L'IDÉE VRAIE, EST-CE L'IDÉE QUI RÉUSSIT ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
RÉUSSIR / RÉUSSITE: Qui connaît le succès, ce qui est efficace, ce qui marche.
VRAI:
* Se dit d'une affirmation conforme à la réalité ou qui n'implique pas contradiction et à laquelle l'esprit ne peut que
souscrire : Il n'y a pas grand-chose de vrai dans son récit.
* Qui appartient à la réalité et n'est pas une création de l'esprit : Rechercher les vraies causes d'un phénomène.
* Qui est bien conforme à son apparence : Une vraie rousse.
* Se dit, dans le domaine artistique et littéraire, des êtres et des choses créés qui donnent l'impression de la vie, du
naturel, de la sincérité : Un romancier qui peint des personnages vrais.
* Se dit d'un élément qui, parmi d'autres semblables, apparaît comme le seul important ou le seul déterminant : On
ignore le vrai motif de sa démission.
* Qui convient le mieux à quelqu'un ou à quelque chose, est le plus approprié à une fin, à une destination : Croyezmoi, c'est le vrai moyen de leur venir en aide.
IDÉE: Parfois synonyme de représentation mentale, parfois de concept (idée générale et abstraite); dans le
platonisme, et avec un I majuscule, les Idées sont les modèles des choses, existant en soi, que l'âme contemplait
avant son incarnation.
Nous fabriquons les concepts, nous contemplons les Idées.
Du grec idein, « voir ».
L'idée est ce par quoi la pensée unifie le réel.
La question de l'origine et de la nature des
idées divise les philosophes.
Descartes soutient que nous avons en nous des idées innées, alors que Hume leur
attribue une origine empirique.
Il faut distinguer, chez Kant, l'idée du concept : l'idée, produite par la raison, est un principe d'unification du réel
supérieur au concept, produit par l'entendement.
Le pragmatisme, avec W.
James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.
La pensée est au service
de l'action.
Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie c'est celle qui paie le
mieux, celle qui a le plus de rendement, qui est la plus efficace.
Pour apprécier la valeur de cette théorie, il faudrait savoir quel sens donner aux formules de James.
L'idée vraie
c'est l'idée utile.
Mais que veut dire « utile »? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas, le
pragmatisme est très acceptable.
Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées » et aux évidences
pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant
les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un
homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet ».
Malheureusement le mot «utile» tel qu'il est employé par les pragmatistes a le sens le plus large et le plus vague.
W.
James n'a jamais rien fait pour en dissiper l'équivoque.
Il écrit : « Ce qui est vrai c'est ce qui est avantageux de
n'importe quelle manière ».
Ainsi, une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes.
Mais aussi une croyance
politique est vraie si elle me donne « bonne conscience », si elle me justifie ; une théorie philosophique est vraie si
elle calme mes inquiétudes, si elle assure « mon confort intellectuel »; une religion est vraie si elle est consolante, si
elle me permet de m'améliorer moralement.
L'idée de Dieu est comme toutes les autres idées, elle n'est vraie que si
elle est rentable et W.
James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert ».
Dans cette perspective, la vérité cesse d'être une valeur de la raison pour devenir une valeur d'existence.
SaintExupéry déclare dans Terre des hommes : «La vérité pour l'homme c'est ce qui fait de lui un homme.
» La vérité
c'est ce qui l'épanouit, ce qui « me délivre » et m'accomplit : « La vérité, ce n'est point ce qui se démontre.
Si dans
ce terrain et non dans un autre les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là
c'est la vérité des orangers.
Si cette religion, si cette culture, si cette échelle de valeurs...
et non telles autres
favorisent dans l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cette échelle de
valeurs, cette culture, sont la vérité de l'homme.
»
Peut-on encore parler de vérité et d'erreur? Dans cette perspective, il peut y avoir plusieurs vérités contradictoires
car différents hommes peuvent trouver leur utilité dans des systèmes opposés, être épanouis par des affirmations
contradictoires.
L'erreur même devient à l'occasion une pseudo-vérité pragmatique.
Peu importe, pensaient certains
au temps de l'affaire Dreyfus, que Dreyfus ait été condamné sur des témoignages erronés : il faut considérer la
condamnation comme juste car une reprise du procès nuirait au parti nationaliste.
Un polémiste écrivait : « Une
erreur, lorsqu'elle est française, n'est plus une erreur ».
Le pragmatisme enlève toute signification au mot vérité.
Bien souvent, la découverte de la vérité est pénible pour
nos passions, nos tendances, nos habitudes.
Quelquefois, disait Renan, la vérité est « triste ».
L'ex-abbé Loisy
(excommunié pour ses conceptions hérétiques) cite dans ses Mémoires une lettre qu'il reçut en 1916 de Mgr Mignot,
évêque d'Albi, qui était resté son ami.
Comme Loisy lui avait écrit qu'il préparait un livre sur la Religion et qu'il lui en
indiquait les grandes lignes en lui demandant son avis, l'évêque lui répondit : " Hélas ! je crains d'avance de le
trouver trop vrai.
» Un tel mot n'aurait aucun sens dans la perspective pragmatiste : Le vrai c'est ce que la raison
démontre (ou croit démontrer) et qui bouleverse le coeur, trouble les coutumes, angoisse l'être de chair et de sang.
Qu'une affirmation soit consolante, réconfortante, rassurante, cela n'en fait pas une vérité.
Tout au contraire
l'esprit critique doit être ici mis en garde : " Les vérités consolantes, dit M.
Jean Rostand, doivent être démontrées
deux fois ».
Contre le pragmatisme il faut restaurer les droits de l'objectivité, contre la préoccupation subjective et
large de l' "intérêt", de l' "utilité", il faut revaloriser les exigences des " vérifications» objectives..
»
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