l'histoire est-elle une science ?
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«
RAPPEL DE COURS: HISTOIRE ET SCIENTIFICITE ?
C'est la question de l'objectivité de l'histoire.
L'histoire ne peut être une science
exacte ou expérimentale, comme la physique.
En effet, « l'histoire ne repasse pas
les plats », c'est-à-dire qu'elle ne se répète pas, et qu'on ne peut y reproduire une
expérience.
Elle est donc une science « morale » ou « humaine », qui repose sur le travail de
l'historien.
C'est la déontologie de l'historien, c'est-à-dire le respect de règles
professionnelles, qui fonde sa valeur scientifique.
Par exemple, l'historien doit
recouper des témoignages différents sur un même événement, et non s'appuyer
sur un seul témoin.
Il doit aussi vérifier l'authenticité d'un document, ou justifier
son interprétation.
Mais le risque de subjectivité est grand.
« L'histoire jus tifie ce que l'on veut », dit
Paul Valéry, et il est vrai que les choix politiques ou moraux de l'historien peuvent
influencer ses interprétations.
L'histoire se transforme alors en justification du
présent (Lévi-Strauss).
Ce risque donne une responsabilité d'autant plus grande à
l'historien : « Toute histoire est choix » (Henri Fèbvre).
La notion d'histoire prend des sens multiples et elle est donc ambiguë.
Mais cette ambiguïté n'est pas forcément un défaut : elle révèle
l'ambiguïté de l'histoire elle-même.
En effet, le terme histoire désigne tout à la fois le devenir historique et la connaissance qu'on en
prend.
Le mot histoire vient du grec historia qui a le sens d'enquête et de histôr qui désigne le témoin.
C'est ce premier sens d'enquête
que retient Hérodote pour présenter son oeuvre : "voici l'exposé de l'enquête entreprise par Hérodote pour empêcher que les actions
accomplies par les hommes ne s'effacent avec le temps".
Ce terme d'enquête laisse entendre une méthode rigoureuse qui se rattache à
l'objectivité de la science.
Et cependant l'histoire, c'est aussi un récit sur ce qui n'est plus et qui n'est plus vérifiable.
La connaissance
historique ne fait-elle pas appel à une subjectivité absente a priori de toute science? Mais l'histoire peut-elle se réduire à une narration
imaginaire? Le terme de "science" ne s'applique-t-il qu'aux sciences de la nature?
1.
L'histoire a une méthode scientifique
L'histoire consiste, comme toute science, à constater des faits, à les analyser, à établir entre eux des rapports et à dégager des lois.
L'histoire se veut en effet une explication rationnelle du passé.
La nature, par exemple, objet des sciences dites classiques telles que la
physique ou la chimie, n'est pas rationnelle, mais elle est susceptible d'être rationnellement expliquée.
Il en est de même pour l'histoire
qui, à ce titre, est la conceptualisation scientifique du temps social.
L'historien essaie aussi donc d'établir des lois en histoire.
Pourtant ce concept appliqué au domaine historique pose problème : en effet,
l'événement étudié par l'historien n'est pas le cas particulier d'une loi générale.
Mais cependant il peut y a avoir un certain type de loi
historique qui n'est pas forcément étrangère aux lois de type scientifique.
L'histoire propose des explications à partir de lois d'ordre
sociologique et économique et il est bien évident qu'on ne peut méconnaître l'importance des mouvements sociaux et d e la vie
économique dans la genèse des faits historiques.
2.
L'histoire ne peut subir aucune vérification et se juge à l'aune de la mentalité d'une époque
L'observation directe est impossible en histoire car le passé n'est plus et ne sera plus jamais.
Il n'y a donc pas de lois qui puissent être
soumises à l'expérience.
Nous ne disposons ainsi d'aucun moyen pour juger de la vérité du discours de l'historien, parce qu'il n'est
possible de juger les autres époques qu'à travers un présent qui trouble notre connaissance.
Dans la masse des faits du passé, l'historien
est obligé de faire des choix et il est obligé de reconstruire une histoire continue à travers un matériau divers et fragmentaire.
C'est pour
cela qu'Anatole France affirme que "l'histoire n'est pas une science, mais un art.
On n'y réussit que par l'imagination."
De plus, le déterminisme scientifique implique que les mêmes causes produisent le mêmes effets.
Or ceci ne peut absolument pas être
établi en histoire.
La causalité suppose des rapports constants et les faits historiques sont uniques.
De plus, pour que l'historien soit objectif, il faudrait, selon Fénelon, qu'il ne soit d'aucun temps, ni d'aucun pays.
Or, toute conscience de
l'histoire est une conscience dans l'histoire.
Les historiens de métier transcendent l'actualité dans laquelle ils vivent et qui "traitent le plus
reculé comme actuel en esprit." Cela pose en effet un problème, l'auteur appartient à une culture déterminée différente de celle des
époques dont il traite.
Il semble que tout fait historique échappe à la vérité objective puisque sa vérité dépend de la mentalité qui la
reçoit.
3.
L'histoire n'est pas seulement un récit imaginaire
On ne peut cependant pas dire que l'histoire n'est qu'une activité littéraire, qui ait seulement avoir avec l'imagination et le talent d'écrivain
de l'historien.
Le caractère personnel et relativement arbitraire des choix et donc de la production des faits historiques n'enlève toutefois
pas à l'histoire sa nature scientifique.
Certes, le savoir historique ne vise pas une objectivité comparable à celle des sciences de la nature,
et l'historien ne s'efface jamais totalement derrière les documents.
Toutefois, l'établissement des faits historiques s'appuie sur des règles
de recherche très strictes telles que la critique des documents, la multiplicité concordante des témoignages, qui font de l'histoire une
connaissance vraie et valide.
L'orientation des recherches dépendent des vues personnelles de l'historien.
En définitive, subjectivité et objectivité sont, en histoire, dans
un rapport étroit.
Mais il interroge le document et le force à parler.
L'histoire ne doit pas en être disqualifiée comme science : "L'apparente
servitude de l'historien de n'être jamais devant un objet passé, mais devant sa trace ne disqualifie nullement l'histoire en tant que
science"( Ricoeur, Histoire et vérité)
De plus, l'échec relatif de l'histoire de se constituer sur le modèle des sciences de la nature n'est pas à déplorer.
Cela signifie en effet que
l'histoire n'est pas un éternel recommencement dont on pourrait par des lois, prévoir le déroulement.
C e qui laisse la possibilité de
concevoir pour l'homme, l'histoire comme un champs de possibilité et d'actions.
Les historiens du XIXème siècle rêvaient de faire de l'histoire une science objective.
Il apparaît néanmoins aujourd'hui que ce but est
inaccessible.
En effet, la subjectivité de l'historien intervient à plusieurs niveaux notamment dans l'établissement des critères qui président
au choix des événements.
Mais aussi parce que l'histoire se penche sur des faits qui ne se caractérisent par leur singularité.
L'historien ne
peut donc ni établir des lois, ni prévoir l'avenir.
Mais seulement n'empêche par qu'il puisse établir les faits de manière rigoureuse et
chercher à enchaîner les événements, en mettant au jour les causes singulières de la succession.
L'histoire est donc une science originale
qui noue objectivité et subjectivité pour approcher une réalité qui a cessé d'être.
Approfondissement de ce corrigé: http://www.devoir-de-philosophie.com/passup-corriges-5910b.html.
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