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L'histoire nous conduit-elle à désespérer des hommes ?

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« Si nous étudions l'histoire comme le fait Rousseau, nous constatons que l'histoire a suivi un cours violent, que l'inégalité s'est aggravée, mais nous constatons aussi que le retour à l'état de nature est impossible.

L'homme que nous étudions est un être toujours civilisé, un être qui appartient à une civilisation, qui vit en société.

La question de savoir si l'histoire nous conduit à désespérer des hommes, nous interroge sur notre vision du monde et de la conduite des hommes : devons-nous perdre espoir, perdre confiance, nous décourager, et envisager l'avenir pire qu'il n'est aujourd'hui ? Y a-t-il au contraire possibilité d'un progrès ? Se pose ici le problème du sens et de la valeur de l'histoire. Spontanément, si nous n'auscultons que notre siècle, nous répondrons que les massacres de la Première Guerre mondiale, ceux de la Deuxième Guerre mondiale, la Shoah – extermination programmée des Juifs –, la guerre d'Algérie, du Viêt-nam, les multiples guerres de la fin du XXe siècle, les essais nucléaires intempestifs, la déforestation, l'exploitation des enfants, etc., ne conduisent pas à espérer en l'homme.

L'histoire semble plutôt s'accélérer dangereusement, au détriment de l'humanité dont on pourrait même penser qu'elle se suicide. «Il n'y a pas de leçons de l'histoire », disait Hegel. "L'expérience et l'histoire nous enseignent que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire, qu'ils n'ont jamais agi suivant les maximes qu'on aurait pu en tirer.

Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme une situation si particulière, que c'est seulement en fonction de cette situation unique qu'il doit se décider : les grands caractères sont précisément ceux qui, chaque fois, ont trouvé la solution appropriée. Dans le tumulte des événements du monde, une maxime générale est d'aussi peu de secours que le souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé, car un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent ; il n'a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l'actualité." Georg W.

E Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire (1837), trad.'. Gibelin, Vrin Ce texte d'Hegel tient à revenir sur un préjugé admis par le sens commun et qui consiste à dire que l'histoire nous donne des leçons, que nous pouvons « tirer des leçons de l'histoire ».

Une telle idée suppose que l'histoire puisse nous offrir un enseignement comparable à celui qu'un physicien tire de la nature quand il établit les lois qui la régissent. Or, selon Hegel, « l'expérience et l'histoire nous enseignent que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire ».

C'est là le seul véritable enseignement de l'histoire et il est paradoxal, puisqu'il porte sur sa propre négation.

Autrement dit, l'Histoire nous enseigne qu'elle ne nous enseigne rien.

Les peuples et leurs gouvernants n'ont, en effet, jamais agi suivant les règles d'action (ou « maximes ») qu'ils auraient pu tirer des événements du passé, car pour que de telles maximes aient quelque valeur et efficacité, il faudrait qu'elles soient générales et puissent s'appliquer à toute situation future qui présenterait les mêmes conditions que la situation passée. Or cela n'est pas possible, car « chaque époque, chaque peuple, se trouve dans des conditions si particulières, forme une situation si particulière, que c'est seulement en fonction de cette situation unique qu'il doit se décider ». Ainsi, c'est la singularité et l'originalité de chaque époque qui empêchent d'opérer des généralisations, d'établir de prétendues règles ou lois générales d'action, car les faits historiques sont absolument uniques.

¦ Hegel s'oppose ici à une certaine manière d'utiliser l'histoire, celle qui consiste à justifier une politique en s'appuyant sur les prétendues leçons du passé.

La thèse selon laquelle de telles leçons existent permettrait pourtant de répondre à la question : comment les grands hommes de l'histoire ont-ils fait pour réussir les coups d'éclat que celle-ci retient d'eux et qui ont fait leur grandeur ? La réponse ordinaire consistait à affirmer qu'ils ont su tirer parti des leçons de l'histoire, par une lecture attentive de ses mécanismes et de ses enseignements. À l'appui de cette réponse, on cite souvent les exemples de personnages historiques qui ont su, dit-on, utiliser les fruits de cet enseignement.

Le prince Laurent de Médicis, par exemple, régnant sur Florence, en Italie, sut profiter de la clairvoyante analyse que fit Machiavel des mécanismes politiques, dans on ouvrage Le Prince, au XV` siècle. En outre, en Europe, à l'époque où Hegel écrit le texte dont est présenté ici un extrait, on admire déjà Napoléon Bonaparte pour la lucidité de ses décisions, et l'on affirmera bientôt que la réussite de ses conquêtes est en partie liée à la lecture attentive qu'il fit des exploits. »

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