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l'ordre s'oppose-t-il nécessairement au désordre ?

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« Au niveau lexical ordre et désordre se présentent comme opposés l'un à l'autre, le second étant l'inversion, ou plutôt une dégradation du premier.

Mais l'ordre n'est-il pas un état purement idéal, d'équilibre jamais atteint ? Et le désordre n'est-il pas lui-même une pure construction psychologique, une impression ? Aussi nous trouvons-nous avec sur les bras un couple de concepts qui, s'ils visent à décrire ou traduire des situations réelles, sont peut-être bien rivés à l'arbitraire de notre subjectivité : ordre et désordre seraient davantage des étiquettes collées aux états de choses plutôt que la réalité de ces états elle-même.

Mais que la dualité ordre-désordre soit ou non suspendue à la psychologie d'un sujet, encore faut-il demander si la relation est toujours d'opposition, c'est-à-dire si l'ordre ne se construit qu'en excluant le désordre. I- Ordre et désordre sont deux catégories psychologiques opposées. L'ordre est autant un état qu'une norme, « donner un ordre » c'est normer, donner une ligne directrice à ce qui n'est pas ordonné.

L'ordre n'est pas un genre ontologique mais le produit d'une action organisatrice : l'intelligence découpe et classe ce qu'elle rencontre afin de faciliter nos actions.

L'ordre c'est le produit de la vision de l'homme sur la nature en vue d'une action à accomplir.

Les classifications, les rangements, créent un ordre, les critères sont décidés par l'homme, il n'y a pas d'ordre en soi. Au chapitre III de L'Evolution Créatrice Bergson montre que l'idée de désordre n'est qu'une construction psychologique motivée par la déception, le désordre serait l'ordre que l'on attend pas. Par exemple les livres d'une bibliothèque peuvent être mal rangés mais ce désordre n'est qu'apparent, il n'a de valeur que psychologique et n'a rien à voir avec l'être des choses qu'il qualifie.

Un livre n'est pas en soi en ordre ou en désordre, il l'est toujours pour une conscience. Ordre et désordre sont donc deux catégories psychologiques qui s'opposent.

Le désordre c'est un ordre inefficace, pour lequel on a pas de loi de lecture et qui ne sert pas notre action.

L'ordre nous permet d'agir, d'organiser une vie sociale, le désordre s'y oppose mais ni l'un ni l'autre n'existent en soi.

Même l'ordre le plus primitif, celui des chiffres, ne sert qu'à l'action, à compter en vue d'entreprendre.

L'opposition est nécessaire mais non irréversible. II-Positivité ontologique de l'ordre et du désordre, et leur opposition. Toutefois il paraît réducteur et peu scientifique d'affirmer qu'ordre et désordre ne sont que des productions psychologiques, en examinant la structure interne des choses la science a mis en évidence qu'il y a dans l'être même de la matière un certain ordre. Celui-ci a donc une réalité positive, il n'est pas une pure création humaine à finalité pratique. On connaît l'ordre d'une série de nucléotides correspondant à l'Adn qui détermine un caractère x (par exemple : avoir cinq doigts), on sait que si l'ordre n'est pas respecté, s'il y a une erreur dans la chaîne des acides aminés (rupture ou intervertissement de l'ordre), alors le caractère s'en trouve modifié (le sujet a les doigts atrophiés ou il peut en avoir un de plus…).

Autrement dit il y a des normes inhérentes à une espèce, ce n'est pas une vision pratique ni une construction subjective que de constater la répétition de caractères communs entre les individus que l'on identifie appartenir à une même espèce. Il y a donc de l'ordre et du désordre indépendamment d'un état psychologique de notre part, ordre et désordre font sens pour nous mais peuvent être rapportés à l'être même.

A un caractère phénotypique jugé pathologique correspond un désordonnement génétique (les choses sont certainement bien plus complexes), la démultiplication cellulaire qui abouti au cancer est bien le renversement d'une norme physiologique positive, qui n'est pas créée dans l'esprit de l'homme.

Ordre et désordre sont donc deux états positifs, non psychologiques (ce qu'ils peuvent être aussi), et s'opposent en fonction d'une norme, celle de la santé, de l'entropie, ou autre.

Ici l'opposition est moins aisément réversible puisqu'elle correspond à la nature même des choses. III- L'ordre peut se fonder sur le désordre. Mais au-delà de l'ordre d'une série numérique ou génétique il existe aussi l'ordre politique et moral.

Or si l'ordre souhaité par une autorité, qu'elle soit politique, morale ou religieuse, doit s'obtenir par réduction et transformation de ce qui est jugé contraire à cet ordre, il n'en reste pas moins que le désordre alimente l'ordre. Le rapport est peut-être toujours d'opposition mais il est plus subtil que cela, par exemple un pouvoir peut asseoir son autorité, sa légitimité, en combattant un désordre qu'il crée lui-même ou au moins qui lui sert d'alibi pour durcir ses mesures.

Les nazis incendièrent ainsi le Reichstag en accusant les communistes afin de pouvoir plus facilement faire passer leurs mesures totalitaires. L'ordre moral ou politique, plus il tend vers le totalitarisme et l'intolérance, se justifie par l'opposition à un désordre porté en effigie mais qui en même temps lui est nécessaire.

Le désordre est tout autant ce qu'il y a à combattre que ce qui permet d'asseoir son pouvoir. Conclusion : La langue fait s'opposer ordre et désordre non de façon arbitraire mais pour répondre à un véritable état de fait. L'opposition peut-être psychologique ou de nature, c'est-à-dire positive, réelle et non subjective.

Mais la relation de l'ordre et du désordre peut aussi être examinée au niveau proprement humain des rapports sociaux, dès lors ce qui est à l'origine de l'ordre est toujours un pouvoir lequel peut user à dessein du désordre.

Au-delà même des pouvoirs pervertis qui se justifient contre le désordre, l'idée même de pouvoir, d'autorité politique est appelée par le désordre de l'état de nature, par l'incapacité qu'a la cité à s'organiser sans lois. L'opposition entre ordre et désordre est donc nécessaire au sens d'état de fait si l'on parle d'une opposition naturelle et positive ou si l'on vise l'essence de l'autorité ; elle est contingente et réversible si l'on est à un niveau purement psychologique ou l'ordre n'est pas tant opposé nécessairement au désordre qu'il n'est un modèle pour la modification de celui-ci.. »

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