L'ÉTAT RESTREINT-IL LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE ?
Publié le 16/10/2022
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«
COMPÉTENCE II : TRAITER UNE SITUATION RELATIVE AUX
CONDITIONS DE L’HOMME DANS LA SOCIETE
THÈME : LES CONDITIONS DE LA LIBERTÉ
LEÇON 2 : LA VIE EN SOCIETE
INTRODUCTION
De tous les êtres, l’homme est le seul qui vit en société c’est-à-dire avec ses
semblables.
Mais, cette vie en société lui est-elle bénéfique ? Garantit-elle sa liberté ?
I- L’HOMME, UN ÊTRE SOCIAL
A- L’origine sociale de l’homme
La société est une communauté d’individus ayant des rapports organisés et des
échanges de services.
Sur son origine, deux thèses s’opposent : la thèse naturaliste et
la thèse culturaliste.
Pour la thèse naturaliste défendue par Aristote, La société est un fait naturel et l’homme
est un être naturellement social.
Il affirme dans son œuvre la Politique « A l’évidence
la cité fait partie des choses naturelles, et l’homme est par nature un animal politique
».
En revanche, pour les culturalistes dont les philosophes du contrat tels que Hobbes,
Locke, Rousseau la société est le produit d’un contrat social c’est-à-dire d’un accord
passé entre les hommes.
Selon Hobbes « Si l’on considère de plus près les causes pour
lesquelles les hommes s’assemblent et se plaisent à une mutuelle société, il apparaitra
bientôt que cela n’arrive que par accident et non pas par une disposition nécessaire de
la nature.
» Du citoyen
B- La relation nécessaire à autrui
Que la sociabilité lui soit naturelle ou artificielle c’est-à-dire contractuelle, l’homme
vit toujours nécessairement parmi et avec les autres.
Cette évidence a amené certains
philosophes rationalistes et existentialistes tels HEGEL et J.P.
SARTRE à rejeter le
solipsisme c’est-à-dire l’existence solitaire de la conscience ou de la pensée prônés et
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défendus par la majorité des essentialistes, idéalistes et rationalistes tels que
DESCARTES ou LEIBNIZ.
En effet, la connaissance de ma conscience m’est révélée par autrui c’est-à-dire mon
semblable, mon prochain.
Dans L’existentialisme est un humanisme, Sartre affirme :
« Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre ».
La
présence d’autrui me constitue chaque fois comme un être nouveau en contribuant à
ma prise de conscience qui devient source et synonyme de liberté et d’épanouissement.
Ma liberté, mon épanouissement et mon humanisation dépendent donc essentiellement
du respect et de la considération que les autres m’accordent.
« Avant la rencontre
d’autrui et du groupe, l’homme n’est rien d’autre que des virtualités aussi légères
qu’une transparente vapeur » écrit Lucien Malson dans Les enfants sauvages.
Si la société se révèle être le lieu de l’intersubjectivité, pour harmoniser les relations
entre les individus, une autorité politique s’impose.
II- L’ETAT ET LA NATION, FORMES D’ORGANISATION SOCIALE
A- La nécessité de l’Etat
L’Etat est une forme d’organisation politico- administrative et juridique exerçant une
autorité sur un territoire défini.
Avec son avènement les hommes sortent de l’état de
nature en aliénant leur liberté individuelle afin d’obtenir l’assurance de leur droit ainsi
que l’assurance de la justice.
L’Etat se charge d’élaborer les lois qui constituent le droit
positif.
A travers le respect des lois, il garantit la liberté et la sécurité des individus.
C’est d’ailleurs ce qu’en pense SPINOZA dans le Traité Théologico-politique : « Non,
je le répète, la fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition
d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, (…).
La fin de l’Etat
est donc en réalité la liberté ».
La vocation de l’Etat est donc de défendre et de
protéger les individus contre les injustices, les inégalités, les violations des libertés par
le droit.
L’application du droit réalise la justice.
La justice signifie l’équité, l’égalité ou encore l’équilibre.
C’est aussi une vertu qui
nous demande de prendre notre dû et d’attribuer à chacun ce qui lui revient.
