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L'idée de vérité

Extrait du document

« Ne confondez pas les deux mots réalité et vérité : la réalité caractérise un objet : ce tapis, cette lampe sont réels; la vérité concerne un jugement.

Ainsi par exemple le jugement : ce tapis existe, ce tapis est rouge, est un jugement vrai ou bien un jugement faux.

La vérité ou la fausseté qualifient donc non l'objet lui-même, mais la valeur de mon assertion.

Dans certains cas pourtant le langage paraît attribuer la vérité ou la fausseté à l'objet : un faux tapis persan, un faux Vermeer, de fausses dents.

Mais on désigne ici des objets réels.

Le faux persan est un tapis réel, le faux Vermeer un vrai Van Meegeren, les fausses dents un vrai dentier.

Plus exactement, c'est le jugement par lequel nous affirmons que ce tableau attribué à Vermeer est en réalité de Van Meegeren qui est un jugement vrai. II.

Ce point acquis, il faut chercher maintenant quel est le critère de la vérité.

Comment reconnaître, caractériser, définir le jugement vrai ? La réponse la plus simple est celle-ci : le jugement vrai se reconnaît à ses caractères intrinsèques ; il se manifeste par son évidence propre.

La vérité est à elle-même son propre signe : verum index sui, affirme Spinoza.

Pour Spinoza, pour Descartes, une idée claire et distincte qui apparaît évidente est une idée vraie et il n'y a point à chercher au delà.

« Les idées qui sont claires et distinctes ne peuvent jamais être fausses », dit Spinoza, et Descartes, illuminé par l'évidence de son « je pense donc je suis », écrit : « Je jugeais que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies.

» III.

Cette conception de la vérité peut être dangereuse, car l'évidence est mal définie.

On peut éprouver un très fort sentiment d'évidence et pourtant être dans l'erreur.

Comment distinguer les fausses évidences et les vraies évidences ? C'est ici qu'un critère objectif serait nécessaire, comme Leibniz le faisait à juste titre observer à propos de Descartes.

Et Helvétius écrit à bon droit : « Descartes a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence, mais il a négligé de nous en donner l'adresse.

» Souvent les passions, les préjugés, les traditions fournissent des contrefaçons d'évidence.

Nous avons tendance à tenir pour claires et évidentes les opinions auxquelles nous sommes habitués. En revanche, les idées nouvelles les mieux fondées ont du mal à se faire accepter.

Au nom de l'évidence, c'est-à-dire des traditions bien établies et des idées coutumières, les penseurs officiels, installés dans leur conformisme, ont toujours critiqué les grands créateurs d'idées neuves.

L'Académie des Sciences se moqua de Pasteur, comme les vieux chimistes s'étaient moqués des découvertes de Lavoisier.

Les vérités les plus fécondes, bien loin de s'imposer tout d'abord comme des évidences, furent toujours proposées, au contraire, dans l'étonnement et le scandale. IV.

Une idée ne serait donc pas qualifiée de vraie ou fausse en elle-même, par ses caractéristiques intrinsèques, mais seulement par sa conformité ou sa non-conformité à la réalité.

Les scolastiques disaient : « la vérité, c'est la conformité de notre pensée aux choses » (adequatio rerum et intellectus).

Mais une telle définition est absolument stérile pour une raison très simple : c'est que nous n'avons pas la possibilité de sortir de nous-mêmes, de notre système de représentations pour confronter la copie et le modèle.

Tout ce que nous connaissons c'est notre pensée, notre image du monde, nos expériences sur le monde.

Mais le monde en soi, indépendamment de nos expériences, de nos représentations, nous échappe.

Nous n'avons aucun moyen de connaître le modèle en dehors de cette « copie » qu'est notre expérience humaine, commune ou scientifique, du monde.

Veut-on dire simplement que l'idée vraie est celle qui reproduit l'expérience sensible la plus ingénue ? En ce cas la définition est mauvaise car la vérité scientifique n'est pas un reflet dans un miroir.

Le jugement vrai transpose et reconstruit ici la réalité à travers tout un réseau de manipulations techniques et d'opérations intellectuelles.

Mais si la vérité est opératoire, le critère de la vérité ne sera-t-il pas fourni par le succès pratique de l'opération ? V.

C'est là le point de vue pragmatique, exposé à la fin du siècle par l'Américain W.

James.

Le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée est au service de l'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir ; l'idée vraie c'est celle qui paie le mieux, celle qui a le plus de rendement, qui est le plus efficace. Malheureusement le mot utile a pour W.

James un sens trop vague et trop vaste : « ce qui est vrai, dit-il, c'est ce qui est avantageux de n'importe quelle manière ». Une loi physique est vraie parce qu'elle a des applications pratiques, une religion est vraie si elle est consolante. Dieu, ose dire W.

James, « est une chose dont on se sert ». Le pragmatisme, avec James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée est au service de l'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie c'est celle qui paie le mieux, celle qui a le plus de rendement, qui est la plus efficace. Pour apprécier la valeur de cette théorie il faudrait savoir quel sens donner aux formules de James.

L'idée vraie c'est l'idée utile.

Mais que veut dire « utile » ? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas le pragmatisme est très acceptable.

Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées » et aux évidences pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet.

». »

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