Les jugements moraux sont-ils susceptibles de vérité ou de fausseté ?
Extrait du document
«
Position de la question.
La notion de vérité peut se définir assez facilement, quoique de façon complexe, dans le
domaine de la connaissance.
Mais peut-on parler de vérité aussi dans le domaine de l'action, dans le domaine moral,
et quel sens prend alors cette notion de vérité?
I.
II y a une vérité morale.
La question ne se poserait pas, si l'on admettait, avec certains auteurs contemporains, que chaque homme peut se
créer à lui-même librement et arbitrairement ses propres valeurs morales.
— Mais une telle doctrine aboutit à ruiner
la Morale et peut-être la moralité elle-même.
Si plus rien n'est vrai dans le domaine moral, vrai non seulement pour
nous (quel serait, d'ailleurs, le sens d'une vérité purement subjective et individuelle?), mais vrai aussi pour nos
semblables et, au moins à la limite, pour l'humanité tout entière, au nom de quoi approuverions-nous ou
désapprouverions-nous telle ou telle conduite, telle ou telle coutume, telle ou telle institution? A vrai dire, il n'y
aurait plus, à proprement parler, de loi morale.
II.
Vérité morale et vérité physique.
Mais la vérité morale peut-elle être exactement du même ordre que la vérité physique?
A.
— Ce qui caractérise celle-ci, c'est qu'elle porte sur ce qui est, sur les faits et leurs lois positives.
La pensée du
physicien et même du savant en général peut être dite vraie, quand elle est venue s'éprouver avec succès au
contact du réel par les méthodes expérimentales.
B.
— Il en va tout autrement de la vérité morale.
Il ne s'agit plus ici de ce qui est, mais qui doit être; non plus du
réel, mais de l'idéal et de la valeur.
C.
— Cette différence n'est cependant peut-être pas aussi absolue qu'il le semble.
Le réel, qui constitue, en quelque
sorte, la pierre de touche de la vérité physique, n'est pas un pur donné : il est, en partie, construit ou tout au
moins reconstruit par l'esprit.
III.
La vérité morale.
En quel sens donc un jugement de valeur moral est-il vrai? On peut s'attendre, d'après ce qui a été dit ci-dessus, à
ce que la part de construction qui entre dans la vérité morale soit plus grande encore que dans la vérité physique.
A.
— Pas plus cependant que la vérité physique, la vérité morale n'est construite par l'esprit à partir de rien, à partir
d'une sorte de « table rase ».
Il y a un donné moral, d'origine surtout sociale, qui consiste dans toutes les
coutumes, moeurs, appréciations morales qui ont cours dans le milieu social où nous vivons.
D'où une première
solution au problème qui nous occupe, solution qui serait d'inspiration sociologique.
Ce donné moral, qui nous est
apporté par la tradition, l'éducation, l'ambiance sociale en général, n'est pas sans lien avec la structure de la
société : « Tous les systèmes de morale effectivement pratiqués par les peuples, écrivait DURKHEIM (Sociologie et
Philosophie, p.
81), sont fonction de l'organisation sociale de ces peuples.
» C'est pourquoi d'ailleurs, ajoutait-il, «
chaque société a, en gros, la morale qu'il lui faut; toute autre non seulement ne serait pas possible, mais serait
mortelle à la société qui la pratiquerait ».
En ce sens, on pourrait dire qu'un jugement moral est vrai dans la mesure
où il s'accorde avec la structure et les exigences du milieu social, à une époque et dans des conditions données.
B.
— Cette solution ne nous paraît pas suffisante : elle aboutirait en effet à un relativisme moral qui ferait de la
vérité morale quelque chose de trop peu consistant.
Au-delà des déterminations qui font varier la moralité en
fonction de l'histoire et de la structure des sociétés, il existe chez l'homme des « inclinations fondamentales » qui lui
constituent une nature propre et surtout une raison qui lui permet de poser des valeurs présentant, à travers les
contingences de l'histoire, une certaine permanence et même une certaine universalité.
Nous retrouvons ainsi en
Morale deux des caractères fondamentaux de la vérité : l'objectivité (car ces valeurs dépassent la subjectivité) et
l'universalité.
Le rôle de la pensée morale est précisément de reconstruire et, le cas échéant, de corriger le donné
moral en harmonie avec les exigences essentielles de la nature humaine et de la raison, de le systématiser pour en
faire un tout cohérent, bref de le rationaliser.
Autre caractère de la vérité que nous retrouvons également ici : la
cohérence.
— En ce sens, un jugement moral sera dit vrai, quand, par delà les déterminations particulières à une
époque et à une société données, il correspond aux aspirations fondamentales de l'être humain en général et vient
s'intégrer de façon logique dans le système de ces aspirations selon la hiérarchie des divers éléments qui
constituent la nature humaine.
Sera vrai, notamment, tout ce qui contribue à cette réalisation intégrale de l'être
humain, à l'élévation spirituelle de la personne; sera faux tout ce qui conduit à sa déchéance ou à son abaissement.
Conclusion.
Il existe bien une vérité morale qui, quoiqu'elle diffère de la vérité physique, présente les caractères
fondamentaux : objectivité, universalité, cohérence, de la vérité en général..
»
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