L'état de nature et la société ?
Extrait du document
«
A.
La nostalgie d'un état de nature
L'homme a le souvenir d'un âge d'or, d'un paradis perdu, d'un état «primitif» de l'humanité où le mal n'existait pas, où
il n'y avait pas de travail à proprement parler, où l'harmonie et le bonheur régnaient.
Le genre humain épars dans les
bois parmi les animaux vivait de la prise de possession de subsistances toutes trouvées, de la cueillette des fruits,
par exemple.
Cette nostalgie de ce qui n'est plus témoigne que le travail est vécu comme une servitude et la
société comme un mal.
Mais cet état d'innocence et d'égalité a-t-il existé un jour?
B.
L'état de nature et le grand Léviathan
Pour Hobbes, en l'absence de société civile, il n'y a pas de société du tout.
Dans Le Léviathan', il considère la « condition naturelle de l'homme »,
autrement dit « l'état des hommes hors de la société civile ».
Or, même s'il y
a «beaucoup d'endroits où les hommes vivent ainsi actuellement », cet état,
affirme Hobbes, n'a probablement jamais existé, « d'une manière générale,
dans le monde entier ».
Il s'agit d'une hypothèse qui permet de « discerner »
le « genre de vie » qui prévaudrait, s'il n'existait pas de « pouvoir visible »
pour tenir les hommes « en respect » et les lier, « par la crainte des
châtiments, tant à l'exécution de leurs conventions qu'à l'observation des lois
de nature ».
En effet, dans un tel état, les hommes s'affrontent en raison même de leur
nature.
Chaque individu, possédant par nature
les mêmes forces, les mêmes besoins, le même droit de « se défendre par
tous les moyens dont il dispose », cherche à atteindre ses fins : la
'conservation et l'accroissement de ses forces mais aussi parfois l'agrément.
Or, dit Hobbes, « si deux individus désirent la même chose alors qu'il n'est pas
possible qu'ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis ».
De ce fait,
chacun « s'efforce de détruire ou de dominer l'autre ».
Les individus égaux en
nature, sont donc autant de forces se redoutant mutuellement.
Et la défiance
réciproque engendre la guerre.
L'état naturel est donc un état de guerre, et
cette guerre est « guerre de chacun contre chacun ».
Cet état est la conséquence nécessaire des passions
naturelles de l'homme.
Seul un artifice qui est le contrat permet d'en sortir.
En effet, si chacun cède le droit qu'il a
sur toutes choses, et si chacun en fait autant, la guerre n'a plus raison d'être.
Dès lors le Commonwealth ou l'Etat
peut naître : il résulte de la cession du pouvoir et de la force du plus grand nombre possible d'individus «à un seul
homme, ou à une seule assemblée, qui puisse réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une seule
volonté ».
«La multitude ainsi unie en une seule personne est, dit Hobbes, appelée une République, en latin Civitas.
Telle est la génération de ce grand Léviathan, ou plutôt pour en parler avec plus de révérence, de ce dieu mortel
auquel nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection.
»
Ainsi pour Hobbes, la Cité ou l'État est une création de l'homme.
Il est l'ordre rationnel que l'homme met en place
pour se préserver ou se prémunir contre la destruction qui résulterait de l'éclatement des forces de la nature.
La fin
de l'Etat est donc la préservation de la vie de l'homme et de sa liberté.
La contrainte que le grand Léviathan peut
exercer ne vise qu'à imposer la paix et l'harmonie.
Si l'Etat de Hobbes s'identifie à un homme artificiel, c'est parce
qu'il est le produit de l'art humain.
L'homme, créature divine, crée à son tour l'Etat, dieu mortel, à l'image du Dieu
créateur qui, lui, est immortel.
C.
L'état de nature et le contrat social
Rousseau décrit l'état de nature comme un état d'innocence et d'égalité.
Mais cet état n'est pas un fait, il est
extra-historique.
Rousseau le pose comme nécessaire pour « démêler ce qu'il y a d'original et d'articifiel dans la
nature actuelle de l'homme.
Il s'agit de bien connaître un état qui n'existe plus, n'a peut-être jamais existé,
probablement n'existera jamais et dont il est pourtant nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de notre
état présent ».
Le projet de Rousseau est de critiquer la société de son temps.
Ainsi il s'attache à montrer que si l'homme est
malheureux, c'est pour des raisons sociales, politiques qui n'ont rien à voir avec la nature des hommes.
C'est
l'apparition de la propriété privée qui est responsable de l'inégalité parmi les hommes et de son cortège de malheurs.
Et celle-ci n'est pas un fait naturel, inéluctable, elle est un fait historique.
Mais, si Rousseau s'oppose à l'état social
après la propriété, il ne prône pas pour autant le « retour à la nature » : « la nature humaine ne rétrograde pas et
on ne remonte pas vers un état d'innocence et d'égalité une fois qu'on s'en est écarté».
Il s'agit seulement de
transformer l'état social de manière à ce que les hommes puissent y retrouver l'équivalent des avantages qu'ils ont
perdus en s'écartant de l'état de nature.
Pour cela, le lien social doit être fondé sur un contrat.
Seules des
conventions sont susceptibles de lier les hommes et de faire naître la société.
L'individu est « naturellement
indépendant » et sa volonté est libre, mais la somme des volontés individuelles ne saurait constituer une société.
Bien au contraire, un individu, ne connaissant que son intérêt privé, ignore nécessairement ce qui fait l'essence de
la société civile, à savoir le bien public du corps politique, et sa liberté ne peut que se heurter à celle d'autrui.
Seul
un contrat social peut unir les volontés individuelles et transformer les individus en citoyens tout en les élevant au
rang de personnes.
Les clauses de ce contrat sont des exigences universelles et nécessaires à la nature raisonnable
de l'homme, « partout les mêmes, partout tacitement admises et reconnues ».
Elles se réduisent à une seule, «.
»
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