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L'existence est-elle prisonnière du temps ?

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« APPROCHE: Exister, c'est faire l'expérience de cette déchirure qui consiste à ne pas pouvoir se tenir avec certitude en soi comme nous en donne l'illusion réconfortante de l'animal ou de la chose qui reste identique à euxmêmes (ils changent mais sans s'en rendre compte).

On peut bien dire qu'ils existent mais de telle sorte que l'existence n'est jamais chez eux mise en question.

À l'inverse, l'existence humaine n'est pas une simple possibilité que le devenir actualisera ; elle est prise dans ce devenir temporel qui épuise les projets, les rend caducs, et nous destine à l'inexistence.

Dès lors exister, compte tenu de la fuite du temps, est un fardeau : prisonnière du temps, l'existence ne peut s'émanciper ni de son irréductibilité (comme l'expérience de l'attente nous la manifeste), ni de son irréversibilité que la mémoire des souvenirs anciens ne peut que compenser.

D'où la possible angoisse relative au sens de l'existence de cet « être pour la mort » qu'est l'homme, tel que le définit le philosophe Martin Heidegger : « Dans l'angoisse, l'existant dans son ensemble devient branlant.

» Si l'angoisse révèle le caractère irrationnel du fait de l'existence, si les raisons de vivre ne sont jamais que celles que nous lui donnons, fragiles, éphémères, variables compte tenu du temps qui nous fait changer, l'existence est-elle pour autant condamner à être existence angoissée ? Regarder en face la précarité de l'existence et l'assumer plutôt que de nier l'action du temps permet, comme le dit Épicure, de « ne pas différer le moment de jouir ».

L'existence heureuse suppose une réflexion de l'existence qui combat les opinions superstitieuses et trompeuses, lesquelles nourrissent la crainte de la mort.

Comme le souligne le préambule de la Lettre à Ménécée, l'existence philosophique apparaît comme la condition de l'existence heureuse, et celle-ci n'est d'aucun temps en particulier.

Il est toujours temps de philosopher car il est toujours temps d'être heureux et l'exercice de la philosophie commence alors par une réflexion sur les différents âges de l'homme, sur les différents temps de l'existence, ainsi que sur les plaisirs spécifiques qui les accompagnent.

Aussi Épicure prescrit-il au jeune homme de faire provision de plaisirs plutôt que de reporter à plus tard, au gré de mille projets, le moment d'être heureux.

Inversement le vieillard, dont les troubles du corps empêchent la jouissance présente que peut connaître le jeune homme, est invité à « se remémorer les jours agréables » et les plaisirs passés tant le souvenir du plaisir est encore un plaisir.

D'un âge à l'autre, le sens de l'existence est le même, tout entier déterminé par la recherche du bonheur.

Respecter les temps de l'existence (ne pas vouloir, par exemple, étant âgé, rechercher les plaisirs de la jeunesse) pour libérer l'existence de l'emprise du temps, tel est le mot d'ordre du sage épicurien qui, sachant se suffire à lui-même, n'est plus troublé par et dans l'existence. INTRODUCTION: La mémoire nous confronte à l'irréversibilité du temps : le passé ne reviendra jamais.

L'avenir, lui, occupe notre pensée quand nous réfléchissons à ce que nous allons faire demain.

N'est-ce pas le présent que l'on oublie? Mais le passé n'est que dans le présent de nos souvenirs et l'avenir dans le présent de nos projets.

Le présent est le seul temps réel.

Exister suppose d'accepter de vivre dans l'imminente disparition du présent. 1.

L'instant, l'être et la valeur • Bachelard écrit, dans L'intuition de l'instant : «L'instant présent est le seul domaine où la réalité s'éprouve.» Nous croyons que nous pouvons nous donner une représentation un peu solide et cohérente du passé et de l'avenir, donc de les tenir en notre pouvoir.

Mais « ce qui est plus mort que la mort est ce qui vient de disparaître», car nous ne pouvons garder intact et dans toute son individualité l'instant qui vient de s'échapper.

C'est alors comme si tout l'être était ramassé sur la fine pointe de l'instant entre deux néants.

Et si l'instant était l'unique réalité de l'existence? Il nous faut accepter que le temps d'une vie soit aussi fait de la mort des instants vécus. • Pour Jankélévitch, la mort est ce qui donne sa valeur à la vie, elle fait de tout instant un moment précieux qui ne sera qu'une fois, de toute personne un être irremplaçable.

La valeur d'une chose tenant à sa possible disparition, l'être et la valeur s'opposent.

S'il n'y avait que du présent pur, on ne pourrait pas s'en détacher ni le comparer à rien, il n'aurait ni valeur ni signification.

Le présent est donc comme destiné à périr, mais c'est ce qui fonde la valeur de l'existence. 11.

Vivre au présent? • Nous ne supportons pas d'exister comme si chaque instant, à nul autre pareil, engageait tout notre être.

Nous nous divertissons, en ne cessant de nous projeter dans le futur, comme une fuite.

Pascal écrit : "Nous ne nous tenons jamais au temps présent.

Nous anticipons l'avenir comme trop lent venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.

C'est que le présent, d'ordinaire, nous, blesse.

Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige et s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper.

Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.

Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l'avenir.

Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en. »

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