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Sous quel signe le temps place-t-il notre existence ?

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« Non seulement le temps place notre existence sous le signe de l'irréversible, mais il éveille en nous la possibilité d'une conscience morale : je me reproche mon passé parce que je ne peux rien faire pour annuler les erreurs que j'ai commises. Parce que le temps est irréversible, je crains mon avenir et je porte le poids de mon passé ; parce que mon présent sera bientôt un passé sur lequel je n'aurai aucune prise, je suis amené à me soucier de ma vie. Le temps • Distinguez bien le temps, comme changement perpétuel qui transforme le présent en passé (§ 1), du temps conçu comme milieu indéfini (sur le modèle de l'espace) dans lequel les événements se déroulent (§ 6 et 7).

Vous avez là deux visions bien différentes du temps. • Le temps, conçu comme changement continuel transformant le présent en passé, est privation d'être (§ 2), irréversibilité (§ 3), et contient la mort (§ 4).

Le désir d'éternité (§ 5) ne se comprend que par refus de la décevante temporalité. • Mais le temps humain représente aussi un milieu indéfini analogue à l'espace (§ 6).

La description kantienne se situe dans cette perspective (§ 7). • Néanmoins, l'irréversibilité du temps ne peut jamais être dépassée, comme le montre l'analyse de la causalité kantienne (§ 8). • Si le temps représente bien l'irréversibilité, néanmoins comme temps de l'histoire (Hegel, § 9) et du projet humain (Sartre, § 10), il se révèle comme une face de la liberté humaine : il n'est pas seulement ce qui nous fait et défait, mais aussi un pouvoir de l'homme. I — Le mystère du temps Le temps, défini tout d'abord comme ce changement perpétuel qui transforme le présent en passé, se présente à nous comme un mystère.

C'est une énigme où la pensée se perd. « Comment donc, ces deux temps, le passé et l'avenir, sont-ils, puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore? Quant au présent, s'il était toujours présent, s'il n'allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l'éternité.

Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu'il est aussi, lui qui ne peut être qu'en cessant d'être.» (Saint Augustin, Les Confessions) II — Le temps est privation d'être Tout le mystère du temps ne résiderait-il point précisément en cette étrange privation d'être qui le caractérise? Ainsi, affirmait déjà Aristote, ce n'est point la plénitude de l'Être qu'il révèle, mais, tout au contraire, il est un nonêtre, une vacuité.

un manque d'Être. « Que d'abord il n'existe absolument pas, ou n'a qu'une existence imparfaite et obscure, on peut le supposer d'après ce qui suit : pour une part il a été et n'est plus, pour l'autre, il va être et n'est pas encore...

Or ce qui est composé de non-être semble ne pouvoir pas participer à la Substance.» (Aristote, Physique) III — Le temps, marque de mon impuissance : irréversibilité Dès lors, le temps, non-être et privation, me révèle peut-être mon impuissance et mes limites.

C'est ce qu'affirmait le philosophe Lagneau, en une formule célèbre : «Temps, marque de mon impuissance.

Étendue, de ma puissance.» Si le temps me signale mes manques et mon impuissance, n'est-ce point, fondamentalement, en raison de l'irréversibilité qui est sienne? Si l'espace est réversible (je vais de A en B et de B en A), le temps, lui, est changement irréversible.

Tout s'écoule, tout passe : telle est une des premières constatations humaines.

Ceux qui descendent dans le même fleuve, se baignent dans le courant d'une eau toujours nouvelle, disait Héraclite. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.

HÉRACLITE Héraclite défend une conception du monde selon laquelle le monde est en éternel devenir, en éternel changement et; pour nous le faire comprendre, prend l'image du fleuve toujours changeant. «Le temps se manifeste à moi dans l'irréversibilité des changements : il est le caractère qu'ont les changements d'être irréversibles.

» (F.

Alquié, le Désir d'éternité, PUF, 1960) IV — Le temps, marque de mon impuissance : la mort Mais le temps consacre aussi mon impuissance par la mort qu'il contient en lui.

Car l'irréversibilité du temps n'est sans doute que l'autre face de la mort.

Tout le mystère de l'irréversible renvoie à cette corruption temporelle qui frappa si profondément les Grecs.

La temporalité, en me séparant de moi-même, en me divisant, fait pénétrer la dissolution au plus profond du coeur de l'homme.

La mort est, par le temps, au centre de la vie même.. »

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