Aide en Philo

L'Histoire est-elle une science ?

Extrait du document

« RAPPEL DE COURS: HISTOIRE ET SCIENTIFICITE ? C 'es t la question de l'ob jectivité d e l'histoire.

L'histoire ne peut être une science ex acte ou expérimentale, comme la physique.

En effet, « l'histoire ne repasse pas les plats », c'est-àdire qu'elle ne se répète pas, et qu'on ne peut y reproduire une expérience. Elle e st donc une science « morale » ou « humaine », qui repose sur le travail de l'historien. C 'est la déontologie de l'historien, c'est-à-dire le respect de règles professionnelles, qui fonde sa valeur scientifique.

P ar exemple, l'historien doit recouper des témoignages différents sur un même événement, et non s'appuyer sur un seul témoin.

I l doit a u s s i vérifier l'authenticité d'un document, ou justifier son interprétation. Mais le risque de subjec tivité est grand.

« L'histoire justifie ce que l'on veut », dit P aul V aléry, et il est vrai que les choix politiques ou moraux de l'historien peuvent influencer s e s interprétations.

L'histoire se transforme alors en justification du présent (Lévi-Strauss).

C e risque donne une responsabilité d'autant plus grande à l'historien : « T oute histoire est choix » (Henri Fèbvre). L'historien et le scientifique partagent la même ambition : délivrer une vérité sur l'objet qu'ils étudient, qu'il s'agisse du déroulement d'une campagne napoléonienne ou de la structure de l'atome, le but est donc le même.

C ependant, nous ne rangeons pas spontanément l'histoire parmi les sciences.

Les outils dont elle dispose et le but qu'elle se propose paraissent pourtant témoigner de son caractère scientifique, il reste à se demander si ce dernier est suffisamment solide pour que l'histoire puisse être qualifiée de science, ou bien si une telle qualification doit demeurer simplement métaphorique. I - La démarche de l'historien est scientifique. C omme le scientifique, l'historien doit aborder l'étude de son objet avec une neutralité d'esprit, il doit se débarrasser de ses présupposés et chercher à rétablir des faits passés en tentant de les recouvrir de la signification la plus pertinente.

C omme chez l'homme de science, cette désubjectivation n'est pas un geste aisé mais un véritable travail sur soi, Duhem a montré combien il était difficile pour le scientifique de se rapporter à des faits sans le moindre présupposé théorique.

Il en va de même pour l'historien ; il est en effet difficile de parvenir à adopter à coup sûr le point de vue de C ircée. L e s travaux de l'historien partagent donc avec ceux du scientifique, la même visée, celle de d'atteindre une vérité, et, comme les travaux scientifiques, ceux de l'historien s'exposent à la contestation de ses confrères.

Le conflit porte souvent, moins sur le contenu que sur le point de vue adopté sur les événements, ce qui fait dire à Ferdinand Braudel dans ses Ecrits sur l'histoire, que les travaux de l'historien nous révèlent bien plus le présent que le passé.

En effet, on peut considérer que notre lecture du passé trahit quelque chose de nos conceptions présentes.

L'activité de l'historien ne consiste donc pas seulement à chercher des éléments enfouis du passé mais également lire et interpréter ceux que l'on connaît ; l'activité du scientifique consiste elle aussi pour une part à donner un sens aux expériences, à les interpréter dans le cadre d'une théorie. Enfin, le trait scientifique le plus saillant du travail de l'historien se laisse saisir dans cette obligation qu'il y a à vérifier les faits.

Tandis que le mathématicien refait ses calculs, le physicien vérifie le protocole de l'expérience, le chimiste s'assure d'une expérience témoin, l'historien lui cherche à recouper les faits en multipliant ses sources.

Sa démarche est donc typiquement scientifique et consiste à vérifier des hypothèses en réunissant un maximum d'éléments objectifs pour les infirmer ou les confirmer. II- La science au service de l'histoire. Mais, que l'histoire se donne un but scientifique ne signifie pas encore qu'elle soit pleinement une science.

L'étude des moyens dont elle dispose nous permet néanmoins de penser que l'histoire est bien une science.

