Les vertus ne sont-elles que des vices déguisés ?

« [Les hommes sont mus par leurs passions et leurs intérêts. Hypocrites, incapables d'amitié, de sentiments sincères, ils dissimulent leur amour-propre et leur égoïsme sous le masque de la vertu.] Les hommes sont mus par l'intérêt NOTE SUR LE JANSÉNISME Le jansénisme est une forme particulièrement rigoureuse de pensée et de vie chrétienne.

Il se propose de revenir à l'enseignement de Saint Augustin par réaction contre le laxisme des molinistes et des jésuites qui accordaient tant de pouvoir à la liberté de l'homme que plus rien ne restait à la puissance de Dieu..

Le jansénisme et son austérité morale constituèrent une véritable machine de guerre contre les jésuites et leur système rhétorique qui leur permettait de tout justifier y compris les actions morales les plus condamnables. Influencé par le jansénisme, qui considère que les hommes sont fondamentalement mauvais, La Rochefoucauld porte un regard sans illusions sur ses semblables.

Pour lui, les hommes sont égoïstes; ils ne sont motivés que par leur intérêt et leur amour-propre.

La vertu et l'altruisme ne sont que des masques sous lesquels ils dissimulent leurs basses motivations. Il n'y a pas de vertu désintéressée «La sincérité (...) que l'on voit d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres.» «L'amour de la justice n'est en la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice.» «L'aversion du mensonge est souvent une imperceptible ambition de rendre nos témoignages considérables.» Pour La Rochefoucauld, il n'y a pas de vertu qui ne soit intéressée. Le mensonge règne La Rochefoucauld met ainsi à nu les vrais ressorts de la conduite des hommes.

L'amour-propre corrompt l'amour, l'amitié et toutes les vertus.

L'instinct détermine nos faits et gestes.

C'est le hasard qui décide en grande partie de nos actes et de notre vie.

La fausseté, le mensonge, la mystification et la «grimace» règnent dans les rapports entre les hommes. [La Rochefoucauld porte un regard trop sévère sur les hommes.

Pour un esprit plus humaniste, les hommes ne sont pas fondamentalement mauvais.

Ils sont parfaitement capables de sincérité et de vertu.] La Rochefoucauld est trop pessimiste Pour un humaniste, la vision que La Rochefoucauld donne de l'homme est trop noire: «Il ne fait pas toujours justice à cet homme qu'il condamne, et il le veut faire passer pour plus corrompu qu'il n'est, interprétant avec beaucoup de prévention et un peu de malignité, et tournant en mauvaise part des inclinations et des actions innocentes» (Pierre Huet, Évêque d'Avranches, Lettre à Mme de La Fayette). La vertu réelle existe «Quelles qu'aient été ses intentions, l'effet m'en paraît pernicieux; son livre, rempli d'invectives délicates contre l'hypocrisie, détourne encore aujourd'hui les hommes de la vertu en leur persuadant qu'il n'y en a point de véritable.» Pour Vauvenargues (Critique des Maximes), La Rochefoucauld exagère.

Les hommes peuvent être réellement vertueux. Le regard du moraliste est déformé Pour Jean Starobinski, le regard sans illusions que le moraliste porte sur les hommes est le résultat d'un esprit mélancolique.

Le mélancolique, en effet, peut avoir un côté paranoïaque: il doute de la sincérité des autres, il croit qu'ils dissimulent les motifs réels de leurs actes et leur paroles.

L'amertume de La Rochefoucauld, déçu dans ses ambitions, déforme sa vision.. »