Les dieux ne sont-ils que des hommes divinisés ?
Extrait du document
«
Divinité et idéalisation
Historiquement, les dieux naissent d'une immortalisation des héros fondateurs de la cité.
Ce sont aussi des images
sublimées des hommes et de leurs modes de vie.
Ainsi, chez les Grecs et les Romains de l'Antiquité, Zeus/Jupiter
est-il le roi divinisé auquel on a donné des ministres: Athéna/Minerve à la culture, Hermès/Mercure aux
communications, Poséidon/Neptune aux affaires maritimes, Arès/ Mars à la guerre, etc.
Depuis le triomphe de la société civile où la bourgeoisie règne en maître, la prosaïque religion du travail et de
l'argent s'est, d'une certaine manière, substituée au sentiment du sacré dans lequel s'enracinait toute religion.
Or, si
Hegel a cherché à réconcilier Dieu et la temporalité, en affirmant que la Raison divine s'accomplit dans et par
l'histoire des hommes, sa philosophie n'en demeure pas moins d'essence religieuse.
Feuerbach, en revanche, prend
toute la mesure du caractère profane de la société.
Il reconnaît que les hommes se sont si bien approprié « le
vrai », « l'humain » et « l'antisacré » que « le christianisme a perdu toute force de résistance ».
Le christianisme,
écrit-il dans « Une transformation nécessaire », est nié, « nié dans l'esprit et le coeur, dans la science et la vie,
dans l'art et l'industrie, radicalement, sans appel ni retour » : « L'incroyance a remplacé la foi, la raison la Bible, la
politique la religion et l'Église, la terre a remplacé le ciel, le travail la prière, la misère matérielle l'enfer, l'homme a
remplacé le chrétien.
»
Dans la pratique, l'homme a remplacé le chrétien.
Il faut alors que, dans la théorie, l'être humain remplace l'être
divin.
Ce qui signifie que la philosophie doit cesser d'être « théologie » pour devenir « anthropologie».
C'est dans « L'essence du christianisme » que Feuerbach perce le secret de la religion chrétienne.
On peut y
lire : « La religion, du moins la chrétienne, est la relation de l'homme à lui-même ou plus exactement à son essence,
mais à son essence comme à un autre être (Wesen).
L'être divin n'est rien d'autre que l'essence humaine ou mieux,
l'essence de l'homme séparée des limites de l'homme individuel [...], cad honorée comme un autre être, autre
particulier, distinct de lui, -toutes les déterminations de l'être (esen) divin sont donc des déterminations de
l'essence (Wesen) humaine.
»
D'emblée, Feuerbach pose que seul l'homme a conscience de lui-même.
Par là même, il prend conscience
de son humanité en général.
Il ne se sait pas seulement individu, il reconnaît aussi, dans son existence individuelle,
sa participation à l'espèce humaine.
Ainsi, lorsque l'homme parle avec lui-même, il communique avec son essence,
car penser et parler sont de véritables fonctions génériques : « L'homme est à lui-même simultanément Je & Tu.
Il
peut se mettre à la place de l'autre, précisément parce qu'il a pour objet non pas son individualité, mais son espèce
générique, son essence.
»
Contrairement à l'instinct animal qui est limité, et donc infaillible en raison de cette limitation, la conscience humaine
est essentiellement d'une nature universelle, infinie.
La conscience et la conscience de l'infini sont inséparables :
«La conscience de l'infini n'est rien d'autre que la conscience de l'infini de la conscience.
Ou bien : dans la
conscience de l'infini, l'être conscient a pour objet l'infinité de sa propre essence.
»
Mais qu'est-ce que l'essence humaine ? Qu'est-ce qui fait dans l'homme le genre, l'humanité ?
« La raison, la volonté, le coeur.
Font partie d'un homme accompli, la faculté de penser, celle de la volonté et celle
du coeur.
[...] Raison, amour et volonté sont des perfections, les facultés suprêmes, elles sont l'essence absolue de
l'homme en tant qu'homme et le but de son existence.
»
Cela posé, Feuerbach passe à l'analyse de l'objet religieux.
Ce qui est Dieu pour l'homme, c'est son essence, son
moi vrai & objectif.
Dieu, c'est l'intérieur de l'homme projeté à l'extérieur, révélé, exprimé.
D'où cette saisissante
formule : « La religion est le solennel dévoilement des trésors cachés de l'homme, l'aveu de ses pensées les plus
intimes, la confession publique de ses secrets d'amour.
»
Mais si la religion est le rapport de l'homme avec lui-même, elle apparaît à l'homme comme un rapport avec quelque
chose d'autre que lui.
La religion est « la première conscience de soi de l'homme, mais elle est indirecte ».
En elle,
l'homme a pour objet « son propre être sous la forme d'un autre être».
Autrement dit, la religion chrétienne est « la
relation de l'homme à lui-même ou plus exactement à son essence, mais à son essence comme à un autre être.
»
Ainsi la religion n'est pas seulement la « mise à l'extérieur » de l'homme, de son essence, mais bien son
« aliénation ».
Si aliéner, c'est abandonner à autrui ce qui est à soi, l'homme est bien aliéné dans la religion, puisqu'il
n'y prend conscience de lui-même que dans une réalité étrangère à laquelle il attribue, pour pouvoir se la
représenter, sa propre essence.
Autrement dit, ce ne sont jamais que ses propres attributs que l'homme adore en
Dieu.
L'homme s'est ainsi dépouillé de son être pour l'attribuer à Dieu.
Et ce qu'il y a de remarquable, c'est que plus
Dieu est humain dans son essence, plus grande est apparemment la différence entre lui et l'homme.
Ce qui veut dire.
»
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