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Les philosophies de l'art

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Le titre de ce chapitre est sans doute trop ambitieux. Il aurait peut-être mieux valu dire « quelques idées sur l'Art au XXe siècle ». Tout d'abord, faut-il de la théorie, de la philosophie, en Art ? Oui, répond André Lhote, mais à condition qu'il ne s'agisse surtout pas d'une théorie a priori décrétant ce qui est beau, ou ce que doit être l'Art. Ce serait absurde : toute théorie est une formule, ou un ensemble de formules que l'artiste découvre pour son propre compte au bout de ses interrogations, et que nul ne peut lui apprendre. « La formule, trouver la formule » gémissait Cézanne, qui avait besoin de mots exprimant l'état de son oeuvre pour en poursuivre la progression. Nous n'essaierons donc pas de dire ce que doit être l'Art, mais de proposer quelques idées ou explications globales formulées à son propos. On passera sous silence certaines théories importantes comme celle de Charles Morgan qui voit dans l'Art une libération de l'homme par Dieu. Dieu nous émancipe en assurant par l'art une liaison entre l'éternel et le contingent. « Tout art parfait est une image de Dieu, sculptée par lui-même durant le sommeil de l'auteur ». On abordera seulement deux auteurs significatifs : — une théorie générale de l'Art avec René Huyghe, — une philosophie spirituelle de l'Art avec André Malraux.

« Le titre de ce chapitre est sans doute trop ambitieux.

Il aurait peut-être mieux valu dire « quelques idées sur l'Art au XXe siècle ».

Tout d'abord, faut-il de la théorie, de la philosophie, en Art ? Oui, répond André Lhote, mais à condition qu'il ne s'agisse surtout pas d'une théorie a priori décrétant ce qui est beau, ou ce que doit être l'Art.

Ce serait absurde : toute théorie est une formule, ou un ensemble de formules que l'artiste découvre pour son propre compte au bout de ses interrogations, et que nul ne peut lui apprendre.

« La formule, trouver la formule » gémissait Cézanne, qui avait besoin de mots exprimant l'état de son oeuvre pour en poursuivre la progression. Nous n'essaierons donc pas de dire ce que doit être l'Art, mais de proposer quelques idées ou explications globales formulées à son propos. On passera sous silence certaines théories importantes comme celle de Charles Morgan qui voit dans l'Art une libération de l'homme par Dieu.

Dieu nous émancipe en assurant par l'art une liaison entre l'éternel et le contingent. « Tout art parfait est une image de Dieu, sculptée par lui-même durant le sommeil de l'auteur ». On abordera seulement deux auteurs significatifs : — une théorie générale de l'Art avec René Huyghe, — une philosophie spirituelle de l'Art avec André Malraux. 1) Une théorie générale de l'art par l'analyse : René Huyghe Quelle est la signification de l'Art.

Quel est son sens dans notre destin ? s'interroge René Huyghe au chapitre vit de l'un de ses principaux livres Dialogue avec le visible. C'est en effet la plus importante question que l'on puisse poser devant l'oeuvre d'art.

La réponse est nuancée, elle s'appuie sur l'étude du seul tableau, mais elle vaut pour l'art en général.

Le tableau est à la fois image et oeuvre, on doit l'étudier d'un triple point de vue : — point de vue psychologique parce qu'il est image, — point de vue formel et plastique parce qu'il est une oeuvre, — point de vue esthétique parce qu'il est recherche de beauté. Quel est, d'abord, le rôle de l'image ? Les images, en nous, témoignent tout autant des perceptions extérieures que de ce qui appartient à celui qui les évoque.

De même, l'auteur du tableau se sert des souvenirs visuels gardés dans sa mémoire, mais il en dispose à son gré pour les transformer, les combiner, même en croyant les respecter.

Le tableau plonge ses racines dans deux mondes différents : celui de l'univers visible et celui de l'être profond.

Le tableau se nourrit dans deux terreaux apparemment peu conciliables, il en offre une combinaison inconnue avant lui. L'oeuvre est née d'un besoin obscur de l'artiste.

Cas le plus simple : il a besoin de figurer ce qui est de nature à le satisfaire pour en jouir, mais aussi pour le conserver, le fixer.

C'est le réalisme. Le peintre projette dans l'oeuvre à la fois le désir qui est en lui et l'aliment qui correspond le mieux, dans le monde, à sa faim.

Ce pourra être une aspiration qu'il partage avec ses semblables et l'image servira, par exemple, à illustrer un dogme (art chrétien, byzantin). Parfois aussi, le peintre veut impérieusement rendre visible une tendance profonde qui lui est personnelle.

L'image est seule capable d'exprimer l'âme dans ce qu'elle a de plus indistinct (ainsi, rappelle Huyghe, l'infirme Maria Blanchard, obsédée par la maternité, qui peint des maternités). Au contraire, l'image pourra aussi avoir pour rôle d'éliminer ce qui est rejeté par la vie intérieure.

L'art résout ce que découvrira Freud : il libère l'âme de ce qui l'encombre, et René Huyghe souligne l'idée contenue dans le seul mot « expression ». L'image est donc d'abord confession d'un choix ou d'un rejet, mais elle est aussi voyance de nous-mêmes. Que l'artiste soit l'interprète de la collectivité ou qu'il n'exprime que lui-même, son oeuvre lui permet de « se réaliser » : elle effectue ce qui sans elle demeurerait potentiel, elle libère l'esprit en transformant en acquis ce qui n'était qu'aspiration.

L'homme est plus libre : il peut ainsi considérer son existence, il peut se placer en face de ce qui le constitue. Grâce à l'art, je peux prendre position par rapport à moi-même car voici matérialisé cet état que j'ai éprouvé, que j'ai vécu et que je peux revivre en le considérant.

Je suis celui qui observe et celui qui est observé, et de même que je me suis devenu visible, je me suis rendu visible aux autres.

Ce n'est peut-être pas une prise de conscience telle qu'elle serait traduite par des mots précis, c'est du moins une « prise de contact » très proche de la vie. Tel est l'aspect des pouvoirs psychiques de l'image dont dispose le tableau. L'image est née de l'homme, mais elle réagit à son tour sur lui. Voici donc l'homme capable, par l'image, de se dédoubler et de dialoguer avec son propre reflet.

Ainsi, les images des dieux ont-elles pu être le reflet des aspirations de l'âme d'un peuple.

Mais ces images, maintenant vivantes, vont réagir : elles sont capables à leur tour de suggérer un état d'âme.

Mieux : elles peuvent imposer une idée qui va relancer le dialogue.

René Huyghe cite avec amusement le cas de Saint-]Érasme.

A l'origine patron des marins, ce Saint est représenté avec un câble enroulé autour d'un treuil.

Mais le sens premier de l'image se perd.

On contemple plus tard ce bizarre instrument dont est doté le Saint, on en fait un engin de supplice : Érasme est un martyr, et ses tortionnaires ont utilisé ce treuil pour dévider ses intestins...

encore un peu et par association Érasme sera chargé par de pieuses âmes de guérir les coliques ! Tout le sens du tableau de Poussin à la Pinacothèque vaticane est dans cette histoire. Les images sont génératrices de vie.

A travers elles les individus et les sociétés transcrivent ce qu'ils sont, et c'est d'après cette transcription qu'ils deviennent perceptibles à eux-mêmes, ils « font le point ». "C'est un véritable mouvement dialectique, indéfini, qui s'engage : le peintre, qu'il soit l'interprète de sa pensée ou. »

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