Dans la
vie en société, la justice est une institution chargée d’appliquer le droit, de faire
respecter la loi et de réparer les torts subis par les victimes de l’injustice.
Jean-Jacques
ROUSSEAU, dans du Contrat Social, soutient que les lois, c’est-à-dire le droit est
l’émanation de la volonté générale.
Ainsi, les lois sont édictées par l’ensemble des
citoyens qui constituent cette volonté générale.
En somme, le droit et la justice sont des piliers de l’Etat.
En outre, l’Etat vise l’unité
sociale à travers l’édification de la Nation.
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B- La nation, garante de l’unité sociale
La Nation est à distinguer de l’Etat.
En effet, l’idée de Nation implique une idée d’une
unité spontanée, celle d’Etat relève d’une organisation qui peut être plus ou moins
artificielle.
Une Nation peut survivre même lorsqu’elle est partagée entre plusieurs
Etats.
De même, un Etat peut comprendre plusieurs Nations.
Toute société prise
spontanément n’est pas une Nation.
Pour que la nation se réalise, deux conditions sont
nécessaires.
D’une part, les conditions objectives : La nation est une unité organique
dont les liens sont multiples.
Ils sont à la fois géographiques, ethniques, linguistiques,
politiques et même religieux.
D’autre part les conditions subjectives : La Nation doit
aussi son existence à la formation et au développement d’une conscience nationale.
C’est ce qu’en pense notamment ERNEST RENAN (1823-1892), une Nation est avant tout
: « Une âme, un principe spirituel ».
Cette âme se résume à deux choses, l’une est dans
le passé, c’est « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs » heureux ou
malheureux.
L’autre est dans l’avenir : « C’est le consentement actuel, le désir de vivre
ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
Qu’est-ce qu’une Nation ? Comme on le voit, certes la Nation doit être enracinée dans
l’histoire puisqu’elle est : « l’aboutissement d’un long passé » mais elle est aussi une
réalité qui se construit perpétuellement à travers la pleine conscience de soi.
À cet effet,
RENAN ajoute : « Cette conscience de groupe que suppose nécessairement toute Nation
constituée et vivante, n’est nullement une force aveugle et inconsciente, mais elle est
une conscience et volonté dans le groupe au même titre et de la même façon que dans
l’individu ».
Qu’est-ce qu’une Nation ?
Retenons que l’Etat et la Nation sont étroitement liés.
III-
L’OMNIPRESENCE DE LA VIOLENCE DANS L’ESPACE SOCIAL
A- Les relations conflictuelles avec autrui
La vie sociale est bien souvent le lieu des confrontations, des conflits interpersonnels
et de violence.
La violence est l’usage abusif da la force.
Il y a violence chaque fois qu’un individu ou
un groupe de personnes s’emploie par des moyens divers, à asservir, à faire souffrir, à
aliéner ou à anéantir un autre individu ou un groupe de personnes.
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Selon HEGEL et J.P.
SARTRE, autrui se révèle à moi dans l’expérience d’un conflit
originel.
Ce conflit débouche chez Hegel sur la reconnaissance mutuelle (La
dialectique du maître et de l’esclave) dans La Phénoménologie de l’esprit.
C’est dans
cette différence conflictuelle que chacune des consciences acquiert un statut spécifique
qui peut être celui de maitre ou d’esclave ou de dominant et de dominé.
Chez Sartre, autrui s’oppose d’abord à moi parce qu’il est essentiellement différent de
moi : « il est un autre moi, c’est le moi qui n’est pas moi ».
Selon SARTRE, ce conflit
est aussi vécu intérieurement dans certains phénomènes tels que la honte.
SARTRE
affirme : « La honte est toujours honte devant quelqu’un (…) J’ai honte de moi tel
que j’apparais à autrui.
Et par l’apparition même d’autrui je suis en mesure de
porter un jugement sur moi-même comme sur un objet » L’être et le néant.
Autrui est donc celui qui me chosifie, qui m’aliène et me prive de ma liberté.
C’est en ce sens que la force de l’Etat se révèle nécessaire à l’harmonie sociale.
B - La violence nécessaire de l’État
Au niveau social, la violence permet de répondre aux inégalités socio-économiques et
à la misère.
