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l'historien est-il homme de science ?

Extrait du document

« Pendant des siècles, l'histoire a été considérée sous un angle littéraire et apologétique.

L'histoire était vue comme récit d'un passé humain, monumental, dramatique ou merveilleux.

Mais plus récemment en Occident, l'histoire a voulu s'émanciper de la littérature, du voisinage de la légende et des mythes.

Elle a commencé par se soucier de chronologie et d'exactitude des faits rapportés.

Au XIXème siècle on a même essayé de fonder le concept de « science historique ».

Pour l'histoire, ce qui importe, c'est le souci de la vérité et même de l'objectivité.

Est-ce là un mouvement nécessaire ? Savons-nous mieux aujourd'hui ce qu'est l'histoire que ne le savaient les premiers historiens ? Faut-il définir l'histoire comme une science ou la considérer comme un genre qui relève de la littérature ? Qu'est-ce que l'histoire ? L'histoire comme récit : · Peut-on considérer l'histoire comme un genre appartenant essentiellement à la littérature ? Il est vrai qu'elle se présente à nous sous une forme qui est celle du récit.

Après tout, le récit est une catégorie littéraire aux côtés du roman de la poésie ou de l'essai.

Un historien est nécessairement un écrivain.

La narration fait de l'histoire une forme littéraire à part entière, dans une langue et suivant des règles qui sont celles de la forme du récit.

Le genre historique se définit par son objet, le récit des événements du passé. Mais il y a récit et récit.

A côté de l'histoire existe aussi la légende qui est un récit qui recourt davantage à l'imaginaire.

La légende tisse de romanesque ce qu'elle emprunte parfois à une trame historique, elle fabrique le héros à partir de l'homme historique.

La légende frappe l'imagination et parle à l'inconscient collectif d'un peuple.

Le mythe joue un rôle similaire, en évoquant le mystère des origines, les puissances de la nature, dans un langage imagé et symbolique.

Ce qui différencie le mythe et la légende de l'histoire, c'est cette dimension symbolique à laquelle ils font appel, tandis que l'histoire elle, - telle que nous la voyons aujourd'hui - reste davantage factuelle.

Le conte populaire n'a pas l'ambition des mythes fondateurs d'une société, mais il véhicule aussi plus que le simple récit historique.

L'imagination populaire développe dans les contes des symboles qui, par exemple, mettent en images les figures du Bien et du mal, du destin, des puissances magiques etc.

Sa vocation est de transmettre une tradition orale de génération en génération, cette tradition qui cimente la culture populaire. · Les premiers historiens avaient-ils eux-mêmes le sens de ces distinctions ? Non.

Pas plus qu'ils n'avaient l'idée de dissocier entièrement les catégories « littérature » et « savoir ».

Le conte, la légende, le mythe ont une fonction d'enseignement.

L'histoire aussi.

Ce qui fait la spécificité de l'histoire, c'est qu'elle s'attache à raconter le cours des événements humains et particulièrement de ceux qui ont été considéré comme mémorables.

Hérodote, un des premiers historiens grecs, commence son récit par la déclaration : « voici l'exposé de l'enquête entreprise par Hérodote d'Halicarnasse pour empêcher que les actions accomplies par les hommes ne s'effacent avec le temps ».

Le mot grec istoria signifie enquête au sujet de et non histoire.

Il n'y a pas de mot pour désigner l'histoire chez les grecs.

Dans l'antiquité on parlait cependant de « récits ».

Le récit a pour mission de combler les lacunes engendrées pas le temps, l'historien par définition assumant le devoir de mémoire à l'égard du passé.

Parce que le temps est un facteur de disparition, parce que le temps amène l'oubli, dilapide le passé, il faut que l'homme, soucieux de sauver le passé, restaure sa mémoire.

L'histoire se doit de construire une mémoire inaltérable.

La vocation première de l'histoire est d'apporter une pérennité au passé.

Le récit historique s'efforce de rétablir la trame des événements dans leur succession et d'être une mémoire fidèle. · La catégorie du récit, en tant que récit du passé, implique aussi une détermination précise de ce que sera le fait historique.

Il ne s'agit pas de raconter n'importe quoi, ni de tout raconter.

La vie de Louis XIV, du point de vue de l'historien, est du matin au soir historique, car tout ce que le roi décidait avait une incidence sur la nation.

Ce que faisait du matin au soir un cardinal de l'évêché nous importe peu.

Qu'il y ait eu le 14 juillet 1789 un accident sur un pont de Paris ne constitue pas un événement historique.

Par contre la prise de la Bastille en est un.

N'importe quel événement n'est pas d'emblée considéré comme un fait historique, il faut encore que par son retentissement il atteigne un seuil d'historicité qui le rende digne de figurer dans l'histoire.

Il appartient à l'historien de discerner, dans la poussière des innombrables faits qu'enveloppe l'Histoire, ceux qui méritent d'être racontés parce qu'ils sont particulièrement significatifs de ceux qui n'ont pas grande valeur. Or, pendant très longtemps, l'histoire n'a retenu à titre de faits que des actions politiques et n'a reçu comme acteurs de l'histoire que des hommes politiques.

Ce n'est que tout récemment, avec la Nouvelle histoire de l'Ecole des Annales, que les formes d'histoires se sont multipliées.

On a créé une histoire des mentalités, une histoire des peuples, une histoire de l'art, etc.

Ce qui a élargi le champ des faits historiques au delà de la sphère strictement politique.

Mais, dira-t-on, cela ne change pas encore la définition de l'histoire, puisqu'elle reste un récit littéraire portant sur le passé humain. Il y a cependant une objection qu'avancent les historiens.

Nous faisons, disent-ils, une différence entre ce qui relève du travail d'historien et ce qui relève du roman historique.

Certains travaux sont considérés comme compétents et d'autres non.

Il existe un corps de spécialistes disposant de méthodes propres qui sont les historiens.

Nous ne pouvons pas nous en tenir à l'idée que l'histoire se définit comme un récit portant sur le passé humain.

Il y a une nette différence entre l'histoire et la légende, entre l'histoire et le mythe.

Il y a dans le récit historique une volonté de recherche de la vérité du passé et pas seulement une démarche littéraire.. »

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