Les faits parlent-ils d'eux-mêmes ?
Extrait du document
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Le fait est-il ce sur quoi la pensée se fonde en s'imposant à elle ? Ne doit-on pas distinguer différents types de
faits ? Peut-on mettre sur le même plan le fait brut ou la simple donnée réelle de l'expérience (ex.
: le soleil se lève,
le feu brûle, une pierre lâchée tombe) et le fait scientifique ? Le fait scientifique est un phénomène expérimental
construit, mesuré et interprété : il suppose la théorie.
Cela donne à penser que les faits n'existent pas en tant que
tels.
Le réel n'est pas significatif par lui-même, mais il ne l'est que sous l'éclairage d'une pensée active et
interrogatrice.
Les faits suffisent-ils pour connaître la réalité ? Ou faut-il un langage scientifique, empiriste, pour la
faire "parler" ? Selon Claude Bernard, on ne peut se passer de théorie, mais la théorie en elle-même est discutable
(dans Le Nouvel Esprit scientifique, 1938) : "Déjà l'observation a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à
réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n'est jamais la première
observation qui est la bonne.
L'observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou
infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle
hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.
Naturellement, dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance
devient plus net encore.
Alors il faut que le phénomène soit phénomène trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des
instruments, produit sur le plan des instruments.
Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.
Il en sort
des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique".
Dans ce cas, est-il juste de faire parler les faits ?
Sens des termes
— Les faits : fait (du latin facere, faire) ; donnée de l'expérience, saisie par l'intuition sensible ; mais aussi : donnée
élaborée et construite.
— Parlent-ils : « parler » : signifie ici, s'exprimer mais également révéler ce qu'on tenait caché.
— D'eux-mêmes : ici, sans qu'on intervienne, à partir de leur propre être.
Sens du sujet
Les données de l'expérience s'expriment-elles et révèlent-elles ce qu'elles sont sans intervention extérieure, sans le
secours d'éléments étrangers ? L'idée d'un fait brut, d'un phénomène immédiat, n'est pas très claire et pose
problème.
D'ailleurs, fait signifie (au moins) deux choses : donnée de l'expérience, mais aussi donnée construite.
Il
s'agit donc de savoir ce que veut dire « fait » dans notre intitulé.
On retrouve bien ici le problème de la nature de la
connaissance, en particulier celui de la connaissance scientifique saisie à travers une de ses caractéristiques, les
faits.
Cette connaissance est-elle simplement le fruit de l'observation ou la dépasse-t-elle ?
Il faut en venir progressivement, non seulement à l'idée que le fait ne parle pas de lui-même, mais à celle que la
connaissance (scientifique) se construit contre le fait brut par l'usage de la raison.
Le plan proposé sera ainsi du
type progressif.
Plan
1.
Les faits semblent parler d'eux-mêmes.
Cette thèse correspond au point de vue de l'empirisme, conception selon laquelle toutes nos connaissances
viennent des sens : le fait, en lui-même, suffirait à nous faire connaître le réel.
Le rôle du contact avec le monde sensible.
Il s'agit, d'abord, de comprendre l'essence vraie de cette connaissance commune dont il est question dans l'intitulé
du sujet.
Or celle-ci est, essentiellement, d'ordre sensible et empirique : j'ouvre les yeux et le monde s'offre à moi
dans sa diversité colorée, à travers les « données » des sens.
Le rouge, le vert, les zones d'ombres ou de lumières
se découpent dans mon champ perceptif.
Il semble bien que ce contact direct et immédiat avec le monde forme la
matrice de tout savoir et de toute vérité.
La connaissance dite « commune » se nourrit tout entière de cette
relation avec les choses données empiriquement.
La connaissance acquise avec le temps : « Avoir de l'expérience ».
Enfin, la connaissance commune apparaît, généralement, comme le fruit du temps : « Quand tu auras de
l'expérience, mon enfant...
» La notion d'expérience implique, bien souvent, ce rôle formateur et constructeur du
temps.
Avoir de l'expérience, c'est avoir fait l'épreuve d'un réel étranger, qui nous a instruits, grâce aux années
auxquelles notre moi a dû se soumettre pour acquérir sa formation.
Ainsi, si nous creusons cette notion d'expérience commune, elle semble nous renvoyer à des éléments de réceptivité
passive : le monde sensible, les qualités empiriques et le temps en lui-même engendreraient un savoir immédiat et
concret.
Est-ce tout? Il semble bien que d'autres éléments se surajoutent à ce contact formateur avec les choses.
L'établissement de relations empiriques entre les observations.
La connaissance, en effet, n'en reste pas à des qualités isolées.
Elle associe les éléments divers de la
représentation, elle établit des relations empiriques entre ses observations.
Tel est l'univers du « bon sens »
quotidien, celui des associations d'images tendant à établir des « prévisions » en accord avec l'expérience : ainsi,.
»
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