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L'esprit scientifique doit se former contre la nature, contre ce qui est, en nous et hors de nous, l'impulsion et l'instruction de la nature, contre l'entraînement naturel, contre le fait coloré et divers. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique

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Par ailleurs, ne peut-on distinguer les notions de méthode et de contenu, en disant que même si nos intuitions naturelles sont fausses, dans leur contenu, au regard de la science, la méthode de pensée que nous utilisons dans la vie concrète et naturelle et dans la science est la même, contrairement à ce qu?affirme Bachelard ? Après avoir exposé la thèse de Bachelard, nous verrons dans quelle mesure nous pouvons soutenir que la pensée naturelle est un prélude à la pensée scientifique, avant de considérer la thèse selon laquelle pensée naturelle et pensée scientifique utilisent la même méthode.               1° La science se constitue contre la pensée naturelle et l?expérience sensible             Comme on l?a vu, selon Bachelard, l?esprit scientifique se construit dans un mouvement contre-nature, contre les obstacles provenant de notre rapport naturel au monde. Notre expérience sensible immédiate, concrète, génère ainsi des images des objets qui s?opposent à l?objectivité scientifique, qui est accessible non par simple observation, mais par l?expérimentation construite. La nature nous incline à nous représenter les choses selon leur utilité, car notre rapport naturel au monde est avant tout un rapport pragmatique d?action, de transformation : mais la vérité scientifique, pour émerger, doit se défaire de cette représentation. De plus, nos explications naturelles des phénomènes sont le plus souvent des explications mythiques, magiques, sur lesquelles l?homme projette spontanément et inconsciemment ses propres fantasmes, par exemple, des fantasmes sexuels qui imprègnent notre perception de l?énergie électrique ou chimique. La science, avant d?être une construction de théories, est donc déjà une déconstruction de nos représentations naturelles, spontanées et pragmatiques des phénomènes.               2° L?explication naturelle des phénomènes comme prélude à l?émergence de la pensée scientifique             Dans La Pensée sauvage, Lévi-Strauss critique l?idée selon laquelle les explications magiques et mythiques seraient des modes de pensée primitifs, devant être surmontés pour qu?advienne la rationalité scientifique. Ce type de pensée est, selon lui, non pas primitif, mais spontané : en cela, il rejoint Bachelard, pour qui ces explications sont aussi le fruit de notre rapport naturel au monde, ancré dans le sensible et le concret. Mais Lévi-Strauss affirme que ce type d?explication constitue néanmoins un précurseur de la science, car donner une explication mythique à un phénomène incite à le connaître, à le classer, cette démarche révèle et éveille à la fois notre désir de connaître, qui, dans la démarche scientifique, deviendra conscient et systématiquement exploité.

« "L'esprit scientifique doit se former contre la nature, contre ce qui est, en nous et hors de nous, l'impulsion et l'instruction de la nature, contre l'entraînement naturel, contre le fait coloré et divers." Bachelard, La formation de l'esprit scientifique.

Commentez et critiquez. La perspective de Bachelard sur la science consiste à étudier les obstacles qu'elle rencontre et qu'elle doit surmonter pour parvenir à penser les phénomènes naturels objectivement, c'est-à-dire tels qu'ils sont en eux-mêmes et non tels que notre pensée a intuitivement tendance à se les représenter.

Il étudie ainsi la manière dont se forment les théories scientifiques, mais aussi l'esprit scientifique, tel qu'il se construit pour surmonter ces obstacles et créer ainsi une rupture avec la pensée non scientifique.

L'un de ces obstacles à la pensée scientifique est notre expérience sensible, immédiate, concrète et imagée des objets qui nous prédispose à des représentations contradictoire avec la vérité scientifique.

La science se construit donc dans une discontinuité par rapport à la nature, c'est-à-dire à notre manière spontanée et immédiate d'appréhender le monde, de le percevoir et de le penser.

Il faudrait ainsi opposer deux types de pensée, la pensée intuitive naturelle et la pensée scientifique construite contre nos intuitions premières.

Comment comprendre alors cette idée ? Qu'est-ce qui, dans notre manière naturelle d'appréhender le monde, non seulement est non conforme à la vérité scientifique, mais encore constitue un obstacle, une résistance à l'avènement de cette vérité ? Dans quelle mesure peut-on nuancer cette idée en postulant plutôt une continuité entre ces deux modes de pensée, en disant que notre pensée spontanée et naturelle, même si elle peut s'opposer à la pensée scientifique, prépare également cette pensée en éveillant notre désir de connaître les choses ? Par ailleurs, ne peut-on distinguer les notions de méthode et de contenu, en disant que même si nos intuitions naturelles sont fausses, dans leur contenu, au regard de la science, la méthode de pensée que nous utilisons dans la vie concrète et naturelle et dans la science est la même, contrairement à ce qu'affirme Bachelard ? Après avoir exposé la thèse de Bachelard, nous verrons dans quelle mesure nous pouvons soutenir que la pensée naturelle est un prélude à la pensée scientifique, avant de considérer la thèse selon laquelle pensée naturelle et pensée scientifique utilisent la même méthode. 1° La science se constitue contre la pensée naturelle et l'expérience sensible C o m m e on l'a vu, selon Bachelard, l'esprit scientifique se construit dans un mouvement contre-nature, contre les obstacles provenant de notre rapport naturel au monde.

