Les faits historiques sont-ils donnés ou construits ?
Extrait du document
«
L'histoire désigne à la fois la suite des événements qui ont marqué la succession des groupes humains, et la
discipline qui étudie cette succession.
Il semble donc que l'histoire comme discipline collecte des renseignements sur
l'ensemble des faits d'une époque donnée, et tente dans un deuxième temps d'interpréter ces faits à partir d'une
théorie.
Mais le problème est que pour savoir quels faits ont de l'importance, on a en fait déjà besoin d'une théorie
qui fasse le tri entre les faits importants et ceux qui ne le sont pas.
Dans cette mesure, les faits historiques
semblent construits pas la théorie, plutôt qu'ils ne précèdent la théorie.
Le problème est alors que ces faits, parce
qu'ils sont construits par les historiens d'une époque donnée, semble perdre leur caractère objectif.
Ainsi l'on peut
imaginer que chaque nouvelle époque d'historiens construira des nouveaux faits historiques qui invalideront les
anciens, de sorte qu'au bout du compte il n'y aurait plus de faits historiques du tout, mais de simples points de vue
relatifs sur diverses périodes de l'histoire.
Mais on peut néanmoins imaginer que la construction des faits historiques
à partir de la théorie puisse conserver un certain degré d'objectivité, à partir du moment où l'historien lui-même a
conscience de construire les faits qu'il étudie.
I.
La véritable histoire s'appuie sur des faits objectifs donnés
Dire que les faits historiques seraient construits reviendrait à dire que l'historien ne peut pas s'assurer un
accès solide aux sources sur lesquelles il réfléchit.
Or on peut se demander s'il n'y a pas dans les faits historiques
certains éléments objectifs, qui ne relèvent pas d'une interprétation de l'historien.
Ainsi, Dans L'idéologie allemande,
Marx et Engels expliquent que contrairement à ce que considère la philosophie
de l'histoire hégélienne, ce qui détermine réellement le déroulement des
événements historiques, ce ne sont pas les idées que les hommes nourrissent
sur leur époque, mais les antagonismes des différentes classes sociales qui
composent une société donnée.
Or cet antagonisme est lui-même structuré
par le mode de production qui caractérise telle ou telle époque.
Or le type de
mode de production d'une époque est évaluable objectivement.
Ainsi, la
société capitaliste se caractérise par exemple par un conflit de classe entre
ceux qui détiennent les moyens de productions (c'est-à-dire le capital, les
machines pour produire et les matières premières), et les ouvriers qui sont
contraints de vendre leur force de travail pour survivre.
On voit que dans
cette mesure le fait historique est donné, car il est constitué par un rapport
matériel (la distribution des richesses).
« Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la
conscience» : critique de l'homme abstrait des philosophies traditionnelles; les
idées des hommes s'expliquent par leurs conditions matérielles.
L'homme
entretient avec ses semblables des rapports économiques dans la
domestication de la nature, des rapports d'intérêts, mais si cette vérité
n'apparaît pas, c'est qu'elle est travestie en problèmes juridiques, religieux ou
politiques par la classe dominante et ses idéologues.
La situation des hommes
et leurs rapports mutuels sont le résultat des conditions historiques et non
d'un quelconque destin ou d'une nature humaine toujours identique à ellemême.
Il faut donc saisir l'homme concret, aliéné d'abord sur le plan matériel puisque son travail est asservi et
exploité, aliéné aussi sur le plan spirituel, dépossédé qu'il est des réalisations culturelles de l'humanité.
Il faut donc
critiquer la philosophie idéaliste qui a véhiculé depuis l'antiquité cette image creuse et vide d'un homme séparé de
son existence réelle.
La critique des idées, cependant, ne suffit pas, c'est l'ordre social qu'il faut transformer afin de
supprimer toutes les conditions qui font de l'homme un être avili et méprisé.
II.
Les faits historiques sont construits en fonction de l'intérêt des historiens d'une époque donnée
Le matérialisme historique, c'est-à-dire la théorie marxienne de l'histoire, qui considère que ce sont les
répartitions les modes de production qui déterminent les antagonismes de classes, et donc les événements, opère
néanmoins une certaine reconstruction des faits, puisque cette théorie extrait des faits supposés ce qui doit
compter (les rapports matériels).
Lucien Febvre, dans Combats pour l'histoire, explique que les faits historiques sont
forcément construits, non pas seulement parce que les sources dont on dispose sont parcellaires, et impliquent
donc un certain travail de reconstruction, mais aussi parce que l'histoire considérée comme ensemble de faits ne
devient significative pour nous qu'à partir des questions qu'on lui pose.
Pour illustrer ce fait, on peut revenir à Marx.
Marx interprète les lois Le chapelier, qui ont interdit les corporations à l'époque de la révolution française comme des
lois qui servaient en réalité les intérêts des bourgeois.
En effet les corporations représentaient un contre pouvoir à
la puissance financière de ceux qui avaient les moyens de production (les bourgeois).
Mais ce fait même n'est
remarqué par Marx que parce qu'il sert sa théorie du matérialisme historique, selon lequel ce sont les modes de
production qui déterminent les événements historiques.
C'est donc à partir des questions que Marx pose à l'histoire
qu'il relève ce fait comme un fait historique important.
Dans ce sens, puisque tout fait historique n'apparaît qu'à
partir d'une question qu'on pose à l'histoire, on doit considérer que les faits historiques sont toujours construits.
III.
Ce n'est pas parce que les faits historiques sont construits qu'il ne peuvent avoir une certaine
objectivité
Dire que les faits historiques sont construits, cela signifie-t-il qu'ils n'ont aucune objectivité, et que chaque.
»
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