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L'interprétation est-elle un mode spécifique de connaissance ?

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« Il y a un esprit de finesse distinct de l'esprit de géométrie. « [Les géomètres] se perdent dans les choses de finesse, où les principes ne se laissent pas ainsi manier.

On les voit à peine, on les sent plutôt qu'on ne les voit; on a des peines infinies à les faire sentir à ceux qui ne les sentent pas d'eux-mêmes : ce sont choses tellement délicates et si nombreuses, qu'il faut un sens bien délicat et bien net pour les sentir...

» Pascal, Pensées (1670). On a coutume, depuis Pascal, d'opposer, comme deux mentalités caractéristiques, l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse.

« Il est rare que les géomètres soient fins, et que les fins soient géomètres.

». — Quelle est tout d'abord la signification exacte de cette opposition ? — Il sera plus aisé ensuite de déterminer sa valeur, en examinant dans quels domaines et selon quelles limites s'exercent ces deux types d'esprit. I.

— DISTINCTION ET OPPOSITION. Comme on peut s'en rendre compte, Pascal a voulu, dans ses formules lapidaires, synthétiser deux tendances d'esprit. A.

La première est dite « esprit de géométrie » en raison de son rôle prépondérant en Mathématiques.

On sait, en effet, qu'au temps de Pascal, le nom de géométrie avait un sens général désignant l'ensemble des mathémaliques, et un sens particulier qu'il a conservé, « ce mot appartenant au genre et à l'espèce ». Ce qui caractérise évidemment ce genre d'esprit, c'est la clarté et la précision dans les idées; mais surtout la rigueur dans l'enchaînement du raisonnement : « vues lentes et inflexibles », aptitude marquée mais exclusive pour la déduction.

Tout ce qu'on peut tirer logiquement d'une majeure, il l'en tirera.

Mais il ne verra plus rien dès qu'une proposition n'est plus garantie par l'absurdité de sa contradictoire.

« Ce qui fait que des géomètres ne sont pas fins, c'est qu'ils ne voient pas ce qui est devant eux, et qu'étant accoutumés aux principes nets et grossiers de la géométrie et à ne raisonner qu'après avoir bien vu et manié leurs principes, ils se perdent dans les choses de finesse, où les principes ne se laissent pas ainsi manier.

». B.

L'esprit de finesse, en effet, nous fait penser, par son nom même, à une acuité de vue qui se traduit par la sagacité et la souplesse, c'est-à-dire par le sens des nuances et une grande facilité d'intuition.

« Dans ces choses de finesse, ou voit à peine les principes, on les sent plutôt qu'on ne les voit; ce sont choses, tellement délicates et si nombreuses qu'il faut un sens bien délicat et bien net pour les sentir, et juger droit et juste...

sans pouvoir le plus souvent les démontrer par ordre, comme en géométrie...

Il faut voir tout d'un coup la chose d'un seul regard et non par progrès de raisonnement, au moins, jusqu'à un certain degré.... Ainsi, cette tournure d'esprit sera précieuse, tout spécialement dans les choses complexes où il saura distinguer le détail intéressant, deviner le rapport concluant.

Mais elle est décontenancée en face des rigoureuses déductions : « Les esprits lins sont si étonnés quand on leur présente des propositions qu'ils n'ont point accoutumé de voir ainsi en détail, qu'ils s'en rebutent et s'en éloignent.

». En somme, l'esprit de finesse se rapproche de l'intuition et jouera un rôle de premier plan dans la méthode inductive, comme instrument de découverte; l'esprit géométrique, au contraire, use du raisonnement, sur tout déductif, et prouve. II.

— DOMAINES ET LIMITES RESPECTIFS. Le seul énoncé de cette opposition nous éclaire sur la solution du problème.

Ces deux esprits, qui paraissent s'exclure, ont leurs domaines préférés, mais sont, à quelque degré, indispensables à toute science et dans la vie pratique, comme le sont intuition et raisonnement. 1.

Dans les sciences : A.

L'esprit de géométrie : a) a comme domaine propre évidemment les mathématiques, où il s'agit de passer rigoureusement et en ordre du principe à la conséquence (synthèse), ou de remonter logiquement de la conséquence au principe (analyse); b) mais il n'est pas absent des autres sciences, où son rôle cependant est subordonné sous peine d'être nocif : 1° dans les sciences de la nature, il se manifeste par le rôle de la déduction, du calcul et du raisonnement expérimental; 2° dans les sciences morales, c'est la logique des recherches et démonstrations qui traduit la tendance de l'esprit géométrique; 3° enfin, en métaphysique, où, comme en mathématiques, on raisonne sur des notions nécessaires, l'esprit de géométrie reprend un rôle plus important. B.

Quant à l'esprit de finesse : a) son domaine préféré est, évidemment, avec la métaphysique, les sciences morales. »

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