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L'homme se réduit-il à son code génétique ?

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« L'homme n'est pas qu'un code génétique: il est un être de culture. La notion de code a une connotation linguistique, mais les biologistes sont bien en peine de définir la syntaxe et la sémantique du vivant. Les macromolécules dans les organismes ne parlent pas plus un langage à travers le code génétique que les sphères célestes à travers les formules de Kepler ou de Newton.

La langue qu'elles parlent n'est pas faite de mots...

tout juste d e signes impersonnels qui ne communiquent rien à personne, mais qui disent quelque chose d'important sur eux-mêmes et les conditions d e leur réception.

Mais l'homme ne se réduit pas à son code génétique, à ce que les sciences biologiques peuvent nous en dire.

L'homme est aussi un être de culture qui semble parler pour dire quelque chose. L'homme se vit comme un sujet autonome. Les psychanalystes répondront que le « sujet » peut bien parler, mais qu'il dit autre chose que ce qu'il croit dire, que « ça » parle à travers lui.

Autrement dit, « ça » parle au lieu d'une personne et il n'y a personne là où l'on attend et entend une personne.

« Ça » parle d'une manière chiffrée et il y a là comme un discours sans sujet et qui ne s'adresse à personne.

Mais ce n'est pas parce que ce que le « sujet » dit n'est pas le discours d e la vérité qu'il faut nier la réalité d e la personne qui se révèle et s'entend dans ses erreurs et ses leurres, mais qui, par là, peut-être advient.

Tout le but d e la cure analytique est, comme l'indique Freud, de faire advenir le « je » : « Wo Es war soll Ich werden » (Là où était le ça, «je » doit advenir).

L'homme n'est pas un objet ou une chose, il est une personne qui imagine, sent, souffre, jouit, qui a des intentions, des projets, qui se vit comme un sujet autonome et responsable.

Les sciences du vivant peuvent bien, par souci méthodologique, éliminer l'expérience subjective de notre intentionnalité, elles n'auront pas le dernier mot. Là où « ça » était, « Je » dois devenir (Freud). Dans la trente et unième des « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse » (1932), intitulé « La décomposition d e la personnalité psychique », Freud décrit le but du traitement psychanalytique par cette formule : « Là où « çà » était, « je » dois devenir », où le « ça » représente l'inconscient.

Il est remarquable que la traduction de la phrase allemande ait prêté à controverses. Pour comprendre l'enjeu de cette phrase, il faut garder à l'esprit que la psychanalyse, avant d'être une discipline, voire une science, est avant tout une thérapie, une façon de guérir des patients. Dans notre texte, Freud affirme « C'est que l'être humain tombe malade en raison du conflit entre les revendications de la vie pulsionnelle et la résistance qui s'élève en lui contre elles ».

La maladie provient d'un conflit entre les normes « éthiques, esthétiques et sociales » et des désirs qui « semblent remonter d'un véritable enfer ». Or ces désirs censurés ne sont pas plus conscients que la censure elle-même.

Le malade subit donc un combat interne dont il n'a ni la maîtrise, ni la connaissance : « La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise d e longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques et, finalement peut dire au moi : « il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta conscience et à la maîtrise de ton vouloir.

» En quoi consiste alors le traitement ? A traduire l'inconscient en conscient : « On ne prête pas assez attention dans cette affaire à un point essentiel, à savoir que le conflit pathogène des névrosés n'est pas comparable à une lutte normale que des tendances psychiques se livrent sur l e m ê m e terrain [...] Il y a lutte entre des forces dont quelques-unes ont atteint la phase du [...] conscient, tandis que les autres n'ont pas dépassé la limite de l'inconscient.

C'est pourquoi le conflit ne peut aboutir que lorsque les deux se retrouvent sur le m ê m e terrain.

Et je crois que la seule tâche de la thérapeutique consiste à rendre cette rencontre possible.

» (« Introduction à la psychanalyse »). Le but de la cure est donc de faire que le patient, au lieu de subir un conflit dont il n'a pas la maîtrise, puisse prendre conscience de celuici.

Un conflit qui existe mais n'est pas posé ne peut être résolu.

Seule la claire conscience des désirs qui agitent le patient, et des choix qu'il doit faire entre ses désirs et ses normes, peut amener à la guérison.

Supprimer le refoulement conduit à remplacer une censure dont je n'ai pas conscience, par un jugement et un choix conscient : « En amenant l'inconscient dans la conscience, nous supprimons les refoulements [...] nous transformons le conflit pathogène en un conflit normal, qui, d'une manière ou d'une autre, finira bien par être résolu.

» Autrement dit, la cure n'a d'autre but que de remplacer chez le patient le ça, l'inconscient, par la conscience.

De favoriser le jugement et le choix et d'éliminer un conflit vécu mais ni connu ni maîtrisé.

Le psychanalyste n'a donc pas à trancher le conflit à la place de son patient, ni à transformer celui-ci.

A l'inverse, il doit permettre à ce dernier sa propre reprise en main.

Là où le patient était un individu scindé, déchiré entre conscience et inconscient , la cure devrait favoriser une réunification du sujet. « Vous vous étiez fait de la guérison du nerveux une autre idée, vous vous étiez figuré, qu'après s'être soumis au travail pénible d'une psychanalyse, il deviendrait un autre homme ; et voilà que je viens vous dire que sa guérison consiste en ce qu'il a un peu plus de conscient et un peu moins d'inconscient qu'auparavant ! Or, vous sous-estimez certainement l'importance d'un changement intérieur de cet ordre.

» Le but du traitement analytique tel que le décrit Freud est de rendre au sujet, déchiré par un conflit dont il n'a pas conscience, la maîtrise de soi.

Loin que la psychanalyse soit une apologie de l'inconscient, elle s'assigne comme but la promotion du sujet, de la conscience, et la réduction du ça, de l'inconscient.

Ni confesseur, ni gourou, le psychanalyste, sachant que tout être humain est d'abord et avant tout un être scindé, déchiré, « décomposé » pour reprendre le mot de Freud, s'efforce de favoriser la recomposition du sujet et l'avènement de la maîtrise de la conscience.. »

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