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l'œuvre d'art est-elle le refuge de l'âme ?

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« Une oeuvre d'art est le produit de cette activité singulière que l'on nomme l'art, et qui comprend en vérité deux dimensions distinctes.

Jusqu'au dix-huitième siècle, le terme « art » désignait l'ensemble des techniques de production d'artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau.

Aujourd'hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des oeuvres un état de la sensibilité et de la pensée d'une époque, en s'opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement.

Ni labeur, ni distraction, l'oeuvre d'art incarne et suggère un sentiment de la vie. Par refuge, on entend un lieu où l'on se retire pour échapper à un danger, se mettre à l'abri.

Le refuge est un espace où l'on trouve une sécurité dont on ne jouit pas ailleurs et dans lequel on s'enferme pour continuer à vivre. L'âme se définit comme le principe de la pensée ou le principe de la vie ou des deux à la fois, ce qui pose le problème de son unité.

Elle a été définie comme "la forme d'un corps naturel ayant la vie en puissance" (Aristote, De l'âme, II) et comme "une substance dont toute l'essence ou nature n'est que de penser" (Descartes, Discours de la méthode, IV), ce qui soulève le problème de son rapport avec le corps en même temps que celui de sa possible immortalité.

En effet, si ce rapport est une union réelle, corps et âme seront vraisemblablement solidaires dans leur destin mortel ; inversement, si l'âme survit à la mort du corps, c'est donc qu'elle est d'une nature différente de celui-ci. A première vue, il peut nous sembler tout à fait exact d'affirmer que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âme.

En effet, l'oeuvre d'art semble accueillir les sentiments qui appartiennent intimement aux artistes, se faire le réceptacle de ses états d'âme ; et si nous reprenons la pensée de l'âme comme ce qui donne la vie, comme ce qui prête le mouvement à un corps, nous pouvons dire une fois encore que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âme, puisqu'elle recueille le souvenir de la vie et du tempérament de l'artiste pour le faire accéder à l'immortalité.

Mais nous verrons que cette thèse est en vérité intenable, car elle travestit non seulement le concept d'âme, mais déforme notre compréhension de l'art.

Enfin nous verrons que loin d'être le refuge de l'âme, l'art est plutôt un reflet et une expression du corps de l'artiste. La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l'oeuvre d'art est ce qui accueille l'âme de l'artiste ou ce qui reflète le rapport intime qu'il entretient à son corps. I. L'oeuvre d'art est le refuge de l'âme de l'artiste, de son vivant et pour l'éternité a. L'oeuvre d'art est le refuge de l'âme du vivant de l'artiste A première vue, il peut nous sembler que l'oeuvre d'art est authentiquement le refuge de l'âme.

Pour tenir une telle thèse, encore faut-il préciser ce que nous entendons par « âme ».

Nous ne retiendrons pas un concept trop précis d'âme, tel celui exposé par Aristote dans son De anima, qui considère l'âme comme la forme d'un corps, qui vient s'unir à un corps disposé par sa structure à l'accueillir, un corps qui correspond intimement à l'âme avant même leur union.

En effet, si nous retenions un tel concept, nous serions incapables de penser les rapports de l'âme et de l'oeuvre d'art, puisque ce concept implique bien davantage que le corps est la destination de l'âme, la substance à laquelle elle doit s'unir.

Cependant, nous pouvons bel et bien affirmer que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âme, dans la mesure où l'oeuvre d'art recueille la pensée de son auteur, ses sentiments et son rapport au monde.

L'expression « refuge de l'âme » peut sembler particulièrement appropriée lorsque nous nous rapportons aux oeuvres d'art écrites en temps de censure, où la pensée de l'auteur se devait d'avancer masquée.

Pensons à ce titre aux contes de Voltaire, qui peuvent à bon droit se lire comme les refuges de l'âme de l'auteur, puisque la pensée de ce dernier ne pouvait s'exprimer directement, au grand jour.

Nous dirons donc que l'oeuvre d'art est le refuge de l'âme puisqu'elles accueillent la pensée de l'auteur qui ne peut se dire directement. b. L'oeuvre d'art est le refuge de l'âme de l'artiste pour l'éternité Allant plus loin, nous pouvons même dire que l'oeuvre d'art est bien le refuge de l'âme lorsque nous prenons le terme d'art comme ce qui donne la vie.

En effet, n'a-t-on pas tendance à accorder à l'art la faculté d'immortaliser ceux qui l'ont pratiqué avec talent ? Les Académiciens se surnomment « les immortels », et l'art paraît capable de faire. »

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