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L'homme peut-il être toujours raisonnable ?

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« Introduction • Nous sommes ici questionnés non point sur le caractère « rationnel » de l'homme, mais sur sa possibilité d'accéder en permanence, en tous temps et tous lieux, à sa détermination de « raisonnable », ce qui est bien différent et renvoie à l'ordre de l'action.

Le sujet et la personne peuvent-ils, dans la totalité du temps et perpétuellement, de toute façon, quelles que soient les circonstances, être raisonnables, c'est-à-dire soit doués de raison, soit conformes au bon sens ? • L'homme a-t-il toujours ce pouvoir et cette puissance ? Tout le monde raisonne, mais peut-on faire toujours des choses raisonnables ? Et si l'homme contenait, en lui, des puissances dépassant la raison ou le logos ? Le problème est, en définitive, d'accéder à une définition de l'homme.

Quelle est sa véritable essence ? L'enjeu est net Puisque ce qui est mis en jeu, c'est toute la nature de l'homme. C'est notre « nature humaine » qui se trouve mise ici en cause. Discussion A.

L'homme peut toujours être raisonnable (thèse) Comment l'homme n'aurait-il pas, toujours et en toutes circonstances, la possibilité d'être raisonnable ? Dans l'ordre de l'action, l'homme possède une conduite raisonnable lorsque cette dernière est sensée et qu'il est capable d'initiatives volontaires.

Qu'est-ce, en effet, qu'être volontaire ? C'est poser rationnellement une fin et vouloir l'atteindre par des moyens adaptés à cette fin.

Or l'homme est doué de volonté ; il accède à la décision réfléchie.

La volonté est une poursuite délibérée de certaines fins à travers des médiations adaptées à ces fins. Comment ne pourrions-nous toujours et, quelles que soient les circonstances, être raisonnables ? Certes, nous connaissons désirs, passions, émotions, mais l'affectivité peut toujours être subordonnée à la volonté et à la raison.

L'homme est essentiellement raison : voilà ce que nous dit toute la tradition classique.

Si l'homme a toujours le pouvoir d'être raisonnable, d'avoir une conduite sensée, c'est que la raison (logos) influe sur toute sa vie et la modifie.

L'homme est cet être capable de transformer sa nature sensible et son affectivité.

Il peut tout maîtriser et dominer. Ne faut-il pas définir l'homme, selon une tradition classique qui remonte, semble-t-il, à Aristote, comme un « animal raisonnable », possédant la raison comme faculté de discerner le vrai et le bien ? « Les animaux autres que l'homme vivent avant tout suivant la nature, quelques-uns peu nombreux suivent aussi leurs habitudes, mais l'homme suit aussi la raison.

Car seul il a la raison. Si bien qu'il faut harmoniser ces facteurs entre eux.

Car les hommes font beaucoup de choses contre leurs habitudes et leur nature grâce à leur raison, s'ils sont persuadés qu'il vaut mieux procéder autrement.

» (Aristote, Les Politiques, Garnier-Flammarion, 1990) Transition Toutefois; cette définition de l'homme comme animal raisonnable et capable d'initiatives volontaires s'accorde fort peu avec les données de notre expérience. B.

L'homme ne peut toujours être raisonnable (antithèse) L'homme peut toujours être raisonnable car sa conduite n'est pas toujours sensée ou sage.

La raison règle peu fréquemment notre conduite.

Si nous sommes capables d'initiatives volontaires, il faut reconnaître que l'involontaire est souvent en dialectique avec le volontaire.

Il y a une réciprocité de l'involontaire et du volontaire.

Le multiple de l'affect, du désir, de la passion, de l'inconscient, est tout aussi fondamental que le « je veux » et que l'initiative volontaire.

Je ne décide pas toujours.

L'involontaire nourrit le volontaire ; n'est-il pas fréquemment sa source ? Donc l'homme n'est pas toujours raisonnable, et ce parce que les puissances crépusculaires de l'inconscient ou du désir, ne dérivant pas d'une activité rationnelle, le définissent tout autant que le logos.

La nappe abyssale de notre psyché, la mer de l'irrationnel présente en nous conduisent à une définition de l'homme autre que celle de « l'animal raisonnable ».

L'involontaire de l'inconscient ou du caractère est tout aussi fondamental que le logos ou la clarté rationnelle.

L'homme est un animal ubrique, fou, voué au désordre et aux crises. Transition Peut-on toutefois définir l'homme de manière unidimensionnelle ? L'originalité profonde de l'homme n'est-elle pas dans son principe d'unité ? La thèse et l'antithèse n'appellent-elles pas un regroupement unitaire ? Si l'involontaire nourrit le volontaire, n'y a-t-il pas une réciprocité entre l'un et l'autre ? C.

L'homme comme sapiens/demens (synthèse) Si la thèse voit dans l'homme un animal doué de raison, l'antithèse nous met en face de l'« ubris » et de la déraison de l'homme, cet animal voué au vertige, à l'excès, à la folie.

Comment l'homme pourrait-il être toujours raisonnable, alors que ce qui le caractérise, c'est le surgissement de la démesure et l'importance de l'involontaire ? L'homme est sapiens, sage, raisonnable, mais il est aussi ce meurtrier et ce destructeur, cet être porté à l'excès, bien davantage que les animaux. Alors la synthèse s'impose : l'homme est un sapiens/demens ; en lui désordre et ordre sont complémentaires, s'enchaînent et s'entremêlent.

Une nouvelle définition de l'homme surgit, qui donne sens à notre sujet : l'homme n'est pas un animal raisonnable.

Il est simultanément sapiens, raisonnable, et demens, fou.

Dans la raison, il y a la déraison et réciproquement : « On ne peut plus opposer substantiellement, abstraitement, raison et folie.

Il nous faut, au contraire, surimposer au visage sérieux, travailleur, appliqué d'homo sapiens le visage [...] d' homo demens.

L'homme est fou-sage.

» (E.

Morin, Le Paradigme perdu : la Nature humaine, Seuil) Comment l'homme pourrait-il être toujours raisonnable, puisque sa définition même implique de la folie et de la démesure ? Conclusion Nous savons maintenant que l'homme ne peut être toujours apte au contrôle de lui-même et à l'organisation.

Cet être voué à la mort et à la folie tout autant qu'il est défini et délimité par le logos est déraisonnable, incontrôlé, destructeur.

Il est sage, mais également fou.. »

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