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Malebranche: La raison est-elle universelle ?

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Il n'y a personne qui ne convienne que tous les hommes sont capables de connaître la vérité ; et les philosophes même les moins éclairés, demeurent d'accord que l'homme participe à une certaine Raison qu'ils ne déterminent pas. C'est pourquoi ils le définissent animal RATIONIS particeps : car il n'y a personne qui ne sache du moins confusément, que la différence essentielle de l'homme consiste dans l'union nécessaire qu'il a avec la Raison universelle, quoiqu'on ne sache pas ordinairement quel est celui qui renferme cette Raison, et qu'on se mette fort peu en peine de le découvrir. Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle qui m'éclaire et tout ce qu'il y a d'intelligences. Car si la raison que je consulte n'était pas la même que celle qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la Raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une Raison universelle. Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la Raison universelle que tous les hommes consultent.

« Le plus souvent, avoir raison, c'est s'imaginer que l'on dispose d'une opinion certaine ou que l'on peut l'imposer par la persuasion ou la force : " avoir le dernier mot ".

Mais une telle conviction apparaît vite comme peu solide et nous conduit au relativisme : chacun a raison s'il croit avoir raison.

D'où la tentation de chercher dans la sensation un critère plus fiable de la vérité.

Hélas la sensibilité ne nous permet pas davantage d'échapper au relativisme.

En tout ceci, la raison risque de prendre l'apparence d'une opinion parmi d'autres.

Toutefois, comme en science, l'idée de prouver ou de démontrer peut nous sauver de l'incertitude, bien que là encore le vrai puisse souvent devenir faux. On peut penser que la raison laisse échapper tout un domaine de la vie humaine : celui de la conscience esthétique, et plus généralement la vie affective et les sentiments.

D'autre part la raison est conditionnée par divers éléments culturels et éducatifs qu'elle ne sait plus interroger.

Mais peut-elle faire l'économie de l'acceptation, de la confiance a priori, de l'acte de foi, et tout remettre en question ? La raison peut toutefois s'efforcer de mettre sous son pouvoir, sous sa juridiction, les autres facettes du psychisme.

La question reste de savoir si une maîtrise rationnelle constitue pour l'homme un asservissement ou une libération.

Une telle prétention est-elle bien raisonnable ? La raison apparaît comme une exigence, qui, comme telle, implique des obligations.

Ce qui n'autorise pas à assimiler à la raison toutes les contraintes.

Ainsi, certaines règles morales ou sociales ne sont pas forcément rationnelles, bien qu'elles prétendent à l'universalité, de manière plus ou moins justifiée.

La démonstration et l'argumentation restent les meilleures garanties d'une validité de la raison.

Reste à savoir si l'on peut postuler une raison universelle ou pas. Parallèlement, les données sensibles s'imposent souvent à nous sans nous laisser plus de choix.

Par ailleurs, elles ne nous prémunissent pas contre l'erreur, de sorte qu'elles ne peuvent, seules, nous satisfaire.

En ce sens, la distinction entre raison et sensible permet une mise à l'épreuve permanente et mutuelle des deux facultés. Qu'il soit question d'un exemple ou d'une idée, il s'agit de raisonner, d'approfondir pour COMPRENDRE / EXPLIQUER et justifier nos pensées.

Toutefois la raison ne semble pas nous mettre à l'abri des contradictions.

Celles-ci proviennentelles des choses, ou serait-ce la raison elle-même qui les introduit en elles ? La raison contredit-elle les données de la sensation ou se contredit-elle elle-même ? Le cas par cas du sensible doit-il primer sur l'universalité de la raison ? Si la raison semble fiable en géométrie, est-elle valable dans tous les domaines ? Sur ces dilemmes repose le conflit entre pratique et théorie.

Mais même si c'était la pensée seule qui était contradictoire, faudrait-il pour autant renoncer à raisonner ? La fonction de la raison ne se limite pas à son pouvoir de connaissance, elle a aussi un usage pratique, c'est-à-dire qu'elle énonce également des règles de conduite, valables pour l'action.

On l'oppose à la sensibilité, mais cette dernière nous fournit aussi des éléments utilisables pour régir nos comportements.

Des jugements sont portés, fondés sur des rapports établis par la raison ou l'expérience, qui déterminent entre autres le bien et le mal, le vrai et le faux.

La raison intervient également dans le domaine esthétique : elle se combine avec la sensation pour constituer notre expérience de la beauté.

Mais si la raison est présente dans le monde, si elle en est la cohérence, mieux vaut se méfier de son apparente toute-puissance.

Pour cela il s'agit de mieux la connaître et de la mettre en oeuvre. alebranche: Il n'y a personne qui ne convienne que tous les hommes sont capables de connaître la vérité ; et les philosophes même les moins éclairés, demeurent d'accord que l'homme participe à une certaine Raison qu'ils ne déterminent pas.

C'est pourquoi ils le définissent animal RATIONIS particeps : car il n'y a personne qui ne sache du moins confusément, que la différence essentielle de l'homme consiste dans l'union nécessaire qu'il a avec la Raison universelle, quoiqu'on ne sache pas ordinairement quel est celui qui renferme cette Raison, et qu'on se mette fort peu en peine de le découvrir.

Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme qui ne le puisse voir aussi bien que moi.

Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien.

Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle qui m'éclaire et tout ce qu'il y a d'intelligences.

Car si la raison que je consulte n'était pas la même que celle qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois.

Ainsi la Raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une Raison universelle.

Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné.

Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur.

Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la Raison universelle que tous les hommes consultent. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 Que veut montrer Malebranche à travers l'exemple des Chinois ? 2 Le mot « raison » a-t-il le même sens lorsque l'on parle d'être raisonnable ou d'avoir ses raisons ? 3 Qu'est-ce qui permet de différencier formellement la raison et les passions ?. »

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