Notre expérience sensible immédiate, concrète, génère ainsi des images des objets qui s'opposent à l'objectivité scientifique, qui est accessible non par simple observation, mais par l'expérimentation construite.

La nature nous incline à nous représenter les choses selon leur utilité, car notre rapport naturel au monde est avant tout un rapport pragmatique d'action, de transformation : mais la vérité scientifique, pour émerger, doit se défaire de cette représentation.

De plus, nos explications naturelles des phénomènes sont le plus souvent des explications mythiques, magiques, sur lesquelles l'homme projette spontanément et inconsciemment ses propres fantasmes, par exemple, des fantasmes sexuels qui imprègnent notre perception de l'énergie électrique ou chimique.

La science, avant d'être une construction de théories, est donc déjà une déconstruction de nos représentations naturelles, spontanées et pragmatiques des phénomènes. 2° L'explication naturelle des phénomènes comme prélude à l'émergence de la pensée scientifique Dans La Pensée sauvage, Lévi-Strauss critique l'idée selon laquelle les explications magiques et mythiques seraient des modes de pensée primitifs, devant être surmontés pour qu'advienne la rationalité scientifique.

Ce type de pensée est, selon lui, non pas primitif, mais spontané : en cela, il rejoint Bachelard, pour qui ces explications sont aussi le fruit de notre rapport naturel au monde, ancré dans le sensible et le concret.

Mais Lévi-Strauss affirme que ce type d'explication constitue néanmoins un précurseur de la science, car donner une explication mythique à un phénomène incite à le connaître, à le classer, cette démarche révèle et éveille à la fois notre désir de connaître, qui, dans la démarche scientifique, deviendra conscient et systématiquement exploité.

Notre pensée naturelle apparaît ainsi comme la condition de toute forme de pensée plus élaborée, y compris la pensée scientifique.

La pensée magique témoigne d'une rigueur, d'une précision et d'une confiance dans l'explicabilité des phénomènes que l'on retrouve dans la pensée scientifique et qui peuvent anticiper sur elle.

Lévi-Strauss insiste ainsi davantage sur la complémentarité et les points communs entre les rapports naturel et scientifique au monde que sur la notion d'obstacle que le premier représenterait pour le second. 3° Pensée naturelle et pragmatique et pensée scientifique appartiennent à un même rapport au monde Ne peut-on aller plus loin, en affirmant non pas que pensée naturelle et pensée scientifique sont deux types de pensée dont l'un prépare à l'autre, mais qu'il s‘agit en réalité de la même méthode de pensée ? C'est de cette manière que l‘on peut comprendre la perspective de Bergson.

Notre manière naturelle de penser les choses et les phénomènes est avant tout dirigée vers l'action, ce qui est proche de ce qu'affirme Bachelard.

Mais pour Bergson, la manière dont nous découpons les concepts pour agir est identique à celle dont nous nous servons pour connaître, car connaître et agir sont deux activités indissociables et qui se présupposent l'une l'autre.

Ainsi, notre pensée naturelle consiste à découper des concepts rigoureux, pratiques, à spatialiser et à quantifier, et ces caractéristiques sont également ce qui caractérise la pensée scientifique.

Selon Bergson, on ne peut dire que la science est une démarche théorique qui s'oppose à notre rapport pratique au monde, car la science a toujours pour but ultime d e simplifier notre rapport aux choses en augmentant notre marge d'action sur elles.

Les concepts construits par notre pensée pour agir et connaître spontanément sont donc les mêmes que ceux auxquels la science a recours. Conclusion On peut tout d'abord penser, dans la perspective de Bachelard, que la science se construit par un effort fait contre notre tendance naturelle, qui pense les choses à partir de la sensation, en vue de l'action et à partir de représentations fantasmatiques ou mythiques. Cependant, on peut penser que ces deux types de pensée, s'ils s'opposent radicalement dans leurs méthodes et leurs contenus, sont cependant complémentaires dans la mesure où ils révèlent un désir de connaître, la pensée naturelle peut alors préparer, par cette attention aux choses et par son désir de classer les phénomènes, la démarche scientifique.

On peut alors proposer l'idée que nous n'avons en réalité pas affaire à deux types de pensée qui s'opposent, la pensée naturelle et la pensée scientifique, mais à la même manière de découper le monde en concepts quantifiés, rigoureusement découpés, en vue d'agir sur les choses, qui est le but ultime de toute pensée, qu'elle soit naturelle ou scientifique.. »

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