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l'idée de bonheur personnel suffit-elle à fonder la morale Doit-elle, au contraire, en être rigoureusement exclue

Extrait du document

« INTRODUCTION.

Les philosophes rejettent généralement la morale du plaisir comme étrangère à l'ordre moral, la moralité consistant dans la recherche d'un bien connu comme tel par la raison; mais ils restent divisés relativement à la morale du bonheur ARISTOTE la fait sienne; KANT, au contraire, la réprouve.

Quelle position convient-il de prendre en cette question délicate ? A.

L'idée de bonheur personnel ne suffit pas à fonder la morale.

— La morale, en effet, peut être définie La science du bien obligatoire.

Oc, le bonheur personnel, s'il est un bien, n'est pas le bien, et il ne se présente pas comme obligatoire. a) On ne saurait le mettre en doute, c'est par impulsion naturelle et non par fidélité aux exigences de la conscience que nous cherchons à être heureux; il n'y a pas d'obligation absolue de tendre au bonheur.

Parfois, sans doute, le moraliste recommande aux hommes de s'assurer un certain bien-être; mais ce bien-être est considéré comme un moyen et non comme une fin.

La fin est la réalisation d'un bien idéal.

Seule la poursuite de ce bien est obligatoire. C'est ce bien, et non l'idée du bonheur personnel, qui peut fonder la morale. b) Le bonheur personnel ne peut pas être considéré comme le bien suprême, capable de satisfaire les aspirations d'un être qui conçoit l'universel. 1° On l'admettra facilement du bonheur subjectif consistant dans la satisfaction de toutes les tendances et qu'on peut appeler bonheur-jouissance.

Ce bonheur, sans doute, ne se réduit pas aux plaisirs sensibles, qui sont radicalement étrangers au bien :moral, ,et il comporte le plaisir supérieur du bien accompli.

Il n'en reste pas moins que le plaisir n'est pas le bien.

De plus, la position consistant à placer la fin de la vie dans le bonheur-jouissance est intenable, théoriquement et pratiquement. Théoriquement, car, en plaçant le but de la vie dans la satisfaction des tendances, on est entraîné à la morale hédoniste; si on n'y aboutit pas, c'est qu'on admet implicitement une subordination de cette satisfaction à l'accomplissement d'un certain ordre qui fait abstraction du bonheur.

Ainsi, la morale du bonheur ne reste fidèle à elle-même que parce qu'elle implique la morale du bien. Pratiquement, car ainsi que le montre l'observation psychologique, le bonheur n'échoit qu'à celui qui s'en désintéresse et ne cherche que le bien.

Un altruisme qui ne serait commandé que par la perspective du contentement intérieur qu'il peut procurer ne procurerait qu'une satisfaction médiocre.

Le bonheur est de se dévouer sans songer à soi.

Par suite, une morale du bonheur-jouissance, si on essayait de la pratiquer systématiquement, serait vouée à l'échec. 2° Mais s'il est impossible de fonder la morale sur l'idée du bonheur subjectif consistant dans la jouissance, ne pourrait-on pas la fonder sur l'idée de bonheur objectif consistant dans la réalisation d'une grande oeuvre et qu'on peut appeler bonheur-perfection? C'est de ce bonheur que parle PÉGUY dans les vers bien connus : Heureux ceux qui sont morts sur les champs de bataille ! De cette morale aussi nous pouvons dire que si elle ne se dégrade pas en hédonisme, c'est qu'elle implique la morale du bien.

Apparemment, elle fixe comme fin à l'activité humaine une fin personnelle : réaliser le plus possible les virtualités que nous avons en nous; nous grandir.

Mais en fait il n'est qu'une façon de grandir : se dévouer à plus grand que soi, à un bien.

Qu'on ne dise pas que le bien n'est qu'un moyen, la fin restant la grandeur personnelle; car qui chercherait cette grandeur ne l'atteindrait pas et ne manquerait pas de déchoir à la recherche de satisfactions plus basses. L'activité morale étant conditionnée par l'oubli de soi, l'idée du bonheur personnel, aussi épuré qu'on le suppose, ne saurait la fonder. B.

Cependant, l'idée du bonheur personnel ne doit pas être rigoureusement exclue.

— En effet, seule est exclue la thèse d'après laquelle le bonheur est la fin unique de la vie humaine.

Mais on ne saurait condamner celui quoi, plaçant le but de la vie dans le bien, considère le bonheur comme une conséquence inséparable de la recherche du bien et dont la recherche est impliquée dans celle du bien. a) Il n'y a aucune obligation d'exclure l'idée du bonheur et on ne peut rien reprocher à celui qui fait du bonheur la fin secondaire de sa vie : d'une part, en effet, il ne peut être taxé d'égoïsme, puisqu'il fait passer le bien avant toutes choses; d'autre part, le bonheur lui-même, quand il est l'accompagnement d'une vie morale, est un bien puisqu'il réalise l'ordre, la justice demandant que quiconque agit bien soit heureux. b) Il est impossible de l'exclure, car la tendance au bonheur est essentielle à la nature humaine et inséparable de la tendance au bien.

Le saint, sans doute, ne tend qu'au bien, mais c'est son bonheur de ne tendre qu'au bien.

Les privations de l'ascète ont sans doute pour but de lui faire acquérir une maîtrise de soi qui lui assure la fidélité au devoir, mais cette maîtrise et cette fidélité sont pour lui le seul bonheur désirable.

Il est chimérique et absurde de rêver d'un bien dont l'obtention ne serait pas accompagnée de bonheur. Il faut donc conserver en morale l'idée d'un bonheur personnel accompagnant l'accomplissement du bien. CONCLUSION.

- Les difficultés que suscite la morale du bonheur personnel nous semblent résulter de ce qu'on spécule sur un bonheur abstrait considéré indépendamment du bien dont il est inséparable.

Mais quand on réintègre le bonheur dans le complexe concret de l'action morale, il n'apparaît plus que comme la face subjective du bonheur. Par suite, il est tout aussi illégitime d'exclure l'idée de bonheur personnel de la vie morale que de prétendre fonder la morale sur la recherche du bonheur.. »

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