Les animaux : qu'ont-ils à nous apprendre ?
Extrait du document
«
Les animaux sont des vivants organisés, dotés de la raison et de la sensibilité à un degré inférieur à celui de l'homme.
Apprendre est l'acquisition de connaissances, d'un savoir, que l'on peut distinguer en deux catégories.
Il y a d'une part le savoir théorique,
celui qui consiste en un discours sur les êtres et les choses.
Mais il existe également un savoir pratique, qui consiste en la connaissance
des pratiques appropriées aux diverses situations de la vie, qui débouche sur l'action.
Lorsque nous apprenons, nous apprenons, semble-t-il, d'un individu qui nous est supérieur en savoir ou en intelligence ou en sagesse.
Or, les animaux nous sont inférieurs en tous points : il semble donc que nous n'ayons rien à apprendre d'eux.
Nous nous demanderons si les animaux sont des êtres inférieurs incapables de nous apprendre quoi que ce soit, où si nous pouvons tirer
de leur observation un savoir théorique et pratique.
I.
a.
L'observation des animaux est inutile à la connaissance de l'homme
Des « animaux machines »
A première vue, nous n'avons rien à apprendre des animaux.
Nous sommes enclins à les considérer comme des frères inférieurs, comme
des êtres moins évolués que nous ne le sommes, et il parait contradictoire de dire que nous pouvons apprendre quelque chose de ceux
qui nous sont inférieurs.
Pour Descartes et ses épigones, les animaux sont des machines, qui se meuvent mécaniquement et qui n'ont
pas d'âme, au contraire de l'homme : nous ne pouvons rien apprendre de machines, c'est-à-dire d'être
absolument distincts et inférieurs à nous.
«S'il y avait de telles machines qui eussent les organes et la figure extérieure d'un singe ou de quelque
autre animal sans raison, nous n'aurions aucun moyen pour reconnaître qu'elles ne seraient pas en tout
de même nature que ces animaux.» Descartes, Discours de la méthode (1637).
• Descartes, lui, propose la théorie dite des «animaux-machines»: pour lui, les animaux n'ont pas
d'âme: seuls les hommes en ont une, qui leur confère le libre-arbitre.
Les animaux sont donc simplement des corps, qui obéissent aux lois de la matière corporelle.
Ce sont,
en somme, des automates, très complexes, certes, mais déterminés de manière entièrement
mécanique.
• Pour Descartes, la «biologie» est donc une branche de la physique.
Ce que je connais du vivant, c'est
son mécanisme.
b.
Les dangers épistémologiques de l'anthropomorphisme
Par ailleurs, il semble problématique d e prétendre que nous pouvons apprendre quelque chose des
animaux.
En effet, cela nous pose des problèmes épistémologiques : en disant que nous pouvons
apprendre des animaux, n'avons-nous pas tendance à les rendre égaux à nous-mêmes ? Le risque est
celui de l'anthropomorphisme : nous sommes enclins à considérer le monde animal comme une forme
d u m o n d e humain, et à interpréter la spécificité animale avec un appareil théorique formé chez les
hommes.
II.
a.
L'observation des animaux, moyen d'une connaissance réflexive de l'homme
L'homme compris comme animal
Cependant, malgré les dangers d e l'anthropomorphisme, il semble bien que nous puissions apprendre des animaux, en tirer une
connaissance réflexive.
En effet, l'homme n'est qu'un animal évolué, plus accompli que nombre d'animaux.
Mais le monde animal montre
avec une grande évidence ce qui est latent, caché par les civilisations, chez les hommes.
Dans La Ferme des animaux, Georges Orwell
présente ces derniers comme des révélateurs de nos propres comportements, notamment dans le domaine de la politique : c'est ainsi
que le commandement inscrit sur le mur d e la ferme « Tous les animaux sont égaux mais certains sont pus égaux que d'autres » apparait
comme la maxime de tous les despotismes.
Nous pouvons tirer des animaux une connaissance réflexive
b.
La volonté de puissance à nue dans le monde animal
Si nous observons les animaux, non comme des êtres inférieurs, ou mécaniques, mais comme des êtres avec lesquels nous avons une
grande parenté, nous considèrerons leurs mœurs comme des révélateurs des nôtres.
C'est ainsi que dans le monde animal la volonté de
puissance, cette volonté qui se confond pour Nietzsche avec la vie, et qui consiste dans le désir de produire toujours plus d'effets,
d'affirmer sa puissance sur les autres, se révèle à n u e chez les animaux.
L'observation d e ces derniers peut donc beaucoup nous
apprendre sur nos propres mœurs, nous rappeler nos racines animales.
La cruauté omniprésente dans les sociétés animales n'est que la
forme exacerbée et manifeste de celle qui règne dans les nôtres.
III.
a.
L'observation des animaux, moyen d'un apprentissage pratique et théorique pour l'homme
L'animal comme modèle théorique pour la science
Mais nous avons également à tirer du monde animal des connaissances théoriques.
Pensons à Léonard de Vinci dessinant des machines
volantes après avoir observé des oiseaux dans le ciel : la contemplation du monde animal, comme de la nature en général, peut fournir à
l'homme des modèles théoriques pour ses propres découvertes scientifiques.
Pensons également à l'observation de l'industrie des
abeilles, des araignées ou des castors, dont les productions peuvent fournir aux hommes de la matière pour ses constructions ou ses
pratiques de production.
b.
L'animal comme modèle de vertus pratiques pour l'homme
Mais ce sont également des connaissances pratiques que nous pouvons apprendre en observant le monde animal.
Pensons à certains
comportements animaux qui peuvent fournir des aliments à notre méditation, comme la prévoyance des insectes à l'approche de la
saison froide, comme leur longanimité dans l'effort et dans la douleur.
C e sont donc aussi des connaissances pratiques que nous
apprennent les animaux – à moins qu'ils ne nous prodiguent des enseignements moraux.
Conclusion :
Vivants inférieurs, vivants machines, il semble que les animaux ne peuvent rien nous apprendre.
Pourtant, nous pouvons tirer de leur
observation des connaissances de trois types : une connaissance réflexive, théorique et pratique..
»
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