Les erreurs ont-elles un sens ?
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Les erreurs ont-elles un sens ?
Définition des termes du sujet
On distingue l'erreur de la faute : l'erreur est un jugement qui, s'il est faux, n'est pas condamnable pour sa fausseté,
il est une sorte d'égarement, d'errance de l'esprit, sans grande gravité, et susceptible d'être corrigé.
La faute est
une notion morale, le jugement faux est condamnable.
La question est ici celle du « sens » des erreurs.
Le sens d'une chose, c'est sa signification, mais c'est aussi ce vers
quoi se dirige une chose, ce que peut produire une chose, l'apport qu'elle peut avoir.
Il s'agira donc d'examiner la
nature et les contenus possibles des erreurs dans le but de déterminer si une erreur est par nature absurde et
inutile, ou si au contraire elle peut avoir un apport, une signification, une productivité, par exemple par contraste
avec le jugement vrai et dépourvu d'erreur.
C'est un sujet qui demande que l'on réévalue l'habitude que nous avons d'éviter et de mépriser les erreurs ; il
permettra de mettre en relief peut-être une efficace paradoxale de la pensée, qui passerait par une attention à
l'erreur, à la fausseté.
Proposition de plan
I.
La méfiance traditionnelle à l'égard du risque d'erreur
La philosophie a beaucoup dénoncé le risque de l'erreur, l'erreur étant considérée comme une mauvaise orientation
du jugement et donc comme un obstacle au travail d'élaboration de la vérité.
Le grand danger de l'erreur est que
nous ne pouvons nous rendre compte seuls que nous sommes dans l'erreur, et que nous pouvons donc construire
notre pensée sur des bases fausses en tenant ces bases pour vraies.
Dans ce cas l'erreur ne présente aucune
positivité et aucun sens.
Cette méfiance à l'égard de l'erreur s'exprime bien dans ce texte de Pascal sur l'efficace pernicieuse de
l'imagination :
Pascal
C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de
fausseté, est d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours, car elle serait
règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge.
Mais, étant le
plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité marquant du
même caractère le vrai et le faux.
Je ne parle pas des fous, je parle des plus
sages, et c'est parmi eux que l'imagination a le grand droit de persuader les
hommes.
La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.
Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à
la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans
l'homme une seconde nature.
Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains,
ses malades, ses riches, ses pauvres.
Elle fait croire, douter, nier la raison.
Elle suspend les sens, elle les fait sentir.
(...) Qui dispense la réputation, qui
donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux
grands, sinon cette faculté imaginante ? Toutes les richesses de la terre
(sont) insuffisantes sans son consentement.
Ne diriez-vous pas que ce
magistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple se
gouverne par une raison pure et sublime et qu'il juge des choses par leur
nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que
l'imagination des faibles.
Voyez-le entrer dans un sermon où il apporte un zèle tout dévot renforçant la solidité de sa raison par l'ardeur de sa
charité ; le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire.
Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a
donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait mal rasé, si le hasard l'a encore barbouillé
de surcroît, quelque grandes vérités qu'il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
Le plus grand
philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le
convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra.
Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.
Je ne veux pas rapporter tous ses effets ; qui ne sait que la vue des chats, des rats, l'écrasement d'un charbon,
etc, emportent la raison hors des gonds.
Le ton de voix impose aux plus sages et change un discours et un poème
de force.
(...) Je voudrais de bon coeur voir le livre italien dont je ne connais que le titre, qui vaut lui seul bien des
livres, Dell'opinione regina del mondo.
J'y souscris sans le connaître, sauf le mal s'il y en a.
II.
L'erreur comme norme paradoxale de la pensée.
»
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