Dans Dimensions de la conscience historique, A ron montre que c'est souvent par calcul et déduction que l'historien parvient à fixer, par exemple, le nombre de combattants dans une bataille.

C e dernier n'est pas consigné dans un document ancien mais déduit à partir des lois de conscription en vigueur à l'époque et d'une estimation de la population. Il est significatif que l'évolutionnisme était nommé Histoire naturelle au XIXe siècle, celle-ci, développée par Lamarck puis Darwin, s'appuyait sur des outils scientifiques comme le calcul des probabilités.

C ela témoigne d'une conciliation intitutionnelle de l'histoire et de la science.

L'histoire des peuples et des hommes s'aide également d'outils scientifiques : on détermine par exemple l'ancienneté d'ossements grâce à la technique chimique de la datation au carbone 14.

Dans son Essai sur nos connaissances et les caractères de la critique philosophique, C ournot montre que l'astronomie, grâce à ses tables, peut permettre de déterminer la date d'un événement passé, s'il est de notoriété que celui-ci se soit déroulé à peu près au même moment que telle manifestation céleste, auxquelles les anciens étaient très attentifs. Toutefois, dans cet ouvrage, C ournot ne parle que d'une alliance entre l'histoire et la science, l'une et l'autre peuvent s'éclairer mais ne se confondent pas pour autant.

La science peut seconder l'historien, celui-ci peut tout autant éclairer la science, par exemple la mise en place d'étalon de mesure est arbitraire et son étude relève de l'histoire.

Mais pour Cournot, il n'est d'histoire scientifique que si l'on adopte un langage métaphorique, pour quelle raison faut-il refuser à l'histoire le statut de science ? III- L'histoire, entre art et science. Lorsque le scientifique étudie un système physique, chimique ou biologique, il dispose de la situation initiale et de la situation finale.

Or, C ournot remarque que, lorsque l'on cherche à connaître le passé, la situation initiale fait précisément défaut et c'est elle qu'il faut chercher à reconstituer.

Or, comme il l'écrit « le présent n'est pas gros du passé », les traces du passé dans le présent sont non seulement lacunaires mais ne permettent pas de déduction aisée.

C ournot écrit à une époque où l'on commence à prendre conscience, grâce à l'étude des gaz notamment, de la disproportion possible de la cause et de l'effet.

A utrement dit, il n'existe pas de causalité linéaire dans les systèmes complexes, or l'histoire des hommes constitue évidement un système complexe. La reconstitution du passé consiste donc, plus qu'à retrouver objectivement le passé, à déduire un sens à partir d'un minimum d'éléments.

Le travail de l'historien consiste à lier des éléments éparpillés en leur donnant une allure, un sens.

Selon C ournot l'histoire relève plus de l'art que de la science, en cela que l'historien, pour souligner le sens d'une série de faits passés, doit s'appuyer sur son imagination, convaincre avec son style, bref, suppléer aux ressources scientifiques du dessin (courbes, signes, calculs) par celles de la langue. Il doit donc mettre sa subjectivité au service de l'objectivité, loin que les deux entrent en conflit, elles doivent s'allier le mieux possible.

Paul Ricœur défend cette idée dans Histoire et vérité ; une réflexion sur le travail de l'historien permet donc de penser par delà les partages préétablis, ici entre subjectivité et objectivité.

Ignorer la nécessité d'une telle alliance c'est demeurer dans la croyance utopique d'une histoire qui puisse être de part en part objective, bref, d'une histoire qui puisse être réellement scientifique. Conclusion : Nous avons vu que l'histoire partage avec la science la même prétention, elles visent toutes deux la vérité.

T outefois, nombre d'activités visent la vérité sans pour autant relever de la science.

Le travail de l'historien peut bien être appuyé par des méthodes scientifiques, il n'en demeure pas moins qu'il revêt une dimension non scientifique.

Ainsi lorsqu'il s'agit de faire ressortir le sens du passé, l'historien est tenu de s'appuyer sur des moyens appartenant davantage à l'art.

Sa subjectivité ne doit pas être conçue comme un appauvrissement de l'objectivité visée mais comme le seul moyen possible pour supporter celle-ci, pour la traduire et l'exprimer.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles