue où l'on s'efforce de préciser les concepts. 2) L'ironie comme arme du « bon sens ».

Par « bon sens » nous entendons une vision réaliste et impartiale du monde, celui-ci utilisera l'ironie contre les théories présomptueuses qui sont aveugles à la complexité du réel ; Par exemple, Voltaire critique le système de Leibniz non pas dialectiquement en critiquant les concepts mais en écrivant un roman : Candide .

Il met dans la bouche du précepteur Pangloss une caricature de la philosophie de Leibniz : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » voltaire fait ensuite subir à ce personnage les pires malheurs qu'il puisse imaginer, montrant par là que l'optimisme de Leibniz est contredit par les malheurs du monde réel. 3) L'ironie socratique appliquée rigoureusement débouche sur le cynisme.

Diogène est un disciple de Socrate qui a choisi de suivre la voie de l'ironie jusqu'au bout ; il méprise ainsi les conventions sociales qui ne sont pour lui que des faux semblants et n'a foi qu'en la réalité de la nature.

Il incarne une forme de liberté fondée sur l'ironie : le cynisme. II : L'ironie comme cercle vicieux 1) L'ironie peut être antiphilosophique : on peut ironiser sur tout, aussi bien sur les principes philosophiques.

L'ironie est une arme intellectuelle qui casse tout discours en montrant ses contradictions.

Empêchant tout discours, l'ironie est un cercle vicieux pour la philosophie.

Le cynisme de Diogène peut être appliqué à tout discours philosophique et se contredit lui-même en tant que théorie: le discours ne se passe pas d'un langage et tout langage est une convention et par là il est contredit par la réalité inconditionnelle de la nature. 2) Philosopher, c'est mettre les choses en question, mais pour trouver une réponse, c'est une recherche commune de la vérité. On peut manier l'ironie dans bien d'autres perspectives : pour séduire, persuader...

On peut mentionner par exemple l'ironie rigolarde des plateaux de télévision qui empêche le discours et le dialogue d'émerger. 3) « Ne pas rire...mais comprendre » dit Spinoza.

Il vise ici la moquerie, l'ironie moqueuse empêche de comprendre, elle n'est que l'expression d'une passion triste.

L'ironie apparaît alors comme une impasse, manier l'ironie ne conduit pas au bonheur que recherche la philosophie mais à une triste moquerie du monde ; a trop ironiser, on finit par « rire jaune ».

Manier l'ironie peut vite conduire au malheur d'être le jouet de l'ironie. III : Manier philosophiquement l'ironie 1) L'ironie est un outil intellectuel, c'est un moyen et non pas une fin.

On peut être fasciné par sa puissance et ironiser sur tout, mais il semble qu'au lieu de nous libérer, cela nous asservisse à l'ironie.

Si l'ironie est une arme pour se libérer de l'opinion, il faut néanmoins se libérer de l'ironie car elle nous enferme dans son pouvoir destructeur.

La philosophie doit dépasser l'ironie. 2) On peut distinguer avec Kierkegaard l'ironie de l'humour.

L'ironie est la négation sans fin de toute opinion, le rire sur toute chose qui ne peut rien prendre au sérieux.

L'humour est le rire libéré par ce qu'il a conscience de l'« absolu », autrement dit il ne s'applique pas à toute chose, il ya des valeurs qu'il prend au sérieux. 3) Une condition préalable de l‘ironie : l'amitié.

L'idée que la philosophie se fait entre amis est chère à Platon et à Aristote, sur la base heureuse de l'amitié, le dialogue est libéré de passions tristes.

L'ironie des dialogues philosophiques entre amis ressemble plus à ce que nous venons de définir comme l'humour ; en effet, entre amis, on prend immédiatement au sérieux la joie d'être ensemble et on ne compte pas appliquer le pouvoir destructeur de l'ironie à l'amitié.

Cela fait qu'on a à priori limité le pouvoir de l'ironie et qu'on pourra exprimer ses opinions. Conclusion : Manier l'ironie est certes une méthode philosophique, mais c'est aussi un moyen intellectuel qui peut être utilisé à d'autres fins que le questionnement philosophique.

D'autre part , étant donné le pouvoir de l'ironie, bien la manier suppose une certaine distance philosophique.

En effet, le risque de celui qui manie l'ironie sans essayer de la dépasser est de devenir lui-même le jouet de l'ironie.. »

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