Cette omniprésence de la violence dans les rapports sociaux a amené N.
MACHIAVEL (philosophe et homme politique italien 1469-1527) à souligner que dans
le domaine politique, ce qui compte d’abord c’est l’efficacité, et à ce titre la violence
est un moyen pour maintenir l’ordre, la justice et la paix.
La violence est inévitable
parce que les hommes sont méchants.
Dans son œuvre Le Prince, il écrit : « Qui veut
faire entièrement profession d’homme de bien ne peut éviter sa perte parmi tant
d’autres qui ne sont pas bons ».
Autrement dit, l’homme d’Etat qui s’interdirait
l’usage de la violence préparerait sa propre déchéance et la ruine de son Etat.
La
violence serait donc un mal nécessaire.
Dans les sociétés modernes, selon Max Weber, l’Etat a le monopole de la violence
légitime et légale dont il dispose à travers trois instances ou pouvoirs qui manifestent
son autorité et assurent son fonctionnement : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif
et le pouvoir judiciaire.
Selon L.
ALTHUSSER (philosophe français contemporain) l’Etat dispose d’une part
d’appareils idéologiques (A.I.E) : mass-média, l’éducation, l’école, la religion, le
travail, le sport, la culture en général ; d’autre part d’appareils répressifs (A.R.E) : la
police, l’armée, les milices, l’administration judiciaire.
Par les premiers, l’Etat véhicule
et impose aux citoyens sa conception ou sa doctrine de la réalité sociale.
Par les
seconds, il exerce la coercition sur les citoyens.
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CONCLUSION
La vie en société confronte l’homme à de nombreux défis, particulièrement à celui de
la liberté.
Il ressort de l’analyse des notions de Société, d’Etat, de Nation, de Droit et
Justice mais aussi d’autrui que l’homme est le principal artisan de sa liberté par le
respect des institutions qu’il a créées mais qu’il peut remettre en cause ou encore
améliorer lorsqu’elles ne correspondent pas à ses aspirations.
Activité d’application
Parmi les propositions suivantes, coche celle qui convient à la définition exacte de la
société.
- La société est l’ensemble des infrastructures économiques d’un Etat.
- La société regroupe l’ensemble des hommes et des animaux d’un Etat.
- La société désigne un ensemble organisé et structuré de valeurs morales.
- La société renvoie à un ensemble d’individus entre lesquels existent des rapports
organisés et garantis par des institutions.
- La société regroupe autrui et moi.
SITUATION D’EVALUATION
A la fin de la leçon portant sur la vie en société, les élèves de ta classe sont invités à réfléchir sur le
sujet suivant : Autrui est-il absolument mon ennemi ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
Autrui est-il absolument mon ennemi ?
I – DEFINITION DES EXPRESSIONS ET TERMES ESSENTIELS
• Autrui : mon semblable, mon prochain.
• Absolument : forcément, toujours.
• Ennemi : celui qui cherche à me nuire, à me détruire.
II – PROBLEME A ANALYSER
Autrui est-il nécessairement nuisible ?
III– AXES D’ANALYSE ET REFERENCES POSSIBLES
Axe 1 : Autrui se présente comme mon ennemi
Argument 1- Autrui est source de gêne et d’angoisse car sa présence, son regard, ses actes etc.,
m’obligent à renoncer à mes désirs et envies et me dépouillent de mes capacités.
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Cf.
SARTRE, L'être et le néant : « Je saisis le regard de l'autre au sein même de mon acte,
comme solidification et aliénation de mes propres possibilités ».
Cf.
Jean Paul SARTRE, Huis-clos : « L’enfer, c’est les autres ».
Argument 2- Autrui est un être égoïste qui vise à m’instrumentaliser, me nuire voire me détruire au
profit de ses intérêts.
Cf.
NIETZSCHE, Par-delà le Bien et le Mal « Vivre c’est essentiellement dépouiller, blesser,
violenter le faible et l’étranger… »
Cf.
Sigmund FREUD, Malaise dans la civilisation : « l'homme n'est point cet être débonnaire,
(…).
Il est tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain.
»
Axe 2 : Autrui est indispensable
Argument 1 : L’homme est un être naturellement porté....
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